Sahar Fahimian v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:908
Docket NumberC-544/15
Celex Number62015CC0544
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 November 2016
62015CC0544

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 29 novembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑544/15

Sahar Fahimian

contre

République fédérale d’Allemagne

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2004/114/CE — Article 6, paragraphe 1, sous d) — Conditions d’admission des ressortissants de pays tiers à des fins d’études — Refus d’admission d’une personne — Notion de “menace pour la sécurité publique” — Marge d’appréciation de l’administration nationale — Contrôle juridictionnel»

1.

Mme Fahimian est une étudiante iranienne qui souhaite obtenir un visa en Allemagne afin d’y effectuer des études de doctorat. Les autorités allemandes refusent de délivrer un tel visa, au motif qu’elle a étudié dans une université que le Conseil de l’Union européenne a classée comme une entité proche du gouvernement iranien et menant des recherches à finalité militaire. Les autorités allemandes la considèrent comme une menace pour la sécurité publique.

2.

S’il existe un important corpus jurisprudentiel concernant l’exception liée à la sécurité publique dans le domaine des libertés du marché intérieur et de la citoyenneté de l’Union, la même chose ne peut pas être affirmée en ce qui concerne les conditions de sécurité publique posées dans le domaine de la politique d’immigration de l’Union européenne.

3.

Les questions soulevées par la présente affaire, qui est la seconde relative à l’interprétation d’une disposition de la directive 2004/114/CE ( 2 ), touchent le cœur de la politique d’immigration de l’Union européenne. Il appartiendra à la Cour de déterminer la marge d’appréciation dont les autorités de l’État membre disposent en la matière, ainsi que l’étendue du contrôle juridictionnel. Pour ce faire, la Cour devrait tenir compte des divers objectifs du marché intérieur et de la politique d’immigration.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union européenne

1. La directive 2004/114

4.

L’article 1er de la directive 2004/114, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objet de déterminer :

a)

les conditions d’admission des ressortissants de pays tiers sur le territoire des États membres, pour une durée supérieure à trois mois, à des fins d’études, d’échanges d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat ;

b)

les règles concernant les procédures d’admission à ces fins des ressortissants de pays tiers sur le territoire des États membres. »

5.

En vertu de son article 3, paragraphe 1 (« champ d’application »), la directive 2004/114 s’applique « aux ressortissants de pays tiers demandant à être admis sur le territoire d’un État membre à des fins d’études ».

6.

Le chapitre II de la directive 2004/114 est composé des articles 5 à 11 et traite des « conditions d’admission ».

7.

Le « principe », tel que consacré à l’article 5, est que « [l]’admission d’un ressortissant de pays tiers au titre de la présente directive est subordonnée à la vérification de son dossier, dont il doit ressortir que le demandeur remplit les conditions fixées par l’article 6 et, selon la catégorie dont il relève, aux articles 7 à 11 ».

8.

L’article 6 de la directive 2004/114, intitulé « Conditions générales », dispose :

« 1. Un ressortissant de pays tiers demandant à être admis aux fins visées aux articles 7 à 11 doit :

a)

présenter un document de voyage en cours de validité, conformément à la législation nationale. Les États membres peuvent exiger que la période de validité du document de voyage couvre au moins la durée prévue du séjour ;

b)

au cas où il est mineur au regard de la législation nationale de l’État membre d’accueil, présenter une autorisation parentale pour le séjour envisagé ;

c)

disposer d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques contre lesquels les ressortissants de l’État membre concerné sont habituellement assurés dans ce dernier ;

d)

ne pas être considéré comme une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ;

e)

si l’État membre le demande, apporter la preuve du paiement des droits exigés pour le traitement de la demande sur la base de l’article 20 de la présente directive.

2. Les États membres facilitent la procédure d’admission pour les ressortissants de pays tiers visés aux articles 7 à 11 qui participent à des programmes communautaires favorisant la mobilité à destination ou au sein de la Communauté. »

9.

L’article 18 de la directive 2004/114, relatif aux « Garanties procédurales et transparence » et situé dans le chapitre V de cette directive (qui s’intitule « Procédure et transparence »), dispose à son paragraphe 4 :

« En cas de rejet de la demande ou de retrait d’un titre de séjour délivré conformément à la présente directive, la personne concernée a le droit d’exercer un recours juridictionnel devant les autorités de l’État membre concerné. »

2. Le règlement (UE) no 267/2012 et le règlement d’exécution (UE) no 1202/2014

10.

Aux termes de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement (UE) no 267/2012 ( 3 ), « [s]ont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe IX comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 20, paragraphe 1, points b) et c), de la décision 2010/413/PESC du Conseil, ont été reconnus […] comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés ».

11.

Le règlement d’exécution (UE) no 1202/2014 ( 4 ) mentionne, au point I.I de son annexe, les personnes et les entités « concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran » ( 5 ). Au point 161 de cette annexe, on peut lire ceci :

« La Sharif University of Technology (SUT) a passé un certain nombre d’accords de coopération avec des entités du gouvernement iranien qui sont désignées par les Nations unies et/ou l’UE et qui opèrent dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, en particulier la production et l’achat de missiles balistiques. On peut citer : un accord avec l’Organisation des industries aérospatiales (AIO), désignée par l’UE, notamment pour la production de satellites ; la coopération avec le ministère iranien de la défense et le Corps des gardes de la révolution islamique (IRGC) dans le cadre des concours pour bateaux “intelligents” ; un accord plus large avec les forces aériennes de l’IRGC couvrant le développement et le renforcement de leurs relations ainsi que la coopération stratégique et organisationnelle.

La SUT est partie à un accord entre six universités en vue de soutenir le gouvernement iranien par la recherche liée à la défense ; et la SUT dispense des cours universitaires, élaborés notamment par le ministère des sciences, dans le domaine de la conception de drones. L’ensemble de ces éléments témoigne d’un niveau important d’engagement auprès du gouvernement de l’Iran dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, qui constitue un soutien au gouvernement de l’Iran. »

B – Le droit allemand

12.

Le Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet (loi relative au séjour, à l’activité économique et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral) ( 6 ), dans sa version publiée le 25 février 2008 (BGBl. 2008 I, p. 162), modifiée en dernier lieu par l’article 1er de la loi du 27 juillet 2015 (BGBl. 2015 I, p. 1386), régit entre autres le droit des ressortissants de pays tiers d’entrer en Allemagne.

13.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette loi :

« Pour pénétrer et séjourner sur le territoire de la République fédérale, les étrangers doivent posséder un titre de séjour, sauf disposition contraire du droit de l’Union européenne ou d’un règlement et sauf lorsqu’un droit de séjour existe en vertu de l’accord du 12 septembre 1963 créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (BGBl. 1964 II, p. 509) (accord CEE-Turquie). Le titre de séjour est octroyé en tant que :

(1)

visa au sens de l’article 6, paragraphe 1, point 1, et paragraphe 3, de la présente loi ;

[…] »

14.

L’article 6, paragraphe 3, de cette même loi dispose :

« 3. Les longs séjours nécessitent la possession d’un visa pour le territoire fédéral (visa national) délivré avant d’y pénétrer. Ledit visa est délivré conformément aux prescriptions en vigueur en matière de permis de séjour à durée limitée, de carte bleue européenne, de carte de résident permanent et de permis de séjour résident de longue durée – UE. La durée d’un séjour légal au titre d’un visa national est imputée sur la durée d’un titre de séjour, d’une carte bleue européenne, d’un titre d’établissement ou d’un titre de séjour permanent-UE. »

15.

L’article 16, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« Un étranger peut se voir octroyer un titre de séjour aux fins d’étudier dans un établissement d’enseignement supérieur étatique ou agréé par l’État ou dans un organisme de formation comparable. […] Le titre de séjour en vue de poursuivre des études ne peut être octroyé que si le ressortissant étranger a été admis par...

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