European Commission v Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:679
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 October 2009
Docket NumberC-456/08
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62008CC0456

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 29 octobre 2009 (1)

Affaire C‑456/08

Commission des Communautés européennes

contre

Irlande

«Manquement d’un État membre – Marchés publics de travaux – Directives 93/37/CEE et 89/665/CEE – Obligation des pouvoirs adjudicateurs de communiquer la décision d’adjudication à tout soumissionnaire écarté – Procédure de recours de droit interne – Protection juridictionnelle effective – Décisions attaquables – Délai de forclusion – Calcul du délai – Célérité requise dans l’introduction du recours (‘dans les délais les plus brefs’)»





I – Introduction

1. Le présent recours en manquement donne à la Cour l’occasion d’affiner sa jurisprudence relative aux recours de soumissionnaires écartés d’un marché public.

2. D’une part, la Commission des Communautés européennes fait grief à l’Irlande de ne pas avoir informé le consortium de soumissionnaires écartés de la décision finale d’adjudication d’un marché.

3. D’autre part, la Commission et l’Irlande sont contraires sur la question de savoir si les délais fixés par les règles de procédure irlandaises sont énoncés en des termes suffisamment clairs, précis et prévisibles pour permettre un véritable contrôle des décisions des pouvoirs adjudicateurs.

4. Sur cette dernière question, le présent recours présente des analogies avec l’affaire Uniplex (UK) (C-406/08), dans laquelle nous présentons également des conclusions ce jour.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

5. Les directives 93/37/CEE (2) et 89/665/CEE (3) tracent le cadre de droit communautaire de la présente affaire.

6. L’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/37 comporte la disposition suivante dans sa version modifiée par la directive 97/52/CE (4):

«Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les moindres délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’adjudication du marché, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure, et par écrit si demande leur en est faite. Ils informent aussi l’Office des publications officielles des Communautés européennes de ces décisions.»

7. L’article 1er de la directive 89/665 dispose dans sa version modifiée par la directive 92/50/CEE (5)(6):

«1. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application des directives 71/305/CEE, 77/62/CEE et 92/50/CEE […], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l’article 2, paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

2. Les États membres veillent à ce qu’il n’y ait, entre les entreprises susceptibles de faire valoir un préjudice dans le cadre d’une procédure d’attribution de marché, aucune discrimination du fait de la distinction opérée par la présente directive entre les règles nationales transposant le droit communautaire et les autres règles nationales.

3. Les États membres assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public de fournitures ou de travaux déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. En particulier, ils peuvent exiger que la personne qui souhaite utiliser une telle procédure ait préalablement informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de son intention d’introduire un recours» (7).

B – Législation interne

8. Les textes de droit interne irlandais qui intéressent le présent recours sont tout d’abord les European Communities (Award of Public Authorities’ Contracts) Regulations 2006 (8) (ci-après le «règlement APAC») et ensuite les Rules of the Superior Courts (9) (ci-après les «RSC»).

9. L’article 49 du règlement APAC se lit comme suit dans les passages qui nous intéressent:

«1. Dès que possible après qu’une décision concernant la passation d’un marché public, la conclusion d’un accord-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique a été adoptée, le pouvoir adjudicateur informe les candidats et les soumissionnaires de la décision, par les moyens de communication les plus rapides possible (par exemple, par courrier électronique ou par télécopie). […]

5. Tout pouvoir adjudicateur ne signe de contrat public avec le soumissionnaire retenu qu’à l’expiration d’un délai minimal de 14 jours après que le soumissionnaire a été informé conformément au paragraphe 1 de la décision de passer le marché.

[…]»

10. L’article 84 A, paragraphe 4, des RSC (10) dispose:

«Tout recours contre une décision d’adjudication ou contre l’adjudication d’un marché public doit être formé dans les délais les plus brefs et, en tout état de cause, dans les trois mois à compter de la date à laquelle les motifs du recours sont apparus pour la première fois, à moins que le tribunal n’estime qu’il y ait des motifs valables de proroger ce délai.»

III – Faits et procédure précontentieuse

11. L’Irish National Roads Authority (ci-après la «NRA») est une autorité chargée en Irlande de la construction et de l’entretien des routes.

12. La NRA a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 10 juillet 2001 un appel à manifestation d’intérêt pour la conception, la construction, le financement et l’exploitation du contournement autoroutier de Dundalk, appelé Dundalk Western Bypass Motorway. Le contractant était appelé à établir avec la NRA un partenariat public‑privé (11) et à exploiter le tronçon autoroutier pendant une période estimée à 30 ans.

13. En décembre 2001, la NRA a ouvert des négociations avec quatre entreprises qui avaient manifesté leur intérêt. En avril 2003, la NRA en a sélectionné deux pour mener des négociations plus approfondies, à savoir les consortiums EuroLink et Celtic Roads Group. Le 8 août 2003, la NRA a invité ces deux consortiums à remettre chacun leur offre définitive («meilleure offre définitive»).

14. Par lettre du 14 octobre 2003, EuroLink a été informée par la NRA qu’elle avait décidé de retenir Celtic Roads Group comme mieux‑disant. La NRA a toutefois précisé que l’offre d’EuroLink n’était pas rejetée. En effet, au cas où les discussions ultérieures avec Celtic Roads Group ne devaient pas aboutir à la signature d’un contrat, la NRA se réservait le droit d’inviter EuroLink à des discussions en lieu et place de Celtic Roads Group.

15. Le 9 décembre 2003, la NRA a décidé d’adjuger le marché à Celtic Roads Group. Le contrat a été signé avec Celtic Roads Group le 5 février 2004. À partir du 9 février 2004, le site internet de la NRA a donné communication de sa teneur et en plus le Journal Officiel de l’Union européenne y a consacré une communication le 3 avril 2004.

16. Le 8 avril 2004, SIAC Construction Limited (SIAC), une entreprise membre du consortium écarté EuroLink, a saisi la High Court of Ireland d’un recours en indemnité tiré de différentes irrégularités dont serait prétendument entachée la procédure d’adjudication.

17. Par arrêt du 16 juillet 2004 (12), la High Court a rejeté le recours comme irrecevable pour forclusion. Contrairement à SIAC, la juridiction irlandaise a considéré que SIAC devait connaître depuis le 14 octobre 2003, si pas avant cette date, les raisons qui ont présidé à son recours, à savoir lorsque EuroLink a été informée par la NRA de l’identité du soumissionnaire retenu. Aux termes de l’article 84 A, paragraphe 4, des RSC, SIAC aurait dû introduire son recours dans les trois mois de cette date.

18. SIAC a alors saisi la Commission d’une plainte. Elle y a affirmé notamment n’avoir été informée à aucun moment par la NRA de sa décision d’adjuger le marché.

19. À la suite de cette plainte, la Commission a tout d’abord adressé, le 15 novembre 2004, aux autorités irlandaises une lettre administrative sollicitant un complément d’informations de leur part. La lettre que l’Irlande lui a adressée en réponse le 25 avril 2005 n’a pas permis de lever les objections de la Commission. Celle-ci a alors adressé à l’Irlande une lettre de mise en demeure le 10 avril 2006 et une lettre de mise en demeure complémentaire le 15 décembre 2006, auxquelles cet État membre a répondu par écrit respectivement les 30 mai 2006 et 21 février 2007.

20. Ne se satisfaisant toutefois toujours pas des explications de l’Irlande, la Commission a émis, le 1er février 2008, un avis motivé au titre de l’article 226, premier alinéa, CE en exigeant que l’Irlande prenne, dans les deux mois, les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis. L’Irlande a répondu à cet avis motivé le 25 juin 2008 en exposant notamment avoir considéré une modification des règles législatives, réglementaires et administratives internes dans le contexte de la transposition de la directive 2007/66. La Commission n’a toutefois pas jugé cette réponse davantage suffisante.

IV – Conclusions des parties et procédure devant la Cour

21. Par requête du 14 octobre 2008, parvenue à la Cour le 20 octobre 2008, la Commission a introduit le présent recours au titre de l’article 226, deuxième alinéa, CE.

22. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que l’Irlande, en raison de ses dispositions législatives relatives aux délais auxquels l’exercice par les soumissionnaires de leur droit au contrôle juridictionnel dans le cadre des procédures d’appel d’offres est soumis, et du fait qu’elle n’a pas notifié la décision d’attribution au plaignant dans le cadre de la procédure d’appel d’offres concernée, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, en ce qui concerne les délais applicables, de l’article 1...

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