Eurofood IFSC Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:281
Docket NumberC-341/04
Celex Number62004CJ0341
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 May 2006

Affaire C-341/04

Eurofood IFSC Ltd

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court)

«Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) nº 1346/2000 — Procédures d'insolvabilité — Décision d'ouverture de la procédure — Centre des intérêts principaux du débiteur — Reconnaissance de la procédure d'insolvabilité — Ordre public»

Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 27 septembre 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 1)

2. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 16, § 1)

3. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 26)

4. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 26)

1. Lorsqu'un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l'article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement nº 1346/2000, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l'État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d'une société qui n'exercerait aucune activité sur le territoire de l'État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu'une société exerce son activité sur le territoire de l'État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.

(cf. point 37, disp. 1)

2. L'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la procédure d'insolvabilité principale ouverte par une juridiction d'un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l'État d'ouverture. En effet, la règle de priorité définie à cette disposition, qui prévoit que la procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle qui a permis la mise en place d'un système obligatoire de compétences et la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d'exequatur au profit d'un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d'insolvabilité. Si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d'insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d'utiliser, devant les juridictions de l'État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l'encontre de la décision d'ouverture.

(cf. points 39-40, 43, disp. 2)

3. L'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue une décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité la décision rendue par une juridiction d'un État membre saisie d'une demande à cet effet, fondée sur l'insolvabilité du débiteur, tendant à l'ouverture d'une procédure visée à l'annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d'un syndic visé à l'annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu'il détient sur son patrimoine. En effet, le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu'une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l'insolvabilité d'un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente. Il importe donc, aux fins d'assurer l'efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu par cette disposition puisse s'appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure.

(cf. points 52, 54, disp. 3)

4. L'article 26 du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d'ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure. Si les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l'urgence qu'il peut y avoir à statuer, toute restriction à l'exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l'urgence. S'il appartient au juge de l'État requis d'établir si une violation manifeste du droit d'être entendu a effectivement eu lieu lors du déroulement de la procédure devant la juridiction de l'autre État membre, ce juge ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l'oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais doit apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances, si les personnes concernées par ladite procédure ont bénéficié ou non d'une possibilité suffisante d'être entendues.

(cf. points 66-68, disp. 4)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

2 mai 2006 (*)

«Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 1346/2000 – Procédures d’insolvabilité – Décision d’ouverture de la procédure – Centre des intérêts principaux du débiteur – Reconnaissance de la procédure d’insolvabilité – Ordre public»

Dans l’affaire C-341/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par la Supreme Court (Irlande), par décision du 27 juillet 2004, parvenue à la Cour le 9 août 2004, dans la procédure

Eurofood IFSC Ltd,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann (rapporteur), C. W. A. Timmermans, A. Rosas et J. Malenovský, présidents de chambre, MM. J.‑P. Puissochet, R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. J. Klučka, U. Lõhmus et E. Levits, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2005,

considérant les observations présentées:

– pour M. Bondi, par MM. G. Moss, QC, et B. Shipsey, SC, M. J. Gleeson, Mmes G. Clohessy et E. Barrington, barristers‑at‑law, ainsi que par MM. B.O’Neil, D. Smith et C. Mallon, solicitors,

– pour la Bank of America NA, par MM. M. M. Collins et L. McCann, SC, ainsi que par MM. B. Kennedy, barrister-at-law, et M. W. Day, solicitor,

– pour M. Farrell, Official Liquidator, par MM. M. G. Collins, SC, et D. Murphy, barrister-at-law, ainsi que M. T. O’Grady, solicitor,

– pour le Director of Corporate Enforcement, par Mmes A. Keating, principal solicitor, et C. Costello, barrister-at-law,

– pour les Certificate/Note holders, par MM. D. Baxter, solicitor, D. McDonald, SC, et J. Breslin, barrister-at-law,

– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. D. Barniville, barrister-at-law,

– pour le gouvernement tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J‑C. Niollet ainsi que par Mme A. Bodard-Hermant, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de MM. O. Fiumara et M. Massella Ducci Teri, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hongrois, par M. P. Gottfried, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement finlandais, par Mmes T. Pynnä et A. Guimaraes‑Purokoski, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes C. O’Reilly et A.-M. Rouchaud-Joët, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité concernant la société de droit irlandais Eurofood IFSC Ltd (ci-après «Eurofood»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s’applique «aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic».

4 Selon l’article 2 du règlement, intitulé «Définitions»:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

«a) ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

b) ‘syndic’: toute personne ou tout organe dont la fonction est...

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