Groupe Danone v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:88
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-3/06
Date08 February 2007
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62006CJ0003

Affaire C-3/06 P

Groupe Danone

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Amendes — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Communication sur la coopération»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 16 novembre 2006

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 8 février 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

2. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 17; communication de la Commission 98/C 9/03)

3. Pourvoi — Moyens — Motivation insuffisante ou contradictoire — Recevabilité

4. Concurrence — Amendes — Montant — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Compétence de pleine juridiction

(Art. 229 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 17)

5. Pourvoi — Compétence de la Cour

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15; communication de la Commission 98/C 9/03)

6. Droit communautaire — Principes — Protection de la confiance légitime

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

1. La gravité d'une infraction aux règles communautaires de concurrence, qui doit être prise en compte pour fixer le montant des amendes à infliger, est déterminée par référence à de nombreux facteurs, pour lesquels la Commission dispose d'une marge d'appréciation. Le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation de l'amende, est conforme à la mission de la Commission d'assurer la conformité du comportement des entreprises aux règles de la concurrence.

Une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l'analyse de la gravité de l'infraction en cause.

Dans ces conditions, la thèse selon laquelle, avant l'entrée en vigueur des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la pratique de la Commission dans la matière concernée était dépourvue de clarté et de prévisibilité méconnaît le rapport juridique existant entre, d'une part, l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 qui constitue la base juridique de la décision litigieuse et, d'autre part, les lignes directrices.

En effet, les lignes directrices ne constituent pas la base légale pour la fixation du montant de l'amende, mais ne font que préciser l'application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Dans ce contexte, même en l'absence des lignes directrices, les entreprises ont toujours été en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs comportements.

Partant, la Commission, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, est fondée à considérer l'élément lié à la récidive comme se rapportant à la gravité de l'infraction commise et peut qualifier cette récidive de circonstance aggravante sans violer le principe nulla poena sine lege.

(cf. points 25-30)

2. Si ni le règlement nº 17, ni les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient de délai maximal pour le constat d'une récidive, celui-ci ne saurait être exclu en vertu du principe de sécurité juridique.

En effet, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes, tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'il soit nécessaire de se rapporter à une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

Le constat et l'appréciation des caractéristiques spécifiques d'une récidive, telle la répétition d'un comportement infractionnel avec un laps de temps relativement bref séparant chacune des infractions, font partie dudit pouvoir de la Commission et cette dernière ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat.

En effet, la récidive constitue un élément important que la Commission est appelée à apprécier, étant donné que sa prise en compte vise à inciter les entreprises, qui ont manifesté une propension à s'affranchir des règles de la concurrence, à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s'est écoulé entre les infractions en cause.

(cf. points 36-40)

3. La question de savoir si la motivation d'un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant, en tant que telle, être invoquée dans le cadre d'un pourvoi.

Pour remplir son obligation de motivation, le Tribunal n'est pas tenu d'effectuer, dans son arrêt, un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu'elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle.

À cet égard, dans le cadre de la prise en compte des circonstances aggravantes, la récidive est non seulement un élément pertinent, mais également un élément d'importance particulière et un indice très significatif de la gravité d'une infraction en vue de l'appréciation du montant de l'amende dans l'optique d'une dissuasion effective. La récidive constitue la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée à l'encontre de la requérante n'avait pas produit d'effets suffisamment dissuasifs.

Afin d'apprécier la gravité de l'infraction, le Tribunal peut donc recourir à la notion de récidive sans entacher son arrêt d'une motivation contradictoire.

(cf. points 43, 45-48)

4. Conformément à l'article 229 CE, les règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, en vertu des dispositions du traité, peuvent attribuer à la Cour une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements.

Une telle compétence a été conférée au juge communautaire par l'article 17 du règlement nº 17. Ledit juge est dès lors habilité, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, réduire ou majorer l'amende ou l'astreinte infligée.

Il en résulte que le juge communautaire est habilité à exercer sa compétence de pleine juridiction, lorsque la question du montant de l'amende est soumise à son appréciation, et que cette compétence peut être exercée tant pour réduire ce montant que pour l'augmenter.

(cf. points 60-62)

5. Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire qui a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour.

Dans le cadre d'un pourvoi dirigé contre un arrêt du Tribunal ayant fixé le montant de l'amende infligée à une entreprise ayant violé les règles communautaires de concurrence, le contrôle de la Cour a pour objet, d'une part, d'examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d'une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d'un comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 82 CE ainsi que de l'article 15 du règlement nº 17 et, d'autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l'ensemble des arguments invoqués par la partie requérante, tendant à la suppression ou à la réduction de l'amende.

Dès lors que, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal s'est exclusivement fondé sur les dispositions des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA sans retenir d'autres éléments, circonstances ou critères, dont l'entreprise en cause n'aurait pu prévoir la prise en compte, ladite entreprise ne saurait tirer grief d'une violation des droits de la défense.

(cf. points 68-69, 82-83)

6. Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres et fait partie intégrante des principes généraux de droit dont le juge communautaire assure le respect.

En particulier, l'article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre notamment le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), peut s'opposer à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction.

Tel est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause.

Toutefois, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à différents types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement nº 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence. Au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout...

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