Marks & Spencer plc v Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:49
Date24 January 2002
Celex Number62000CC0062
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-62/00
EUR-Lex - 62000C0062 - FR 62000C0062

Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 24 janvier 2002. - Marks & Spencer plc contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Législation nationale réduisant rétroactivement un délai de prescription pour le remboursement de sommes indûment payées - Compatibilité avec les principes d'effectivité et de protection de la confiance légitime. - Affaire C-62/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-06325


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 La Cour est invitée dans le cadre de la présente procédure préjudicielle à préciser si le fait de refuser, avec effet rétroactif, de rembourser des montants qui ont été versés à titre de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») plus de trois ans avant l'introduction de la demande de remboursement est compatible avec le droit communautaire. En l'espèce, la question est posée à propos d'une période durant laquelle un État membre n'avait pas correctement transposé dans son ordre juridique national une disposition directement applicable d'une directive.

II - Cadre juridique

Le droit communautaire

2 L'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (1), ci-après la «sixième directive», dispose:

«A. À l'intérieur du pays

1. La base d'imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

[...]»

Le droit national

3 Les deux parties à la procédure au principal et le juge de renvoi reconnaissent que l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive n'a été transposé correctement en droit national qu'à compter du 1er août 1992, en vertu de la Finance (n_ 2) Act 1992 (deuxième loi de finances de 1992), qui a modifié l'article 10, paragraphe 3, de la Value Added Tax Act 1983 (loi de 1983 sur la TVA). Cette disposition était libellée comme suit:

«Si la contrepartie de la fourniture ou de la prestation n'est pas monétaire ou ne l'est pas entièrement, la valeur à prendre en considération est la valeur monétaire correspondante, majorée de la taxe due.»

4 La loi de 1983 a été abrogée et remplacée par la Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 sur la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la «loi de 1994») avec effet au 1er septembre 1994. L'article 19, paragraphe 3, de la loi de 1994 est libellé de la même manière que l'article 10, paragraphe 3, de la loi de 1983, dans sa rédaction modifiée par la Finance (n_ 2) Act 1992, à ceci près que l'article 19, paragraphe 3, utilise l'expression «TVA due», tandis que l'article 10, paragraphe 3, dans sa rédaction modifiée, utilise l'expression «taxe due».

5 S'agissant de la législation relative au remboursement de montants de TVA indûment versés, les dispositions de l'article 24 de la Finance Act 1989 (loi de finances de 1989) étaient, pour ce qui nous importe en l'espèce, libellées comme suit (avec effet à compter du 1er janvier 1990) :

«1) Lorsqu'une personne a versé aux Commissioners, au titre de la TVA, un montant qui ne leur était pas dû, les Commissioners sont tenus de lui rembourser ce montant.

2) Les Commissioners ne sont tenus de rembourser un montant au titre du présent article que sur demande introduite à cet effet.

[...]

4) Aucun montant ne pourra être réclamé au titre du présent article après l'expiration de six années à compter de la date de son versement, sous réserve de l'application du paragraphe 5 ci-après.

5) Lorsqu'un montant a été versé aux Commissioners par erreur, une demande de remboursement de ce montant au titre du présent article peut être introduite à tout moment avant l'expiration d'une période de six années à compter de la date à laquelle le demandeur a découvert l'erreur ou aurait pu la découvrir en faisant preuve d'une diligence raisonnable.

[...]

7) En dehors des cas visés par les dispositions du présent article, les Commissioners ne sont pas tenus de rembourser un montant qui leur a été versé au titre de la taxe sur la valeur ajoutée en raison du fait qu'il ne s'agissait pas d'une taxe due.

[...]».

6 L'article 24 de la Finance Act 1989 a été abrogé et remplacé par l'article 80 de la loi de 1994 avec effet au 1er septembre 1994. Les parties pertinentes de l'article 80 sont libellées de la même façon que l'article 24, à ceci près que la loi de 1994 parle de «TVA» là où la Finance Act de 1989 parle de «taxe» et de «taxe sur la valeur ajoutée».

7 Le 18 juillet 1996, le ministre des Finances a annoncé au Parlement que, eu égard aux risques croissants que courait le Trésor du fait de demandes de remboursement avec effet rétroactif de sommes perçues abusivement à titre de taxe, le gouvernement avait l'intention d'introduire avec effet au 18 juin 1996 un délai de prescription de trois ans assorti d'un effet rétroactif pour les demandes de remboursement concernant la TVA et les autres impôts indirects. La modification législative proposée devait prendre effet à la date de cette annonce pour éviter qu'elle ne soit privée d'effet par le temps qui s'écoulerait avant la fin du processus parlementaire.

8 Le 4 décembre 1996, la House of Commons a adopté les propositions budgétaires du gouvernement, y compris la proposition annoncée le 18 juillet 1996, qui a été incluse dans le projet de loi de finances en tant qu'article 47.

9 La Finance Act 1997 a été adoptée le 19 mars 1997. Son article 47, paragraphe 1, modifie l'article 80 de la loi de 1994. L'article 80, paragraphe 5, a été intégralement abrogé. L'article 80, paragraphe 4, a été modifié comme suit:

«Les Commissioners ne sont pas tenus, à la suite d'une demande introduite au titre du présent article, de rembourser un montant qui leur a été versé plus de trois ans avant l'introduction de la demande.»

10 Pour ce qui nous importe en l'espèce, l'article 47, paragraphe 2, de la Finance Act 1997 dispose :

«[...] le paragraphe 1 ci-dessus est réputé être entré en vigueur le 18 juillet 1996 et s'applique, aux fins des remboursements opérés à cette date et après cette date, à toutes les demandes introduites au titre de l'article 80 de la Value Added Tax Act 1994, y compris aux demandes introduites avant cette date et aux demandes relatives aux paiements opérés avant cette date.»

11 L'article 47, paragraphes 2 à 5 de la Finance Act 1997 contient également des dispositions transitoires. En vertu de ces dernières, le délai de prescription de trois ans ne s'applique pas aux demandes formées après le 18 juillet 1996, pour autant qu'elles soient consécutives à un recours, jugé recevable et fondé, contre une décision des Commissioners, et à condition que l'action en justice visant à attaquer la décision ait été entamée avant le 18 juillet 1996. Dans ce cas, la demande est acceptée dans la limite des sommes payées au cours des trois ans précédant le début de cette procédure.

III - Faits et procédure au principal

12 Marks and Spencer plc (ci-après «Marks & Spencer») est une société de vente au détail établie au Royaume-Uni et assujettie à la TVA.

13 Les Commissioners of Customs and Excise (ci-après les «Commissioners») sont chargés de la gestion et de la perception de la TVA au Royaume-Uni.

14 Pendant la période considérée, Marks & Spencer a vendu des bons d'achat à des sociétés à un prix inférieur à leur valeur nominale. Les bons d'achat étaient ensuite vendus ou donnés à des tiers qui pouvaient les échanger auprès de Marks & Spencer et recevoir des biens dont le prix était équivalent à leur valeur nominale. En décembre 1990, Marks & Spencer a tenté de persuader les Commissioners qu'elle devait déclarer la TVA sur les sommes qu'elle recevait lors de la vente des bons et non sur leur valeur nominale. En janvier 1991, les Commissioners ont décidé que Marks & Spencer devait déclarer la TVA sur la valeur nominale des bons. C'est ce que Marks & Spencer a fait jusqu'à ce que la Cour de justice rende son arrêt Argos Distributors (2). La Cour a jugé dans cet arrêt que l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un fournisseur a vendu à un acheteur, avec une ristourne, un bon avec la promesse d'accepter ultérieurement ce bon à sa valeur nominale en paiement de la totalité ou d'une partie du prix d'un bien acheté par un client qui n'est pas l'acheteur du bon et qui ne connaît pas, en principe, le prix réel de vente de ce dernier par le fournisseur, la contrepartie représentée par le bon est la somme réellement perçue par le fournisseur sur la vente du bon.

15 À la suite de cet arrêt, il est apparu que le régime de TVA appliqué aux bons d'achat de Marks & Spencer était erroné. Aussi, par lettre du 31 octobre 1996, Marks & Spencer a-t-elle présenté aux Commissioners une demande de remboursement du trop-perçu de TVA à concurrence de 2 638 057 GBP, montant qui résultait du régime incorrect appliqué aux bons d'achat. La demande portait sur la période allant de mai 1991 à août 1996 inclus. Cette demande a été revue et complétée par lettres des 6 et 22 novembre 1996.

16 Par lettre du 11 décembre 1996, les Commissioners ont indiqué qu'ils étaient disposés à rembourser la partie de la demande concernant les bons d'achat qui n'était pas affectée par l'introduction du délai de prescription de trois ans. Le 15 janvier 1997, ils ont remboursé un montant de 1 913 462 GBP à Marks & Spencer.

17 Entre avril 1973 et octobre 1994, Marks & Spencer avait...

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