European Commission v Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:46
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-456/08
Date28 January 2010
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62008CJ0456

Affaire C-456/08

Commission européenne

contre

Irlande

«Manquement d’État — Directive 93/37/CEE — Marchés publics de travaux — Notification aux candidats et aux soumissionnaires des décisions concernant l’attribution du marché — Directive 89/665/CEE — Procédures de recours en matière de passation des marchés publics — Délai de recours — Date à partir de laquelle le délai de recours commence à courir»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux — Directives 89/665 et 93/37

(Directives du Conseil 89/665, art. 1er, § 1, et 93/37, art. 8, § 2)

2. Rapprochement des législations — Procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux — Directive 89/665 — Délais de recours

(Directive du Conseil 89/665, art. 1er, § 1)

1. Un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 92/50, ainsi que de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/37, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, telle que modifiée par la directive 97/52, lorsqu'un pouvoir adjudicateur n'informe pas un soumissionnaire écarté de sa décision d’attribution d'un marché relatif à la conception, à la construction, au financement et à l’exploitation d'une autoroute de contournement.

En effet, l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/37 prévoit que les pouvoirs adjudicateurs informent dans les moindres délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’adjudication du marché. La notification de la décision d’attribution d’un marché public aux candidats et aux soumissionnaires non retenus est obligatoire en vertu de cette disposition. Cette même obligation découle de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 dès lors que la possibilité d’exercer un recours effectif contre les décisions d’adjudication suppose que les candidats et les soumissionnaires de la décision d’adjudication en soient informés en temps utile.

La diffusion de la décision d'attribution sur le site Internet du pouvoir adjudicateur et sa publication au Journal officiel de l’Union européenne après la signature du contrat entre le pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire retenu ne sauraient remédier de façon adéquate à l'omission d'informer le soumissionnaire écarté. En effet, pour permettre aux candidats et aux soumissionnaires d’avoir une protection juridictionnelle effective, ceux-ci doivent être informés de la décision d’attribution un certain temps avant la conclusion de ce contrat.

(cf. points 29-30, 32-33, 83 et disp.)

2. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 92/50, un État membre qui maintient en vigueur une disposition aux termes de laquelle tout recours contre une décision d’attribuer ou contre l’attribution d’un marché public doit être formé dans les délais les plus brefs et, en tout état de cause, dans les trois mois à compter de la date à laquelle les motifs du recours sont apparus pour la première fois, à moins que la juridiction saisie ne considère qu’il y a une bonne raison d’étendre ce délai, dans la mesure où cette disposition comporte une incertitude quant à la décision contre laquelle le recours doit être formé et quant à la détermination des délais pour former un tel recours.

En effet, les délais de forclusion nationaux, y compris les modalités de leur application, ne doivent pas être en eux-mêmes de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que l’intéressé tire, le cas échéant, du droit communautaire.

Or, dans la mesure où une telle disposition permet aux juridictions nationales d’appliquer par analogie le délai de forclusion qu’elle prévoit pour les recours contre les décisions d’attribution des marchés publics aux recours contre des décisions intermédiaires prises par les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation de ces marchés, à l’égard desquelles le législateur n’a pas explicitement prévu cette forclusion, la situation juridique qui en résulte n’est pas suffisamment claire et précise pour exclure le risque que les candidats et les soumissionnaires concernés soient déchus de leur droit de recours contre des décisions en matière de marchés publics par une juridiction nationale sur le fondement d’une interprétation qu’elle fait de cette disposition.

L’extension du délai de forclusion aux décisions intermédiaires prises par les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation d’un marché public selon des modalités qui aboutissent à priver les intéressés de leur droit de recours n’est conforme ni aux exigences de la sécurité juridique ni à l’objectif d’efficacité du recours. Les intéressés doivent être informés que le régime des délais s’applique auxdites décisions intermédiaires avec suffisamment de clarté pour pouvoir utilement former des recours dans les délais imposés. L’absence d’une telle information ne peut pas être justifiée par l’objectif de la célérité de la procédure.

En outre, la formulation selon laquelle tout recours pertinent «doit être formé dans les délais les plus brefs et, en tout état de cause, dans les trois mois», comporte une incertitude. Il ne peut pas être exclu qu’une telle disposition habilite les juridictions nationales à rejeter un recours comme forclos avant même l’expiration du délai de trois mois, si elles estiment que le recours n’a pas été introduit «dans les délais les plus brefs» au sens de cette disposition. Un délai de forclusion dont la durée est laissée à la libre appréciation du juge compétent n’est pas prévisible dans sa durée. De la sorte, une disposition nationale prévoyant un tel délai n’assure pas une transposition effective de la directive 89/665.

La faculté pour le juge de proroger les délais de recours n’est pas de nature à combler les lacunes que présente une telle disposition au regard de la clarté et de la précision requises par la directive 89/665 en ce qui concerne le régime des délais de recours. Même en prenant en compte cette faculté de prorogation, le candidat ou le soumissionnaire concerné, étant donné la référence à l’obligation de former tout recours dans les délais les plus brefs, ne peut pas prévoir avec certitude le délai qui lui sera imparti pour former un recours.

(cf. points 53, 63, 66, 74-75, 81, 83 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 janvier 2010 (*)

«Manquement d’État – Directive 93/37/CEE – Marchés publics de travaux – Notification aux candidats et aux soumissionnaires des décisions concernant l’attribution du marché – Directive 89/665/CEE – Procédures de recours en matière de passation des marchés publics – Délai de recours – Date à partir de laquelle le délai de recours commence à courir»

Dans l’affaire C‑456/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 20 octobre 2008,

Commission européenne, représentée par MM. G. Zavvos, M. Konstantinidis et E. White, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. A. Collins, SC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en raison des dispositions législatives nationales relatives aux délais auxquels l’exercice par les soumissionnaires de leur droit au contrôle juridictionnel dans le cadre des procédures de passation de marchés publics est soumis, et du fait qu’elle n’a pas notifié la décision d’attribution au plaignant dans le cadre de la procédure de passation concernée, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, en ce qui concerne les délais applicables, de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 (JO L 209, p. 1, ci-après la «directive 89/665»), tel qu’interprété par la Cour, et, en ce qui concerne l’absence de notification, de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, tel qu’interprété par la Cour, ainsi que de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1, ci-après la «directive 93/37»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

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