Ecotrade SpA v Agenzia delle Entrate - Ufficio di Genova 3.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:173
Docket NumberC-96/07,C-95/07
Celex Number62007CC0095
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 March 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 13 mars 2008 (1)

Affaires jointes C‑95/07 et C‑96/07

Ecotrade SpA

contre

Agenzia delle Entrate – Ufficio di Genova 3

«TVA – Mécanisme de l’autoliquidation – Opération taxable comptabilisée erronément comme étant exonérée – Rectification –Recouvrement et déduction de la taxe non déclarée – Délais différents en droit national»





1. Une société qui opère en Italie a bénéficié des services de transport maritime fournis par des opérateurs établis à l’étranger, qui ont établi leurs factures sans taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la «TVA»). Elle croyait à tort que ces services étaient exonérés et elle ne les a pas inclus dans sa comptabilité TVA. En vertu du mécanisme de l’autoliquidation, elle aurait dû se déclarer elle-même redevable de la TVA en amont, qu’elle aurait ensuite dû déduire de la TVA en aval. Cela aurait impliqué deux écritures comptables, s’annulant mutuellement, de sorte qu’aucun montant n’aurait été dû à l’administration fiscale.

2. Elle est néanmoins parvenue au même résultat en ne déclarant ou en ne déduisant aucune taxe en amont, mais en versant intégralement la taxe en aval.

3. En découvrant l’erreur, l’administration fiscale a tenté de recouvrer la taxe en amont non déclarée en vertu du droit dont elle dispose d’après la législation nationale de rectifier les déclarations de TVA établies durant les quatre années précédentes, mais elle a refusé d’accorder toute déduction qui n’avait pas été demandée dans la déclaration relative à la deuxième année suivant celle durant laquelle le droit à déduction avait pris naissance, se fondant de nouveau sur la législation nationale qui prévoit un délai de prescription.

4. La question soulevée dans la présente procédure de renvoi préjudiciel par la Commissione tributaria provinciale di Genova (Italie) consiste donc à savoir si la situation découlant de cet écart entre les deux délais, qui a pour effet que l’administration fiscale réclame la TVA qui n’aurait pas été due si les procédures avaient été appliquées correctement, est compatible avec les règles communautaires en matière de TVA.

Le droit communautaire applicable

5. Le droit communautaire en matière de TVA est régi par la directive 2006/112/CEE (2) qui, à compter du 1er janvier 2007, a abrogé et remplacé la législation existante en vue de présenter toutes les dispositions applicables de façon claire et rationnelle dans une structure et une rédaction remaniées sans apporter, en principe, de changement de fond (3).

6. La présente affaire concerne les années 2000 et 2001, alors que les principales dispositions étaient contenues dans la première directive 67/227/CEE et la sixième directive 77/388/CEE (4). Je me réfère ultérieurement aux dispositions de ces directives et, dans un souci de lisibilité, nous le ferons au présent, même si elles ne sont plus en vigueur. Leurs dispositions de fond et, dans une large mesure, leur libellé n’ont pas été modifiés dans la directive 2006/112 et, pour information, j’indiquerai aussi les dispositions équivalentes de cette dernière.

7. L’article 2 de la directive 67/227 (5) expose les caractéristiques fondamentales système commun de TVA:

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu’au stade du commerce de détail inclus.

[...]»

8. Pour les opérations réalisées dans un État membre, le mécanisme de déduction est régi par l’article 17, paragraphes 1 et 2, sous a), de la sixième directive (6):

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

9. Ainsi, les assujettis intervenant à une étape d’une chaîne économique se voient normalement facturer la TVA (taxe en amont) par leurs fournisseurs et ils facturent la TVA (taxe en aval) à leurs clients. Ils versent ensuite à l’administration fiscale le montant de cette taxe en aval moyennant déduction du montant de la taxe en amont correspondante.

10. Tel n’est cependant pas toujours le cas.

11. En premier lieu, l’article 17, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive prévoit certaines exceptions au droit à déduction. Ledit paragraphe 6 précise que, alors que les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation sont toujours exclues du droit à déduction, jusqu’à ce que le Conseil de l’Union européenne détermine les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la sixième directive. Ledit paragraphe 7 autorise les États membres, sous réserve d’une procédure de consultation et pour des raisons conjoncturelles, à exclure partiellement ou totalement du régime des déductions les ou certains biens d’investissement ou d’autres biens ou, au lieu de refuser la déduction, à taxer les biens fabriqués par l’assujetti lui-même ou qu’il a achetés à l’intérieur du pays, ou importés, de manière que cette taxation ne dépasse pas le montant de la TVA qui grèverait l’acquisition de biens similaires.

12. En deuxième lieu, certaines opérations sont exonérées de TVA, de sorte que, dans ces cas, il n’y a aucun montant que le client puisse déduire, même s’il utilise ses fournitures pour les besoins de ses opérations taxées en aval.

13. Parmi ces opérations exonérées, figurent l’affrètement et la location de bateaux affectés à la navigation en haute mer et assurant une activité commerciale (7).

14. En troisième lieu, pour certaines catégories d’opérations, c’est non pas le fournisseur, mais le client ou le prestataire qui est redevable de la TVA. Dans de tels cas, le fournisseur ou prestataire déduit la taxe en amont comme il se doit, mais il ne facture aucune taxe en aval à son client. Le client lui-même est redevable de la TVA sur l’opération, mais, dans la mesure où il utilise ce qui lui a été fourni pour ses opérations taxées en aval, le montant devient immédiatement déductible, conformément à l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive.

15. Ainsi, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive (8), «le preneur, identifié à la [TVA] à l’intérieur du pays, d’un service visé à l’article 28 ter, [C], […], lorsque le service est effectué par un assujetti établi à l’étranger», est tenu de payer la TVA sur ces services qui lui sont fournis (9). L’article 28 ter, C, de la même directive (10), couvre les «services de transport intracommunautaires de biens» qui sont définis au paragraphe 1 comme tout «transport de biens dont le lieu de départ et le lieu d’arrivée sont situés sur les territoires de deux États membres différents» et pour lesquels le lieu des prestations est le lieu de départ.

16. S’agissant de l’exercice du droit à déduction dans de telles circonstances, l’article 18, paragraphe 1, sous d), de la sixième directive (11), précise que «[p]our pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit […] lorsqu’il est tenu d’acquitter la taxe en tant que preneur ou acheteur en cas d’application de l’article 21, point 1, remplir les formalités qui sont établies par chaque État membre».

17. En vertu de l’article 18, paragraphes 2 et 3, de la sixième directive (12):

«2. La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période.

[…]

3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n’a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2.»

18. L’article 22 de la sixième directive (13) prévoit un large éventail d’obligations pour les personnes redevables de la TVA, seules celles visées ultérieurement s’avérant potentiellement pertinentes pour le présent cas d’espèce:

«2. a) Tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l’application de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l’administration fiscale.

[…]

4. a) Tout assujetti doit déposer une déclaration dans un délai à fixer par les États membres. Ce délai ne peut pas dépasser de deux mois l’échéance de chaque période fiscale. Cette période est fixée par les États membres à un, deux ou trois mois. Toutefois, les États membres peuvent fixer des périodes différentes qui ne peuvent cependant pas excéder un an.

b) Dans la déclaration doivent figurer toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, le cas échéant, et dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.

[…]

7. Les États membres prennent les...

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