Criminal proceedings against Paul Corbeau.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1993:52
Docket NumberC-320/91
Celex Number61991CC0320
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date09 February 1993
EUR-Lex - 61991C0320 - FR 61991C0320

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 9 février 1993. - Procédure pénale contre Paul Corbeau. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal correctionnel de Liège - Belgique. - Concurrence - Monopole postal - Portée. - Affaire C-320/91.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-02533
édition spéciale suédoise page 00077
édition spéciale finnoise page I-00223


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par ses quatre questions, la juridiction nationale demande en substance à la Cour de vérifier si les articles 90 et 86 du traité s' opposent à ce qu' un État membre institue ou maintienne un régime de monopole qui comprend, outre le service postal de base, également ce qu' il est convenu d' appeler les services de courrier accéléré.

Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' une procédure pénale engagée à l' encontre de M. Corbeau pour violation des règles qui régissent le monopole postal belge (loi du 26 décembre 1956, articles 1er, 26 et 33).

M. Corbeau a fourni des services de courrier postal à l' intérieur d' un secteur territorialement limité (la ville de Liège et les zones limitrophes). A cet effet, il a conclu plusieurs conventions de location de services, aux termes desquelles il s' est engagé à recueillir la correspondance à domicile et à la distribuer, avant le lendemain à midi, pour autant que les destinataires de la correspondance se situent à l' intérieur du secteur susmentionné. M. Corbeau s' occupait également de l' envoi, par le service postal, de la correspondance destinée à l' extérieur du secteur desservi.

A l' époque des faits de la cause, la législation belge précitée réservait, pour l' essentiel et à quelques exceptions près, les activités de collecte, de transport et de distribution de la correspondance à la seule administration des postes.

La législation a cependant été modifiée par la suite. La loi du 21 mars 1991 prévoit expressément parmi les dérogations au monopole postal la distribution effectuée par courrier accéléré.

Dans les observations présentées devant la Cour, l' administration postale belge (la Régie des postes) a précisé que la nouvelle législation a en substance reconnu une situation de fait préexistante, puisque dès avant les modifications apportées en mars 1991, les autorités belges avaient largement toléré la prestation de services de courrier accéléré par les opérateurs spécialisés du secteur.

La Régie des postes conteste toutefois que l' activité exercée par M. Corbeau puisse être qualifiée de service de courrier accéléré.

Les quatre questions

2. C' est dans ce contexte que le juge national interroge la Cour. Les questions posées (pour leur libellé il est renvoyé au rapport d' audience) s' articulent autour des points suivants:

a) Un monopole postal, tel que celui régi par la loi belge de 1956, constitue-t-il une entreprise qui jouit d' une position dominante au sens de l' article 86 du traité (voir quatrième question)?

b) Dans quelle mesure un tel monopole peut-il être tenu pour conforme au droit communautaire et notamment aux articles 90, 85 et 86 (voir première question)?

c) Dans quelle mesure un tel monopole peut-il bénéficier de la dérogation visée à l' article 90, paragraphe 2 (voir troisième question) ?

d) Dans quelle mesure un tel monopole doit-il être réaménagé pour être rendu conforme au droit communautaire (voir deuxième question)?

Les points sous d) et a)

3. Avant d' aborder le fond du problème - qui, ainsi qu' il a été exposé, concerne la légalité du droit exclusif conféré pour les services de courrier accéléré et qui est évoqué par les points sous b) et c) - il convient d' examiner brièvement les deux autres aspects envisagés par le juge a quo.

Tout d' abord, quant au point sous d) faisant l' objet de la deuxième question, on peut relever que la Cour n' a pas à se prononcerspécifiquement sur la nécessité d' un "réaménagement" du monopole postal belge. La réponse sur ce point est en effet absorbée par les réponses que la Cour est appelée à donner aux autres questions soulevées dans l' ordonnance de renvoi. En effet, dès lors qu' il aura été établi si et dans quelle mesure le monopole postal respecte les limites établies par l' ordre juridique communautaire, il deviendra superflu de se demander si ce monopole doit être réaménagé: il va de soi que, en tout état de cause, la réglementation nationale devra être modifiée pour éliminer les éventuels motifs d' incompatibilité relevés par la Cour et, partant, pour rétablir une situation qui réponde aux exigences du traité. D' autre part, il est à peine nécessaire de préciser que la demande qui a été formulée à cet égard par le juge semble viser l' obligation de "réaménagement" des monopoles commerciaux prévue à l' article 37 du traité, disposition qui, selon une jurisprudence constante, concerne exclusivement la commercialisation de marchandises et n' est donc pas susceptible d' être invoquée en matière de droits exclusifs conférés pour la prestation de services.

4. Il est en outre aisé de répondre au premier des points énumérés ci-dessus. En substance, le juge demande à cet égard si la Régie des postes peut être qualifiée d' entreprise en position dominante au sens de l' article 86 du traité. A ce propos, il convient de rappeler que dans l' arrêt Hoefner (1) la Cour a précisé que, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d' entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Or, dans le cas d' espèce, il est évident - ainsi que la Régie des postes l' a elle-même reconnu - que tant les services postaux de base, consistant à recueillir, à trier et à distribuer la correspondance, que les services de courrier accéléré constituent des activités à caractère économique. Il n' y a donc aucune raison de ne pas reconnaître la nature d' entreprise, au sens des règles communautaires de concurrence, à un organisme, tel que précisément la Régie des postes, qui exerce lesdites activités.

5. Relevons également que la Régie des postes bénéficie d' un monopole légal pour la prestation des services dont il s' agit, et ce en vertu de la loi belge de 1956, précitée, et que conformément à la jurisprudence de la Cour (2), une position dominante peut résulter de dispositions législatives ou réglementaires qui confèrent des droits exclusifs à une entreprise déterminée.

Enfin, ainsi qu' il a été encore confirmé dans l' arrêt ERT, une position dominante concernant l' ensemble du territoire d' un État membre doit être considérée comme s' étendant à une "partie substantielle" du marché commun au sens de l' article 86 du traité.

Sur ce point, on peut donc aisément répondre au juge national en ce sens qu' un organisme, tel que la Régie des postes belge, auquel la loi a attribué un monopole général des services postaux, couvrant l' ensemble du territoire national, occupe une position dominante sur une partie substantielle du marché commun au sens de l' article 86 du traité.

Les points sous b) et c)

6. Pour aborder à présent l' examen de la question centrale soulevée dans la présente procédure, il nous semble que l' analyse peut être articulée de la manière suivante.

En premier lieu, il convient d' indiquer les éléments essentiels de la jurisprudence relative à l' application des règles de concurrence du traité - notamment les articles 90 et 86 - aux droits exclusifs, relatifs à la prestation de services, conférés par les États à certaines entreprises.

En second lieu, on pourra apprécier la compatibilité, au regard de ces règles, du droit exclusif accordé à l' administration postale belge quant au service postal de base et aux services de courrier accéléré tels que ceux dont il s' agit en l' espèce.

Le cadre jurisprudentiel

7. Tout d' abord, on sait que, selon une jurisprudence constante, qui a été confirmée en dernier lieu dans l' arrêt "services de télécommunications" (3), le simple fait de créer une position dominante par l' octroi de droits exclusifs, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du traité, n' est pas, en tant que tel, incompatible avec l' article 86.

En même temps, la Cour a, dès les premiers arrêts rendus en la matière, pris soin de préciser les conditions qui limitent la faculté des États membres de soustraire, par l' attribution de droits exclusifs, certaines entreprises au libre jeu de la concurrence.

8. Ainsi, déjà dans l' arrêt "Port de Mertert" (4), relatif à un cas d' espèce qui n' est guère différent de celui faisant l' objet de l' arrêt "Porto di Genova" plus récent (5), la Cour a relevé que l' article 90, paragraphe 2, est en principe applicable dans le cas d' une entreprise qui, aux fins de la gestion du plus important débouché fluvial de l' État intéressé, jouit de certains privilèges pour l' accomplissement de la mission dont elle est légalement chargée et entretient à cet effet des rapports étroits avec l' administration (voir point 11 des motifs). On observera qu' en l' espèce, ces "privilèges" se concrétisaient dans la situation de monopole de fait dont ladite entreprise a bénéficié, en vertu des dispositions adoptées par les pouvoirs publics, pour les opérations de chargement et de déchargement des marchandises (l' action au principal concernait en effet un concurrent qui s' était trouvé exclu de la prestation de ces opérations du fait du monopole accordé à l' entreprise "privilégiée").

Or, en ce qui concerne une telle hypothèse, la Cour a estimé qu' il incombait à la Commission d' examiner si les conditions d' application de la dérogation visée à l' article 90, paragraphe 2, étaient réunies, examen qui impliquait à son tour "une appréciation des exigences inhérentes, d' une part, à l' accomplissement de la mission particulière impartie aux entreprises dont il s' agit et, d' autre part, à la sauvegarde de l'...

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