Gabalfrisa SL and Others v Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:489
Docket NumberC-110/98,C-147/98
Celex Number61998CC0110
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 October 1999
EUR-Lex - 61998C0110 - FR 61998C0110

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 7 octobre 1999. - Gabalfrisa SL e.a. contre Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña - Espagne. - Notion de juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) - Recevabilité - Taxe sur la valeur ajoutée - Interprétation de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE - Déduction de la taxe payée en amont - Activités préalables à la réalisation régulière des opérations économiques. - Affaires jointes C-110/98 à C-147/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-01577


Conclusions de l'avocat général

1 Par plusieurs ordonnances, de contenu identique, le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña demande à la Cour de se prononcer sur l'interprétation de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (ci-après la «directive») (1).

En particulier, la Cour est invitée à préciser s'il est contraire à la disposition précitée qu'une législation nationale, telle que la législation espagnole, subordonne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, versée par une entreprise pour les frais exposés avant le début de son activité, à la double condition que l'entreprise présente à l'administration une déclaration ad hoc avant d'exposer lesdits frais et que le délai d'un an entre la présentation de cette déclaration et le début effectif de l'activité commerciale ou professionnelle ne soit pas expiré.

La cadre normatif

La réglementation communautaire

2 La sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, régit à l'article 17 la naissance et l'étendue du droit à déduction. Les paragraphes 1 et 2, sous a), de cette disposition prévoient ce qui suit:

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

3 L'article 22 de la directive, intitulé «Obligations en régime intérieur» est également pertinent en l'espèce. Au paragraphe 1, il dispose que «tout assujetti doit déclarer le commencement, le changement et la cessation de son activité en qualité d'assujetti». Aux termes du paragraphe 8, «les États membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude».

La législation nationale

4 La disposition espagnole dont la comptabilité avec la directive est mise en cause dans la procédure au principal est l'article 111 de la loi n_ 37 du 28 décembre 1992, portant adoption de la taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifié par la loi n_ 13/1996 du 30 décembre 1996 (2). En application de cette disposition, les entrepreneurs ou travailleurs indépendants peuvent déduire la taxe acquittée avant le début de leurs activités d'entreprise ou professionnelles à partir du début effectif de ces activités ou de celles d'une branche différente, pourvu que le droit à déduction ne soit pas devenu caduc par suite de l'expiration du délai établi à l'article 100 de cette loi (cinq ans). Le paragraphe 3 suivant précise que par début des activités il faut entendre la date à laquelle l'assujetti (entrepreneur ou travailleur indépendant) commence à réaliser de façon habituelle les livraisons de biens ou prestations de services faisant l'objet de l'activité d'entreprise ou professionnelle.

Le paragraphe 5 ajoute que, par dérogation aux dispositions du paragraphe 1, les entrepreneurs ou les travailleurs indépendants qui souhaitent déduire les taxes supportées avant le début de leurs activités doivent remplir les deux conditions suivantes:

a) avoir présenté, avant d'acquitter les taxes, une déclaration préalable à l'engagement des activités d'entreprise ou professionnelles;

b) engager les activités en question dans un délai d'un an à compter de la présentation de la déclaration. L'administration peut toutefois proroger le délai d'un an lorsque la nature des activités à exercer à l'avenir ou les circonstances qui entourent le lancement le justifient.

Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, le régime général s'applique, la déduction des taxes versées ne pouvant avoir lieu que lors du début effectif des activités. En tout cas, la disposition plus favorable que le régime général ne trouve pas application pour la déduction de taxes versées pour l'acquisition de terrains: dans ce cas, le droit à déduction ne naît qu'à la date du début effectif de l'activité économique en question.

5 Le régime introduit par la nouvelle loi de 1996 prévoit donc une double possibilité pour l'assujetti. En premier lieu, le régime général prévoit que les taxes versées avant le début de l'activité professionnelle ou d'entreprise ne peuvent être déduites qu'à partir du moment où l'activité commence effectivement à être exercée. En deuxième lieu, par dérogation à la règle générale, on autorise l'exercice du droit à déduction avant le début de l'activité sous réserve de ce que les deux conditions précitées soient remplies. Il résulte donc de ces dispositions que le droit à déduction peut être différé par rapport au moment où la taxe devient exigible, comme dans le cas où un an s'est écoulé sans demande de prorogation ou, en cas de demande, lorsque l'administration estime ne pas devoir l'accorder. Par contre, lorsque l'assujetti ne réalise aucune opération imposable de cession de biens ou de prestation de services, le droit à déduction des taxes acquittées pour des dépenses relatives à des activités «préparatoires» ou liées à l'activité principale, est en principe refusé.

Les faits et la question préjudicielle

6 Les requérants dans les litiges au principal sont des entrepreneurs ou travailleurs indépendants ayant leur siège ou leur domicile en Espagne (3). On leur a refusé la déduction de la TVA acquittée pour des opérations réalisées avant le début de leur activité - souvent des travaux de construction - pour non-respect des conditions de l'article 111 de la loi n_ 37/92, tel que modifié par la loi n_ 13/1996. Le refus de l'administration était motivé, dans certains cas, par le fait que les assujettis n'avaient pas respecté le délai maximum d'un an entre la présentation de la déclaration prévue par la loi et le début effectif des activités professionnelles ou d'entreprise; dans d'autres cas, par le fait que les requérants n'avaient pas présenté la demande de prorogation prévue par la loi ou que cette demande avait été rejetée. Les entreprises intéressées ont introduit, contre les décisions de l'administration fiscale, un recours devant le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña. Les requérants invoquaient l'incompatibilité de la législation nationale avec le droit communautaire, dans la mesure où l'application de la première conduit à leur refuser le droit à déduction reconnu par l'article 17 de la directive.

7 Le Tribunal a alors décidé d'adresser à la Cour la question préjudicielle suivante, commune à toutes les procédures:

«En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par un assujetti avant le début de la réalisation habituelle des opérations taxées, la façon dont l'article 17 de la sixième directive 77/338/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, a aménagé le droit à déduction permet-elle que, en raison de la nécessité d'éviter les fraudes, l'exercice de ce dernier soit subordonné à certaines conditions - comme la présentation d'une demande expresse avant que la taxe ne soit devenue exigible et le début de la réalisation habituelle des opérations taxées dans un délai déterminé à compter de la date de cette demande - dont le non-respect est sanctionné par la perte du droit à déduction ou, à tout le moins, par le report de l'applicabilité de ce droit jusqu'au début de ladite réalisation habituelle des opérations taxées?»

8 Conformément à l'article 43 du règlement de procédure, les affaires ont été jointes pour cause de connexité, aux fins de la procédure écrite et de l'arrêt, par ordonnance du président du 8 mai 1998.

Sur la recevabilité

9 Avant de passer à l'examen au fond de la question préjudicielle adressée à la Cour par le Tribunal Económico-Administrativo Regional, il convient de vérifier si cet organisme peut être considéré comme une «juridiction nationale» au sens et aux fins de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE). A la demande expresse de la Cour, les parties demanderesses au principal, la Commission et le gouvernement espagnol ont tous répondu par l'affirmative. Alors que les premières n'ont fourni aucune motivation à l'appui de leur réponse, la Commission a expressément fait sienne l'appréciation positive exprimée par le Tribunal Económico-Administrativo Central dans une ordonnance rendue le 29 mars 1990. Il convient toutefois de préciser que, dans cette ordonnance, et donc dans les observations présentées par la Commission, si l'on indique les éléments normatifs relatifs à certaines des conditions indiquées par la Cour, en particulier l'origine légale de l'organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application de règles de droit, on omet de prendre en considération la condition qui pose pourtant de sérieux problèmes, à savoir l'indépendance et la...

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