Francesco Benincasa v Dentalkit Srl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:78
Docket NumberC-269/95
Celex Number61995CC0269
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 February 1997
EUR-Lex - 61995C0269 - FR 61995C0269

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 20 février 1997. - Francesco Benincasa contre Dentalkit Srl. - Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht München - Allemagne. - Convention de Bruxelles - Notion de consommateur - Convention attributive de juridiction. - Affaire C-269/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-03767


Conclusions de l'avocat général

1 L'Oberlandesgericht de Munich (Allemagne) pose dans la présente affaire trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 13, 14 et 17 de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (1) (ci-après la «convention de Bruxelles»), dans sa version modifiée par la convention du 9 octobre 1978, relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (2).

2 Les questions préjudicielles, qui ont été posées en vertu du protocole du 3 juin 1971, concernant l'interprétation par la Cour de justice de la convention de Bruxelles (3), ont trait à la notion de contrat conclu par un consommateur aux fins de l'application de l'article 13 de ladite convention, aux ventes à tempérament au sens du même article et au for approprié pour connaître de la contestation d'une clause attributive de juridiction prévue par l'article 17 de cette convention.

Les faits et la procédure principale selon l'ordonnance de renvoi

3 Dentalkit Srl est une société, ayant son siège à Florence (Italie), qui a développé une chaîne de magasins franchisés, spécialisés dans la vente de produits pour l'hygiène dentaire.

4 Dentalkit et M. Benincasa, ressortissant italien, ont conclu à Florence, le 28 septembre 1992, un contrat de franchise pour l'ouverture et l'exploitation d'un magasin à Munich, ville dans laquelle M. Benincasa affirmait avoir son domicile.

5 En vertu de la clause n_ 2 du contrat, Dentalkit s'est engagée, entre autres, à: a) concéder l'utilisation de la marque Dentalkit pour la détermination du magasin; b) concéder l'exclusivité d'utilisation de la marque Dentalkit dans une zone fixée à l'avance; c) fournir l'assistance nécessaire pour l'ouverture du magasin; d) fournir la liste des produits; e) fournir les biens; f) fournir l'assistance pour la distribution des produits; g) fournir les informations et les connaissances technico-commerciales dont elle dispose; h) fournir l'assistance pour l'étude d'initiatives publicitaires et de promotion locale; i) fournir un matériel graphique déterminé; l) assurer un cours de formation théorique et pratique; m) mener une campagne publicitaire et de promotion à l'échelle nationale; n) s'abstenir d'ouvrir un autre magasin dans la zone couverte par la franchise.

6 Selon la clause n_ 3 du contrat, M. Benincasa s'est engagé, quant à lui, à: a) obtenir l'inscription au registre du commerce et les autorisations requises; b) obtenir la mise à disposition des lieux pendant la durée du contrat; c) aménager le magasin selon les modalités suivies dans les autres magasins, déjà existants, de Dentalkit; d) vendre exclusivement les produits fournis par Dentalkit et tenir un stock adéquat de ces produits; e) signaler l'opportunité d'introduire de nouveaux produits relevant de la gamme offerte; f) maintenir les lieux dans un état convenable et offrir au public un service qualifié et efficace; g) utiliser, sans les modifier, les signes distinctifs selon les indications données par Dentalkit; h) rester discret sur les informations et les documents relatifs au «système Dentalkit»; i) effectuer à ses frais des campagnes publicitaires et des campagnes de promotion locale, avec l'accord préalable de Dentalkit.

7 Enfin, M. Benincasa s'est engagé à payer à Dentalkit la somme de 8 millions de LIT à titre de rétribution pour l'aide technique en vue de l'ouverture du magasin, ainsi qu'un montant égal à 3 % du chiffre d'affaires annuel, à partir du deuxième exercice, en contrepartie de l'utilisation des signes distinctifs concédés en exclusivité pour la zone définie.

8 Pour la conclusion du contrat, d'une durée initiale de trois mois, renouvelable par tacite reconduction, les deux parties ont signé un document rédigé en italien et qui est utilisé d'une manière générale, à ces effets, par Dentalkit.

9 M. Benincasa a ouvert le magasin, a versé la rétribution initiale de 8 millions de LIT et a effectué différents achats, qu'il n'a pas payés. Il a entre-temps cessé son activité. Par la suite, il a saisi le Landgericht München I d'une demande dirigée contre Dentalkit, dans laquelle il concluait à ce que:

a) la défenderesse soit condamnée à lui rembourser le montant de 8 millions de LIT, majoré des intérêts au taux de 12 % à compter de la date de la notification de la demande (27 décembre 1993);

b) il soit déclaré que le contrat de franchise, conclu entre les parties le 28 septembre 1992, était illicite et que les contrats d'achat, conclus en vertu de celui-ci, étaient de ce fait également nuls.

10 La thèse de M. Benincasa quant à la nullité du contrat de franchise est basée, d'une part, sur le fait que ce contrat est contraire à l'article 138 du BGB (code civil allemand) et, d'autre part, sur le fait qu'il fixe une période, pendant laquelle il lie les parties, supérieure à deux ans, sans observer les dispositions combinées des articles 11, paragraphe 12, sous a), et 6 de la loi allemande sur les conditions générales des contrats. Il conteste également le contrat au motif qu'il serait entaché d'erreur et de dol, respectivement en vertu de l'article 119 et l'article 123 du BGB.

11 Dentalkit, qui a conclu dans son mémoire en défense au rejet de la demande, a contesté à titre d'incident préalable la compétence internationale et locale du Landgericht München I, qui avait été saisi de la demande. Elle estime que, en vertu de la clause attributive de juridiction convenue entre les deux parties (clause n_ 12 du contrat), seules les juridictions de Florence étaient compétentes pour connaître du litige.

12 En réponse à cette exception incidente, M. Benincasa a allégué, en bref:

a) que le Landgericht München I était le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation au sens de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles;

b) que la clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Florence ne justifiait aucune exception quant à la compétence pour connaître de la demande, étant donné que celle-ci conclut à ce que tout le contrat soit déclaré nul, c'est-à-dire également ladite clause;

c) que, en outre, les articles 13, premier alinéa, point 1, et 14, premier alinéa, de la convention de Bruxelles, s'opposent à l'application de la clause attributive de juridiction, de sorte que, conformément aux dispositions combinées des articles 17, troisième alinéa, et 15 de la convention de Bruxelles, cette clause ne doit sortir aucun effet.

13 Pour fonder cette dernière allégation, M. Benincasa affirme que, au moment de la conclusion du contrat de franchise, il n'exerçait pas encore d'activité commerciale, ce qui fait qu'il doit être considéré comme un consommateur aux fins de l'application de l'article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles. C'est ce qui ressortirait de l'interprétation téléologique de ladite disposition à la lumière de l'objectif, énoncé dans le traité CE, de garantir un degré élevé de protection du consommateur final.

14 Statuant par jugement du 19 juillet 1993, le Landgericht München I a fait droit à l'exception soulevée par Dentalkit et il a par conséquent déclaré la demande irrecevable pour défaut de compétence internationale.

15 Le jugement du Landgericht München I a donc considéré comme licite la clause attributive de juridiction, contenue dans le contrat de franchise, et il a admis la compétence des tribunaux de Florence, conformément à l'article 17 de la convention de Bruxelles.

16 Selon ce jugement, il ne s'agissait pas d'un contrat conclu par un consommateur, ce qui veut dire que l'article 13 de la convention de Bruxelles n'était pas, en l'espèce, opposable à la clause d'attribution de juridiction. Un contrat en vertu duquel est créée une situation professionnelle ou d'entreprise doit être considéré comme étant conclu pour les besoins de l'activité professionnelle, tant par le texte même de l'article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles que par son sens.

17 Selon le Landgericht München I, les autres effets de l'application de la loi allemande sur le crédit à la consommation ne sont pas pertinents pour l'interprétation de l'article 13 de la convention de Bruxelles, qui doit être interprété d'une manière autonome. Enfin, le contrat en cause ne satisferait pas aux autres exigences spécifiques d'un contrat conclu par un consommateur.

18 M. Benincasa a interjeté l'appel du jugement rendu en première instance; Dentalkit s'oppose à ce qu'il y soit fait droit. Dans la procédure d'appel, les deux parties ont essentiellement réitéré leurs allégations opposées quant à la compétence internationale des tribunaux allemands.

19 Hésitant quant à l'interprétation de la convention de Bruxelles, la juridiction d'appel a déféré à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

«1) Un demandeur doit-il aussi être considéré comme un consommateur au sens des articles 13, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles lorsque la demande porte sur un contrat qu'il a conclu non pas pour les besoins d'une activité commerciale qu'il exerce déjà, mais en vue d'une activité commerciale qui ne sera entamée que plus tard (il s'agit en l'occurrence d'un contrat de franchise conclu en vue de créer une entité commerciale propre)?

2) Si la première question appelle une réponse affirmative, l'article 13, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles (vente à tempérament d'objets mobiliers corporels) s'applique-t-il...

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