Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:159
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-323/03
Date09 March 2006
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62003CJ0323

Affaire C-323/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d'Espagne

«Manquement d'État — Règlement (CEE) nº 3577/92 — Cabotage maritime — Applicabilité aux services de transport de passagers dans la ria de Vigo — Concession administrative de vingt ans au profit d'un opérateur unique — Compatibilité — Possibilité de conclure des contrats de service public ou d'imposer des obligations de service public — Clause de gel (ou de 'standstill')»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 10 novembre 2005

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 mars 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Transports — Transports maritimes — Libre prestation des services — Cabotage maritime

(Règlement du Conseil nº 3577/92, art. 2, point 1, a) et c))

2. Transports — Transports maritimes — Libre prestation des services — Cabotage maritime

(Règlement du Conseil nº 3577/92)

3. Transports — Transports maritimes — Libre prestation des services — Cabotage maritime

(Règlement du Conseil nº 3577/92, art. 1er)

4. Transports — Transports maritimes — Libre prestation des services — Cabotage maritime — Règlement nº 3577/92

(Traité CE, art. 62 (abrogé par le traité d'Amsterdam); art. 49, al. 1, CE; règlement du Conseil nº 3577/92, art. 6 et 7)

1. Pour interpréter les termes «transport par mer [...] entre des ports» qui font partie des définitions du cabotage continental et du cabotage avec les îles figurant à l'article 2, point 1, sous a) et c), du règlement nº 3577/92, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime), il convient de tenir compte de l'objectif de celui-ci, à savoir la mise en oeuvre de la libre prestation des services pour le cabotage maritime selon les conditions et sous réserve des exceptions que ce règlement prévoit.

Ne saurait être admise une assimilation des notions de mer au sens du règlement nº 3577/92 et de mer territoriale au sens de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, du 10 décembre 1982 (ci-après la «convention de Montego Bay»), car une telle assimilation est susceptible de porter atteinte audit objectif. En effet, l'application dudit règlement à la seule mer territoriale, au sens de cette convention, serait de nature à exclure de la libéralisation visée par ce règlement des services de transport maritime potentiellement importants, dès lors que ces derniers sont effectués en deçà de la ligne de base de la mer territoriale que les États peuvent tracer, en vertu de ladite convention, en fermant les points naturels d'entrée des baies. Par ailleurs, il ne ressort pas du règlement nº 3577/92 que le législateur communautaire aurait voulu restreindre le champ d'application de celui-ci à la seule mer territoriale au sens de la convention de Montego Bay.

(cf. points 24-27)

2. Compte tenu du contexte du règlement nº 3577/92, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime), et de l'objectif poursuivi par celui-ci, à savoir la mise en oeuvre de la libre prestation des services pour le cabotage maritime, la notion de port visée par ledit règlement comprend des infrastructures, même de faible importance, dont la fonction est de permettre l'embarquement et le débarquement des marchandises ou des personnes transportées par mer.

(cf. point 33)

3. Une mesure nationale réservant les services de transport maritime dans une vallée fluviale noyée par la mer à une seule entreprise par une concession administrative d'une durée de vingt ans renouvelable pour une période de dix ans est de nature à gêner, voire prohiber la prestation de ces services par des entreprises situées dans d'autres États membres et constitue, dès lors, une restriction à la libre prestation des services de cabotage maritime dans la Communauté. Il en est de même d'une mesure qui retient l'expérience acquise dans le domaine du transport maritime dans cette vallée comme critère de sélection de l'entreprise concessionnaire. De telles restrictions peuvent néanmoins être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général dès lors qu'elles s'appliquent à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'État membre d'accueil, qu'elles sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce.

En effet, en ce qui concerne certaines îles situées à l'intérieur de ladite vallée, des mesures moins contraignantes que ladite concession, telles que l'organisation d'un système de réservation et de vente des entrées disponibles, peuvent être instaurées afin d'adapter le trafic à destination de ces îles tant aux exigences environnementales qu'aux faibles capacités du quai. Ensuite, s'agissant des exigences liées à l'organisation du trafic dans la zone géographique concernée, l'État membre n'a pas démontré que les services de transport de passagers entre les rives de cette même vallée doivent, sous peine de ne plus être rentables et de disparaître, faire l'objet d'une concession, octroyée à un opérateur unique pour une durée de vingt ans, susceptible d'être prolongée jusqu'à trente ans. Par ailleurs, cet État n'a pas non plus démontré que l'intensité du trafic maritime dans ladite vallée engendrerait des difficultés qui ne pourraient être prévenues autrement que par l'instauration d'une mesure aussi restrictive que ladite concession ni que, à supposer que des investissements considérables soient requis afin de maintenir les liaisons maritimes concernées, ceux-ci ne pourraient être amortis que sur une période de vingt, voire trente ans.

S'agissant, enfin, du critère de sélection relatif à l'expérience acquise dans le domaine du transport dans cette vallée, aucune raison impérieuse justifiant la restriction qui découle de ce critère n'a été invoquée. Au surplus, la circonstance que ledit critère n'aurait pas été décisif pour l'adjudication de la concession n'est pas pertinente dès lors que la constatation d'un manquement d'un État membre n'est pas liée à celle d'un dommage qui en résulterait.

(cf. points 44-50)

4. L'article 7 du règlement nº 3577/92, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime), doit être interprété à la lumière de la disposition qui le précède immédiatement. Alors que l'article 6 dudit règlement permet aux États membres, dans certains cas spécifiques, de maintenir au-delà de la date de l'entrée en vigueur de ce règlement et pendant une période transitoire des restrictions existantes, l'article 7 prévoit, en substance, que ces États ne peuvent pas introduire de nouvelles restrictions par rapport à la situation existante à la date de l'entrée en vigueur de ce même règlement. Les deux dispositions se complètent par conséquent et constituent, en réalité, les deux volets d'un régime de libéralisation graduelle. Cette interprétation des articles 6 et 7 précités est confortée par le fait que l'abrogation, par le traité d'Amsterdam, de l'article 62 du traité, auquel se réfère ledit article 7, qui prévoyait une interdiction pour les États membres d'introduire de nouvelles restrictions en ce qui concerne la prestation des services, a coïncidé avec la disparition, dans le texte de l'article 49, alinéa 1, CE, de la référence à la suppression progressive, au cours de la période de transition, des restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté. Il s'ensuit que ce même article 7 n'a de sens que dans le contexte d'une libéralisation graduelle des services que vise ce règlement.

(cf. points 62-64)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 mars 2006 (*)

«Manquement d’État – Règlement (CEE) n° 3577/92 – Cabotage maritime – Applicabilité aux services de transport de passagers dans la ria de Vigo – Concession administrative de vingt ans au profit d’un opérateur unique – Compatibilité – Possibilité de conclure des contrats de service public ou d’imposer des obligations de service public – Clause de gel (ou de ‘standstill’)»

Dans l’affaire C-323/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 24 juillet 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme I. Martínez del Peral et M. K. Simonsson, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme L. Fraguas Gadea et M. J. M. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, M. J. Makarczyk, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et J. Klučka, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant en vigueur une législation:

– qui permet de concéder les services de transport maritime dans la ria de Vigo à un seul opérateur pendant une période de vingt ans et qui prévoit qu’un des critères d’attribution de la concession est l’expérience de transport dans ladite ria,

– qui permet de soumettre à des obligations de service public les services de transport saisonniers avec les îles ou les services de transport réguliers entre les ports continentaux,

– qui permet d’instaurer un système plus restrictif que celui qui était applicable à la date d’entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du...

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