Eurofood IFSC Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:579
Docket NumberC-341/04
Celex Number62004CC0341
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date27 September 2005

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 27 septembre 2005 (1)

Affaire C-341/04

Eurofood IFSC Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Irlande)]






1. La présente affaire, déférée par la Supreme Court (Irlande), trouve son origine dans l'insolvabilité du groupe de sociétés Parmalat. Elle porte en particulier sur la question de savoir si le règlement (CE) nº 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (2) exige qu'une filiale irlandaise de la société holding italienne Parmalat SpA (ci-après «Parmalat») soit liquidée en Irlande ou en Italie.

Le règlement

2. Le règlement succède à la convention européenne relative aux procédures d'insolvabilité (ci-après la «convention»), qui est elle-même l'aboutissement de plus de 25 années de débats et de négociations. La convention n'est pas entrée en vigueur parce que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ne l'a pas signée avant le délai convenu fixé au 23 mai 1996 (3). Toutefois, aux fins de la présente affaire, le texte du règlement est, pour l'essentiel, identique à celui de la convention (4). Dans ces conditions, nous estimons que le rapport explicatif de la convention, rédigé par le professeur Virgós et par M. Schmit (ci-après le «rapport Virgós-Schmit») (5) est susceptible de fournir des indications utiles dans le cadre de l'interprétation du règlement (6).

3. Le règlement a été adopté sur le fondement des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE à l'initiative de la République fédérale d'Allemagne et de la République de Finlande (7). Il prévoit principalement l'attribution de compétence et le droit applicable aux procédures d'insolvabilité qui relèvent de son champ d'application ainsi que leur reconnaissance mutuelle; il s'agit des «procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic» (8). Il ne figure dans le règlement aucune disposition applicable aux groupes de sociétés; chaque société soumise à une procédure d'insolvabilité est un «débiteur» propre aux fins du règlement (9).

4. Selon le deuxième considérant:

«Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement et l'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif».

5. Aux termes du quatrième considérant:

«Il est nécessaire, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d'éviter que les parties [à des procédures d'insolvabilité] ne soient incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d'un État à un autre en vue d'améliorer leur situation juridique (forum shopping)».

6. Selon la première phrase du onzième considérant:

«Le […] règlement tient compte du fait que, en raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n'est pas pratique de mettre en place une procédure d'insolvabilité unique ayant une portée universelle pour toute la Communauté».

7. Aux termes du treizième considérant:

«Le ‘centre des intérêts principaux’ devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

8. Aux termes du seizième considérant:

«La juridiction compétente pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale devrait être habilitée à ordonner des mesures provisoires et conservatoires dès le moment de la demande d'ouverture de la procédure. […] [U]n syndic provisoire désigné avant l'ouverture de la procédure principale peut, dans les États membres dans lesquels le débiteur possède un établissement, demander les mesures conservatoires prévues par la loi de ces États».

9. Aux termes du vingt-deuxième considérant:

«Le […] règlement devrait prévoir la reconnaissance immédiate des décisions relatives à l'ouverture, au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité qui relève de son champ d'application, ainsi que des décisions qui ont un lien direct avec cette procédure d'insolvabilité. La reconnaissance automatique devrait entraîner dès lors l'extension à tous les autres États membres des effets attribués à cette procédure par la loi de l'État d'ouverture de la procédure. La reconnaissance des décisions rendues par les juridictions des États membres devrait reposer sur le principe de la confiance mutuelle. À cet égard, les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire. Il convient également de régler conformément à ce principe tout conflit qui existe lorsque les juridictions de deux États membres se considèrent comme compétentes pour ouvrir une procédure principale. La décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle».

10. Selon le vingt-troisième considérant:

« […] sauf disposition contraire, la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). […] La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l'ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d'insolvabilité».

11. Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1:

«Le […] règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic».

12. L'article 2 inclut les définitions suivantes aux fins du règlement:

«a) ‘procédure d'insolvabilité’: les procédures collectives visées à l'article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l'annexe A;

b) ‘syndic’: toute personne ou tout organe dont la fonction est d'administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l'annexe C;

[…]

e) ‘décision’: lorsqu'il s'agit de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de la nomination d'un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic;

f) ‘moment de l'ouverture de la procédure’: le moment où la décision d'ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive».

13. L'annexe A inclut (pour l'Irlande) la procédure dite de «Compulsory winding up by the court». L'annexe C inclut (pour l'Irlande) la fonction de «provisional liquidator» (10).

14. L'article 3 du règlement dispose en tant que de besoin:

«1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire».

15. Cet article 3 a pour effet de distinguer deux types de procédures d'insolvabilité. Celles relevant de l'article 3, paragraphe 1, à savoir celles ouvertes par les juridictions de l'État membre où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, sont généralement désignées par l'expression «procédure principale [d'insolvabilité]». Celles relevant de l'article 3, paragraphe 2, à savoir celles ouvertes par les juridictions d'un autre État membre où le débiteur possède un établissement et limitées aux biens se trouvant dans cet État, sont généralement désignées par l'expression «procédures secondaires [d'insolvabilité]».

16. L'article 4, paragraphe 1, du règlement institue la règle générale selon laquelle «la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte […]». L'article 4, paragraphe 2, précise que la loi de l'État d'ouverture «détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité».

17. Aux termes de l'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement:

«Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture».

18. L'article 26 du règlement dispose:

«Tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution».

19. L'article 38 du règlement dispose:

«Lorsque la juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, désigne un syndic provisoire en vue d'assurer la conservation des biens du débiteur, ce syndic provisoire est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité de la décision d'ouverture».

Les dispositions pertinentes du droit irlandais

20. L'article 212 de la loi irlandaise de 1963 sur les sociétés (ci-après le «Companies Act») confère compétence à la High Court pour liquider...

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