Commission of the European Communities v Kingdom of the Netherlands.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:520
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 September 2004
Docket NumberC-41/02
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62002CC0041
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. M. POIARES MADURO
présentées le 14 septembre 2004(1)



Affaire C-41/02

Commission des Communautés européennes
contre
Royaume des Pays-Bas



«Mesures d'effet équivalent – Protection de la santé – Denrées alimentaires enrichies d'additifs – Commercialisation subordonnée à un besoin nutritionnel»






1. Cette affaire est une nouvelle occasion de résoudre le conflit entre le principe de libre circulation des marchandises et l'exigence de protection de la santé, protégés par l'ordre juridique communautaire. La Commission des Communautés européennes a introduit un recours en manquement contre le royaume des Pays-Bas, invoquant la violation des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) (2) par la loi néerlandaise régissant l’autorisation de commercialisation de certains additifs alimentaires et par l’application qui en est faite par les autorités administratives et judiciaires. Le royaume des Pays-Bas conteste l’existence du manquement et justifie sa réglementation et sa pratique par la nécessité de protéger la santé. I – Les faits et la procédure précontentieuse 2. La Commission a réuni trois procédures initialement distinctes dans le cadre du présent recours. La procédure précontentieuse a été entamée comme suite à des plaintes de deux opérateurs privés ainsi qu’à l’occasion de la transmission par le royaume des Pays-Bas d’un texte législatif dans le cadre de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1984, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (3) , telle que modifiée par la directive 94/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 mars 1994 (4) . 3. Kellogg’s a informé la Commission que les autorités néerlandaises lui avaient opposé un refus d’autorisation de commercialisation visant des céréales pour le petit déjeuner contenant de la vitamine D ainsi que de l’acide folique. La Commission a adressé le 26 juin 1996 une lettre de mise en demeure au royaume des Pays-Bas par laquelle le refus opposé à Kellogg’s est critiqué du fait de l’absence de preuve que la commercialisation des céréales aurait pu être dangereuse pour la santé et parce que la nécessité de prouver un besoin nutritionnel de la population ne serait pas conforme au droit communautaire. La réponse du royaume des Pays-Bas, du 6 mai 1997, n’ayant pas convaincu la Commission, celle-ci a adressé à l’État membre un avis motivé en date du 23 septembre 1997. 4. Parallèlement, Inkosport Nederland s’est également plaint à la Commission du refus que lui ont opposé les autorités néerlandaises s’agissant de la commercialisation de barres énergétiques. La Commission a adressé dans ce cadre une lettre de mise en demeure au royaume des Pays-Bas le 26 juin 1996. La réponse de ce dernier n’ayant pas été considérée satisfaisante, la Commission a poursuivi la procédure en lui envoyant un avis motivé le 23 septembre 1997. 5. Par ailleurs, le royaume des Pays-Bas a notifié à la Commission le Warenwetbesluit Toevoeging micro-voedingsstoffen aan levensmiddelen (arrêté d’application de la loi sur les denrées alimentaires relatif à l’adjonction de micronutriments aux denrées alimentaires, du 24 mai 1996) (5) . Cet arrêté prévoit un régime de dérogation à l’interdiction de commercialiser des micronutriments à condition, d’une part, que soit prouvée l’innocuité de l’adjonction de micronutriments et, d’autre part, qu’elle corresponde à un besoin nutritif réel. Il s’insère dans la législation néerlandaise sur la fabrication et la commercialisation des produits alimentaires. 6. Toute addition de vitamines, de composés du fluor ou de l’iode, d’acides aminés ou de leurs sels, dans des denrées alimentaires était antérieurement prohibée (6) . Cette interdiction a été assouplie par l’arrêté du 24 mai 1996 autorisant la présence de vitamines, dont une liste est annexée à l’arrêté (7) , dans des denrées alimentaires enrichies, définies comme «une denrée additionnée d’un ou plusieurs micronutriments, mais dont la finalité essentielle n’est pas de fournir des micronutriments» (8) . Les micronutriments sont pour leur part définis comme «des substances nutritives indispensables au fonctionnement de l’organisme humain, que ledit organisme ne peut fournir lui-même et qui doivent être consommées en petites quantités» (9) . Certains micronutriments sont toutefois soumis à un régime particulier: «la vitamine A sous la forme de rétinoïdes, la vitamine D, l’acide folique, le sélénium, le cuivre et le zinc sont exclusivement ajoutés à une denrée alimentaire enrichie pour en faire un produit de substitution ou une denrée restaurée» (10) . D'après la réglementation néerlandaise, un produit de substitution est «une denrée alimentaire enrichie qui vise à remplacer une denrée existante et se rapproche autant que possible de cette dernière par son apparence, sa consistance, son goût, sa couleur, son odeur et sa destination, et à laquelle un ou plusieurs micronutriments ont été ajoutés dans des proportions ne dépassant pas celles dans lesquelles ces substances sont naturellement présentes dans la denrée à remplacer» (11) . Une denrée restaurée est une denrée enrichie à laquelle un ou plusieurs micronutriments ont été ajoutés afin de compenser leur disparition lors ou après leur préparation (12) . 7. La Commission, estimant que ce régime n’était pas compatible avec la libre circulation des marchandises, a, par lettre du 22 décembre 1997, mis les autorités néerlandaises en demeure de lui fournir des explications sur ce point. Un avis motivé du 31 août 1998 ainsi qu’un avis motivé complémentaire du 21 décembre 1998 sont venus préciser les griefs de la Commission. Par leurs réponses, les autorités néerlandaises ont confirmé leurs divergences d’analyse. 8. Dans ces conditions, la Commission a introduit le présent recours en manquement, fondé sur le grief unique de la non-conformité du régime néerlandais de commercialisation des denrées enrichies avec la libre circulation des marchandises, visant d'une part la pratique des autorités néerlandaises et d'autre part la réglementation elle-même. 9. Une audience a eu lieu le 14 juillet 2004, au cours de laquelle les parties ont pu présenter les conséquences qu'elles déduisent pour leur affaire de la jurisprudence récente de la Cour, et notamment de l'arrêt du 23 septembre 2003, C-192/01, Commission/Danemark (13) , qui a apporté des précisions sur le domaine en cause. II – Position du problème 10. Le présent recours en manquement contre le royaume des Pays-Bas comporte de nombreux points communs avec celui que la Commission avait introduit à l’encontre du royaume de Danemark et qui a abouti à la condamnation de ce dernier par l'arrêt Commission/Danemark, précité. Toutefois, alors que la législation danoise avait un caractère systématique, le droit néerlandais en cause n’est appliqué qu’à six nutriments (14) . En outre, la question principale posée par cette affaire se distingue de celle que la Cour avait à résoudre dans le cas danois, puisque le royaume des Pays-Bas n’a pas une définition du besoin nutritionnel aussi stricte que celle en vigueur au Danemark (15) mais au contraire tente de lier cette notion à celle de risque pour la santé. En effet, le royaume des Pays-Bas justifie le régime spécial auquel certains nutriments sont soumis par la circonstance que la différence entre la quantité recommandée et le niveau d’ingestion pouvant entraîner des effets nocifs est très faible (16) . Toute addition de ce type de nutriments dans des denrées alimentaires pourrait ainsi, selon le royaume des Pays-Bas, entraîner des risques pour la santé. 11. Avant d’analyser le régime néerlandais en détail, précisons quels critères d’appréciation ont été dégagés par la jurisprudence en ce domaine. Les parties s’accordent pour admettre que l’autorisation préalable de commercialiser un produit dans un État membre alors même qu’il est autorisé dans d’autres États membres constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à la libre circulation des marchandises au sens de l’article 30 du traité. 12. La commercialisation de denrées alimentaires enrichies en micronutriments n’ayant pas encore été harmonisée au niveau communautaire (17) , les États membres conservent la possibilité de l’encadrer. Les nutriments (18) sont définis par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 89/398 comme «des substances à but nutritionnel particulier, telles que vitamines, sels minéraux, acides aminés et autres substances à ajouter aux denrées destinées à une alimentation particulière». La législation néerlandaise est indistinctement applicable à toutes les denrées alimentaires, quelle que soit leur origine. Le système d’autorisation préalable de commercialisation des denrées alimentaires contenant des nutriments en vigueur aux Pays-Bas est ainsi susceptible d’être justifié au titre de la protection de la santé, qui est placée au premier rang des intérêts protégés énumérés à l’article 36 du traité (19) . 13. Il ressort de la jurisprudence que l’analyse à effectuer pour vérifier si un régime d'autorisation préalable peut bénéficier de l’exception prévue à l’article 36 du traité comporte deux étapes, la première étudiant les conditions de validité d’une procédure d’autorisation préalable, la seconde examinant le critère retenu pour justifier une interdiction de commercialisation. A – Les conditions de validité d’une procédure d’autorisation préalable 14. En l’absence d’harmonisation communautaire dans le domaine des nutriments, les États membres demeurent en principe libres de choisir le niveau...

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