AG2R Prévoyance v Beaudout Père et Fils SARL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:112
Date03 March 2011
Celex Number62009CJ0437
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-437/09

Affaire C-437/09

AG2R Prévoyance

contre

Beaudout Père et Fils SARL

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal de grande instance de Périgueux)

«Concurrence — Articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE — Régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé — Convention collective — Affiliation obligatoire auprès d’un organisme assureur déterminé — Exclusion explicite de toute possibilité de dispense d’affiliation — Notion d’entreprise»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Règles de l'Union — Champ d'application matériel — Conventions collectives visant à atteindre des objectifs de politique sociale — Avenant à une convention collective mettant en place un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé — Décision des pouvoirs publics rendant obligatoire l'affiliation audit régime — Exclusion

(Art. 4, § 3, TUE; art. 101, § 1, TFUE)

2. Concurrence — Règles de l'Union — Entreprise — Notion — Organisme chargé de la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé — Inclusion — Conditions

(Art. 101 TFUE et 102 TFUE)

3. Concurrence — Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs — Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général — Organisme chargé de la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé — Obligation d'affiliation pour les entreprises du secteur d'activité concerné sans possibilité de dispense — Admissibilité

(Art. 102 TFUE et 106 TFUE)

1. Ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en raison de sa nature et de son objet, un accord conclu sous la forme d’un avenant à une convention collective résultant par conséquent d’une négociation collective entre l’organisation représentative des employeurs et celles représentatives des salariés d'un secteur d'activité déterminé, qui met en place, dans ce secteur, un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé contribuant à l’amélioration des conditions de travail des salariés non seulement en leur garantissant les moyens nécessaires pour faire face à des frais liés à une maladie, à un accident du travail, à une maladie professionnelle ou encore à une maternité, mais également en réduisant les dépenses qui, à défaut d’une convention collective, auraient dû être supportées par les salariés. Cette constatation n’est pas remise en cause par la circonstance que l’affiliation à un tel accord est obligatoire pour toutes les entreprises du secteur d’activité concerné d’un État membre, sans possibilité de dispense d’affiliation.

Un tel accord ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, les pouvoirs publics sont libres de le rendre obligatoire pour des personnes qui ne sont formellement pas liées par celui-ci.

Il s'ensuit que l’article 101 TFUE lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE ne s’oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d’un secteur d’activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l’affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l’ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense.

(cf. points 31-33, 36, 38-39, disp. 1)

2. Dans le contexte du droit de la concurrence de l’Union, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné.

En ce qu’il prévoit une protection sociale complémentaire obligatoire pour tous les salariés d’un secteur économique, un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé poursuit un objectif social. Toutefois, la finalité sociale d’un régime d’assurance n’est pas en soi suffisante pour exclure que l’activité concernée soit qualifiée d’activité économique. Il faut également que, d'une part, ce régime puisse être considéré comme mettant en œuvre le principe de solidarité et, d’autre part, qu'il soit soumis au contrôle de l’État qui l’a instauré.

En fonction des circonstances dans lesquelles un organisme est désigné pour assurer la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé et de la marge de négociation dont il dispose quant aux modalités de son engagement, un tel organisme, bien que n’ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, pourrait être qualifié d'entreprise exerçant une activité économique qui a été choisie par les partenaires sociaux, sur la base de considérations financières et économiques, parmi d’autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu’elle propose.

(cf. points 41-42, 44-46, 64-65)

3. Pour autant que l’activité consistant dans la gestion d’un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé doit être qualifiée d’économique, les articles 102 TFUE et 106 TFUE ne s’opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d’activité concerné d’être dispensées de s’affilier audit régime.

En effet, la suppression d'une telle obligation d'affiliation sans possibilité de dispense pourrait aboutir à une impossibilité pour l’organisme concerné d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables.

(cf. points 80-81, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 mars 2011(*)

«Concurrence – Articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE – Régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé – Convention collective – Affiliation obligatoire auprès d’un organisme assureur déterminé – Exclusion explicite de toute possibilité de dispense d’affiliation – Notion d’entreprise»

Dans l’affaire C‑437/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le tribunal de grande instance de Périgueux (France), par décision du 27 octobre 2009, parvenue à la Cour le 9 novembre 2009, dans la procédure

AG2R Prévoyance

contre

Beaudout Père et Fils SARL,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 septembre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour AG2R Prévoyance, par Mes J. Barthélémy et O. Barraut, avocats,

– pour Beaudout Père et Fils SARL, par Me F. Uroz, avocat,

– pour le gouvernement français, par M. J. Gstalter, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. F. Castillo de la Torre et P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 81 CE et 82 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AG2R Prévoyance (ci-après «AG2R»), institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale français, à Beaudout Père et Fils SARL (ci-après «Beaudout»), relatif au refus de cette dernière d’adhérer au régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé géré par AG2R pour le secteur de la boulangerie artisanale française.

La réglementation nationale

3 En France, les frais de soins de santé liés à une maladie ou à un accident exposés par les salariés sont en partie remboursés par le régime de base de la sécurité sociale. La partie des frais qui reste à la charge de l’assuré social peut faire l’objet d’un remboursement partiel dans le cadre d’une assurance complémentaire de santé.

4 L’affiliation des salariés d’un secteur d’activité donné à une telle couverture peut être prévue par un accord ou une convention collective conclu par les représentants des employeurs et des salariés.

5 Ainsi, aux termes de l’article L 911‑1 du code de la sécurité sociale:

«À moins qu’elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l’organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d’accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.»

6 L’article L 912‑1 du code de la sécurité sociale organise le dispositif d’affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de soins de santé. Cet article dispose:

«Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L 911‑1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d’un ou plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89‑1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou d’une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L 370‑1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d’application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les...

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