Staatssecretaris van Financiën v Schoenimport «Italmoda» Mariano Previti vof (C-131/13) and Turbu.com BV (C-163/13) and Turbu.com Mobile Phone’s BV (C-164/13) v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2217
Docket NumberC-164/13,C-163/13,C-131/13,
Celex Number62013CC0131
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 September 2014
62013CC0131

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 11 septembre 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13

Staatssecretaris van Financiën (C‑131/13)

contre

Schoenimport «Italmoda» Mariano Previti vof

et

Turbu.com BV (C‑163/13),

Turbu.com Mobile Phone’s BV (C‑164/13)

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demandes de décision préjudicielle

formées par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas)]

«TVA — Régime transitoire des échanges entre les États membres — Biens expédiés ou transportés à l’intérieur de l’Union européenne — Fraude commise dans l’État membre d’arrivée — Prise en compte de la fraude dans l’État membre expéditeur — Exonération»

Introduction

1.

Selon une étude récente menée à l’initiative de la Commission européenne, la perte de recettes provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») s’est élevée en 2011, dans les États membres, à 193 milliards d’euros, ce qui représente 18 % des recettes dues et 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) ( 2 ). Si cette perte a de multiples raisons, la fraude en est une des principales. Il n’est alors pas étonnant que la lutte contre la fraude à la TVA devienne une préoccupation particulièrement importante des administrations et des juridictions nationales. Depuis un certain temps, cette problématique occupe également une place croissante dans la jurisprudence de notre Cour.

2.

Le système de la taxation des échanges intracommunautaires constitue un terrain particulièrement propice à la fraude, dont le mode opératoire consiste à utiliser les mécanismes de la TVA pour réaliser des bénéfices indus sous forme de déductions, d’exonérations et de remboursements de la taxe. Récemment encore, plusieurs arrêts de notre Cour ont abordé ce problème. Les présentes affaires jointes offrent l’occasion de développer et de compléter cette jurisprudence. En effet, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) nous interroge sur l’étendue des compétences et des obligations des autorités et des juridictions des États membres face à ce type de fraude, et ce en absence de dispositions explicites concernant ces compétences et obligations en droit national.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3.

Le droit à déduction de la taxe payée en amont est un des principaux mécanismes de fonctionnement de la TVA. À l’époque des faits dans les affaires au principal, ce droit était établi à l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme ( 3 ), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 ( 4 ) (ci-après la «sixième directive»), dans sa version résultant de l’article 28 septies de cette même directive. Les paragraphes 2, sous a) et d), et 3, sous b), dudit article sont ainsi libellés:

«2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)

la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[...]

d)

la [TVA] due conformément à l’article 28 bis paragraphe 1 point a).

3. Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:

[...]

b)

de ses opérations exonérées conformément [...] à l’article 28 quater titres A [...]»

4.

Le régime applicable aux livraisons des biens entre assujettis des différents États membres est fondé sur le principe de l’exonération dans l’État membre de la livraison (appelée alors livraison intracommunautaire), avec maintien du droit à déduction de la taxe en amont, et de l’imposition dans l’État membre de l’acquisition (appelée acquisition intracommunautaire) au taux en vigueur dans cet État. Ce type d’exonération est parfois qualifié d’«imposition à taux 0 %». Il doit être distingué d’une exonération «classique» ne donnant pas droit à déduction. Ce dernier type d’exonération a pour effet de soustraire l’opération au champ d’application du système de TVA. Tel n’est pas le cas de l’exonération des livraisons intracommunautaires qui ne fait que déplacer la compétence fiscale de l’État membre de livraison vers l’État membre d’acquisition, tout en maintenant l’opération sous le régime de la TVA. C’est uniquement dans ce contexte que l’on peut parler d’un «droit à l’exonération». Par ailleurs, comme l’acquisition intracommunautaire donne immédiatement droit à déduction, le montant de la taxe due au titre de cette acquisition est nul (autoliquidation de la taxe). Ce n’est qu’après avoir effectué une livraison taxée en aval que l’acheteur sera redevable de la taxe facturée à l’occasion de cette livraison. Ces règles résultent notamment des articles 28 bis, 28 ter et 28 quater de la sixième directive.

5.

Ainsi, l’article 28 bis de la sixième directive dispose:

«1. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

a)

les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel, ou par une personne morale non assujettie, lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel, qui ne bénéficie pas de la franchise de taxe prévue à l’article 24 et qui ne relève pas des dispositions prévues à l’article 8 paragraphe 1 point a) deuxième phrase ou à l’article 28 ter titre B paragraphe 1.

[...]

3. Est considérée comme ‘acquisition intracommunautaire’ d’un bien, l’obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel expédié ou transporté à destination de l’acquéreur, par le vendeur ou par l’acquéreur ou pour leur compte, vers un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport du bien.

[...]»

6.

Selon l’article 28 ter, A, de la même directive:

«1. Le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.

2. Sans préjudice du paragraphe 1, le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens visée à l’article 28 bis paragraphe 1 point a) est, toutefois, réputé se situer sur le territoire de l’État membre qui a attribué le numéro d’identification à la [TVA] sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition, dans la mesure où l’acquéreur n’établit pas que cette acquisition a été soumise à la taxe conformément au paragraphe 1.

Si, néanmoins l’acquisition est soumise à la taxe, en application du paragraphe 1, dans l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport des biens après avoir été soumise à la taxe en application du premier alinéa, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans l’État membre qui a attribué le numéro d’identification à la [TVA] sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition.

Aux fins du premier alinéa, l’acquisition intracommunautaire de biens est réputée avoir été soumise à la taxe conformément au paragraphe 1, lorsque les conditions suivantes sont réunies:

l’acquéreur établit avoir effectué cette acquisition intracommunautaire pour les besoins d’une livraison subséquente, effectuée à l’intérieur de l’État membre visé au paragraphe 1, pour laquelle le destinataire a été désigné comme le redevable de la taxe conformément à l’article 28 quater titre E paragraphe 3,

l’acquéreur a rempli les obligations de déclaration prévues à l’article 22 paragraphe 6 point b) dernier alinéa.»

7.

L’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de cette directive prévoit:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-après et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les États membres exonèrent:

a)

les livraisons de biens, au sens de l’article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l’acquéreur ou pour leur compte, en dehors du territoire visé à l’article 3 mais à l’intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.»

Le droit néerlandais

8.

Les dispositions susvisées de la sixième directive ont été transposées en droit néerlandais aux articles 9, 15, 17 ter et 30 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 ( 5 ).

9.

Selon la juridiction de renvoi, le droit néerlandais ne comporte aucune disposition explicite soumettant le droit à déduction, à l’exonération ou au remboursement de la taxe à la condition que l’opération ne participe pas d’une fraude fiscale dont l’assujetti avait ou aurait dû avoir connaissance.

Les faits au principal, les questions préjudicielles et le déroulement de la procédure

Affaire C‑131/13

10.

Schoenimport «Italmoda» Mariano Previti vof (ci-après «Italmoda»), société de droit néerlandais, exerce son activité dans le domaine du commerce des chaussures. À l’époque des faits au principal, c’est-à-dire entre l’année 1999 et l’année 2000, elle a également réalisé des transactions portant sur du matériel informatique. Ce matériel, acquis par Italmoda aux Pays-Bas et en Allemagne, a été vendu et...

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