European Commission v Slovak Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:802
CourtCourt of Justice (European Union)
Date22 December 2010
Docket NumberC-507/08
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CJ0507

Affaire C-507/08

Commission européenne

contre

République slovaque

«Manquement d’État — Aide d’État — Remise partielle d’une dette fiscale d’une société dans le cadre d’une procédure de concordat — Décision de la Commission constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun et ordonnant sa récupération — Inexécution»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Non-respect de l'obligation de récupérer les aides illégales — Moyens de défense

(Art. 88, § 2, CE; art. 4, § 3, TUE)

2. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution — Obligations des États membres

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, 13e considérant et art. 14, § 3)

3. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Application du droit national — Conditions et limites

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14, § 3)

1. Le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre dans le cadre d’un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision de récupération.

En cas de difficultés d’exécution, la Commission et l’État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union européenne des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire notamment l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité FUE, et notamment celles relatives aux aides d’État.

(cf. points 43-44)

2. Ne saurait être approuvée l'interprétation littérale d'une décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, dont l'État membre concerné se prévaut afin de justifier son inexécution et selon laquelle cette décision impose la «récupération» au lieu du «recouvrement», ce qui, selon cet État, n’impliquerait qu’une obligation d’entreprendre différentes démarches aux fins de récupérer l’aide illégale, sans pour autant qu’il soit tenu de la récupérer effectivement.

En effet, dans le contexte de la réglementation de l’Union, et au vu, en particulier, du treizième considérant et de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, la finalité d'une telle décision de la Commission est le rétablissement d’une concurrence effective, de sorte que cette décision impose à l’État membre destinataire l’obligation d’obtenir effectivement, et sans délai, la restitution de l’aide d’État illégale.

(cf. points 5, 46-48)

3. Un État membre qui, en vertu d’une décision de la Commission constatant l'existence d'une aide d'État incompatible avec le marché commun, se trouve obligé de récupérer des aides illégales est libre de choisir les moyens par lesquels il exécutera cette obligation, pourvu que les mesures choisies ne portent pas atteinte à la portée et à l’efficacité du droit de l’Union. Le droit de l’Union impose donc une obligation de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution des décisions de la Commission imposant la récupération d’une aide illégale tout en respectant les particularités des différentes procédures qui sont prévues par les États membres à cet égard.

S'agissant, en particulier, de la question de savoir si le caractère définitif d’une décision juridictionnelle nationale par laquelle est approuvé, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, un concordat duquel résulte l’abandon partiel d’une créance publique, abandon ultérieurement qualifié par la Commission d’aide d’État, peut faire échec à la récupération de cette aide, le droit de l’Union n’impose pas dans tous les cas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant force de chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit de l’Union par la décision en cause. Toutefois, lorsque les autorités de l'État membre concerné disposent, selon le droit national, de moyens dont l'utilisation diligente aurait pu donner audit État la possibilité de récupérer l'aide en cause, et que cet État n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de considérer qu'il aurait entrepris, dans le délai qui lui était imparti, toutes les démarches qu'il lui était possible de mettre en oeuvre afin d'obtenir le remboursement de l'aide illégale, cet État doit être considéré comme ayant manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 249, quatrième alinéa, CE et de la décision de la Commission.

(cf. points 51-52, 55, 60-61, 64-65)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Manquement d’État – Aide d’État – Remise partielle d’une dette fiscale d’une société dans le cadre d’une procédure de concordat – Décision de la Commission constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Inexécution»

Dans l’affaire C‑507/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, introduit le 21 novembre 2008,

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et J. Javorský ainsi que par Mme K. Walkerová, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), L. Bay Larsen, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’exécutant pas la décision 2007/254/CE de la Commission, du 7 juin 2006, concernant l’aide d’État C 25/05 (ex NN 21/05) mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (JO L 112, p. 14), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 249, quatrième alinéa, CE et de l’article 2 de ladite décision.

Le cadre juridique

2 Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3 L’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 énonce:

«Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [242 CE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4 Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, du même règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l’article [88, paragraphe 2, CE].»

La procédure précontentieuse

5 Par la décision 2007/254, la Commission a constaté que les mesures prises par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (ci‑après «Frucona») constituaient une aide d’État et que cette aide n’était pas compatible avec le marché commun.

6 Il ressort de cette décision que, à l’époque des faits, Frucona opérait dans le secteur de la production d’alcools et de spiritueux, de boissons sans alcool, de fruits et légumes en conserve ainsi que de vinaigre. La mesure d’État en cause consistait dans l’annulation d’une dette fiscale par le bureau local des impôts de Košice IV (ci-après le «bureau des impôts») dans le cadre d’un concordat, procédure régie par la loi n° 328/91 relative aux faillites et aux concordats. Il résulte de cette législation que, à l’instar de la procédure de faillite, le concordat vise à régler la situation financière d’une société endettée, mais que son objectif est de permettre la poursuite des activités de celle-ci en parvenant à un accord avec les créanciers en vertu duquel cette société s’engage à rembourser partiellement ses dettes en échange de l’annulation du solde restant dû. Cet accord doit être approuvé par la juridiction chargée du contrôle de la procédure.

7 Le 8 mars 2004, Frucona a introduit une demande de concordat auprès de la cour régionale compétente, son passif comportant notamment une dette de droits d’accise sur l’alcool. Après que les créanciers eurent voté en faveur du concordat, l’accord a été confirmé par ladite cour régionale le 14 juillet 2004. À l’expiration du délai de recours, la décision de celle-ci a acquis force de chose jugée.

8 L’accord...

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