Commission of the European Communities v Republic of Poland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:333
CourtCourt of Justice (European Union)
Date10 June 2008
Docket NumberC-227/07
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62007CC0227

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 10 juin 2008 (1)

Affaire C‑227/07

Commission des Communautés européennes

contre

République de Pologne

«Recours en manquement – Communications électroniques – Réseaux et services – Obligation de négocier une interconnexion – Transposition incorrecte de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil – Réglementation nationale qui impose à tous les opérateurs une obligation de négocier l’accès sans tenir compte des circonstances particulières du marché»






I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour, en application de l’article 226 CE, de constater que la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (ci-après la «directive ‘accès’») (2).

2. L’examen de la transposition incorrecte des règles communautaires que la Commission reproche à la République de Pologne requiert une étude des pouvoirs d’ingérence restreints dont disposent les pouvoirs publics dans les marchés libéralisés tels que celui des télécommunications.

3. Loin de se comporter de manière neutre dans le cadre de la mise en œuvre de la directive «accès» dans son droit national, l’État défendeur intervient pour stimuler le processus d’ouverture en obligeant ex lege tous les opérateurs à négocier l’accès au réseau, sans soumettre cette obligation à la condition d’un examen préalable de la concurrence.

4. L’examen des problèmes soulevés par le recours et l’ébauche d’une réponse adéquate présentent une certaine complexité, car la législation polonaise n’interdit pas les accords entre les entreprises (3) mais, au contraire, exige que de tels accords fassent au moins l’objet de négociations.

5. De plus, en l’absence du résultat escompté, la législation polonaise habilite l’autorité nationale compétente à prendre une décision substitutive contraignante, ce qui semble correspondre aux postulats du libéralisme classique de la plus vieille souche (4).

6. Il convient donc d’écarter toute confusion et, à l’issue des précisions conceptuelles nécessaires, de dégager la solution qui, telle un trésor, se cache dans l’enchevêtrement de la réglementation communautaire (5).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. Le «principe de coopération loyale»

7. Conformément à l’article 10 CE, «[l]es États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté» en facilitant «à celle-ci l’accomplissement de sa mission». De même, «[i]ls s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts» de l’Union européenne.

2. La directive «accès»

8. Cette directive fait partie du «nouveau cadre réglementaire» (6) adopté le 7 mars 2002 et publié le 24 avril 2007 (7).

9. La directive «accès», qui suit la directive «cadre» (8), concerne l’harmonisation de l’accès et de l’interconnexion en vue d’adapter les fournitures de réseau et de services aux principes du marché intérieur.

10. Le droit communautaire des télécommunications a évolué sur deux niveaux qui, même s’ils sont étroitement liés, se différencient facilement au regard de leurs destinataires.

11. Ainsi, parallèlement à la réglementation relative aux opérateurs, dans laquelle les règles relatives à l’interconnexion et à la concurrence apparaissent de manière entrelacée, il existe un autre niveau de réglementation, plus diffus, qui régit les droits des utilisateurs sur le fondement des principes de la libéralisation du secteur et de la garantie du service universel, et qui acquiert une importance particulière dans le contexte des liberté fondamentales des personnes (9) .

12. Il ne fait pas de doute que la présente affaire relève du premier de ces niveaux.

13. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive «accès»:

«Les opérateurs de réseaux publics de communications ont le droit et, lorsque d’autres entreprises titulaires d’une autorisation le demandent, l’obligation de négocier une interconnexion réciproque pour fournir des services de communications électroniques accessibles au public, de façon à garantir la fourniture de services et leur interopérabilité dans l’ensemble de la Communauté. Les opérateurs offrent l’accès et l’interconnexion à d’autres entreprises selon des modalités et des conditions compatibles avec les obligations imposées par l’autorité réglementaire nationale conformément aux articles 5, 6, 7 et 8.»

14. L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit:

«Pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la directive [‘cadre’], les autorités réglementaires nationales encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de la présente directive, un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l’interopérabilité des services et elles s’acquittent de leur tâche de façon à promouvoir l’efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à procurer un avantage maximal à l’utilisateur final.

En particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché conformément à l’article 8, les autorités réglementaires nationales doivent être en mesure d’imposer:

a) dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée;

b) aux opérateurs, dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer l’accès des utilisateurs finals à des services de transmissions radiophoniques et télévisées numériques spécifiés par l’État membre, l’obligation de fournir l’accès à d’autres ressources visées à l’annexe I, partie II, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires».

15. Bien que l’article 18 de la directive «accès» prévoie que, pour se conformer à ses dispositions, les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires au plus tard le 24 juillet 2003, l’acte d’adhésion de la République de Pologne (10) a étendu le délai de transposition au 30 avril 2004.

B – La loi polonaise sur les télécommunications

16. L’article 26 de la loi polonaise sur les télécommunications (11) oblige tous les opérateurs de réseaux publics de télécommunications à conduire des négociations relatives à la conclusion d’un contrat d’accès à la demande d’une autre entreprise ou d’une entité visée à l’article 4, points 1, 2, 4, 5, 7 et 8 de cette loi pour fournir des services de télécommunications destinés au public et garantir leur interopérabilité.

17. Pour éviter les comportements négligents, l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur les télécommunications permet au président de l’Urząd Komunikacji Elektronicznej (Office des communications électroniques, ci-après l’«UKE») d’arrêter un délai de clôture des négociations, qui ne peut excéder 90 jours à compter de la présentation de la demande visant à conclure un contrat d’accès.

18. Si les négociations ne sont pas entamées, si l’accès aux réseaux de télécommunications est refusé ou si le délai fixé est dépassé, chacune des parties peut demander au président de l’UKE d’arrêter une décision tranchant les questions litigieuses ou définissant les conditions de collaboration (article 27, paragraphe 2, de la loi sur les télécommunications), en joignant à sa demande un projet de contrat d’accès indiquant les positions respectives des parties et les clauses du contrat sur lesquelles il existe un désaccord (article 27, paragraphe 3, de la même loi).

19. Dans sa décision, le président de l’UKE doit mettre en balance l’intérêt des utilisateurs, les obligations imposées aux entreprises, la promotion de services de télécommunications modernes, le caractère des questions litigieuses et la possibilité pratique de mise en œuvre des propositions ou des solutions alternatives, en tenant particulièrement compte des aspects techniques et économiques de l’accès (12). De même, il doit prendre soin de garantir l’intégrité et l’interopérabilité des services, en veillant aussi bien à l’existence de conditions non discriminatoires qu’au développement de la concurrence (13).

20. La position dominante d’une entreprise au niveau des réseaux interconnectés, l’intérêt public, y compris la protection de l’environnement et la continuité du service universel constituent également des critères pour l’arbitrage forcé (14) auquel procède le président de l’UKE (15).

21. En ce qui concerne la modification de l’accès qui est ainsi décidée, l’article 28, paragraphe 5, de la loi sur les télécommunications apporte une nuance en disposant que si les parties intéressées concluent un contrat, les dispositions de la décision administrative qui sont couvertes par ce contrat s’éteignent de plein droit (16), même si le président de l’UKE conserve la faculté de modifier la décision à la demande d’une partie ou bien d’office dans les cas justifiés par la garantie de la protection des consommateurs, d’une concurrence efficace ou de l’interopérabilité des services (17).

22. Parallèlement, dans ces mêmes cas, l’article 29 de la loi sur les télécommunications habilite le président de l’UKE à modifier d’office non pas sa propre décision, mais le texte d’un contrat d’accès, ou à contraindre les parties à modifier celui-ci (18).

23. En outre, l’article 45 de la loi sur les télécommunications...

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