Félix Palacios de la Villa v Cortefiel Servicios SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:106
Date15 February 2007
Celex Number62005CC0411
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-411/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MazÁk

présentées le 15 février 2007 (1)

Affaire C‑411/05

Félix Palacios de la Villa

contre

Cortefiel Servicios SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social n° 33 de Madrid (Espagne)]

«Directive 2000/78/CE du Conseil – Article 6 – Principe général du droit communautaire – Discrimination fondée sur l’âge – Mise à la retraite d’office – Effet direct – Obligation d’écarter les règles nationales contraires au droit communautaire»





I – Introduction

1. Au moyen des deux questions préjudicielles posées à la Cour par ordonnance du 14 novembre 2005 (2), le Juzgado de lo Social n° 33 de Madrid (Espagne) souhaite essentiellement vérifier si l’interdiction de discrimination en raison de l’âge énoncée, en particulier, à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (3), fait obstacle à une loi nationale autorisant l’insertion de clauses de mise à la retraite d’office dans des conventions collectives. En cas de réponse affirmative, la juridiction de renvoi souhaite également savoir si elle est tenue d’écarter l’application de la loi nationale concernée.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige entre personnes privées, à la suite d’une action intentée par M. Félix Palacios de la Villa contre Cortefiel Servicios, SA, José María Sanz Corral et Martín Tebar Less; dans cette procédure, M. Palacios soutient que son licenciement, prononcé au motif qu’il avait atteint l’âge obligatoire de la retraite, était abusif.

3. La Cour a déjà été saisie de questions ayant trait à l’interprétation de la directive 2000/78 dans les affaires Mangold (4) et Chacón Navas (5). En ce qui concerne, plus particulièrement, la discrimination fondée sur l’âge, c’est la troisième fois (après les affaires Mangold (6) et Lindorfer/Conseil (7)) que la Cour est appelée à se prononcer sur un tel grief, même s’il convient de souligner que la présente affaire diffère considérablement des précédentes pour ce qui est du cadre factuel et juridique.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La directive 2000/78 a été adoptée sur la base de l’article 13 CE, qui, dans sa version antérieure au traité de Nice, se lisait comme suit:

«Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.»

5. Les premier et quatorzième considérants du préambule de la directive 2000/78 sont ainsi rédigés:

«(1) Conformément à l’article 6 du traité sur l’Union européenne, l’Union européenne est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs à tous les États membres et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

[...]

(14) La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite.

[...]»

6. Selon l’article 1er de la directive 2000/78, celle‑ci a pour objet:

«[...] d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.»

7. L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, qui définit la notion de discrimination, dispose que:

«Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

[...]»

8. L’article 3 de la directive 2000/78, intitulé «Champ d’application», prévoit, aux paragraphes 1 et 3, ce qui suit:

«1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

[...]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[...]

3. La présente directive ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.

[...]»

9. L’article 6 est consacré à la justification des différences de traitement fondées sur l’âge:

«1. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.

2. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.»

10. En vertu de l’article 18, premier alinéa, de la directive 2000/78, la transposition de la directive devait être intervenue au plus tard le 2 décembre 2003. Étant donné que le Royaume d’Espagne ne s’est pas prévalu de la possibilité, prévue à l’article 18, deuxième alinéa, de bénéficier d’une période supplémentaire de trois ans à compter du 2 décembre 2003, cette date marque également la fin du délai de mise en œuvre de la directive en Espagne.

B – Le droit national applicable

11. Selon la décision de renvoi, à partir de 1980 – dans un premier temps avec la loi n° 8/80 relative au statut des travailleurs (Ley del Estatuto de los Trabajadores, ci-après la «loi n° 8/80») – jusqu’à 2001, la mise à la retraite d’office a été utilisée par le législateur espagnol comme un mécanisme destiné à favoriser l’emploi intergénérationnel.

12. Après que les dispositions de la loi n° 8/80 prévoyant la fixation d’âges obligatoires de la retraite dans les conventions collectives eurent été déclarées inconstitutionnelles par le Tribunal Constitucional, ladite loi a été remplacée, à cet égard, par le décret royal législatif n° 1/1995 portant approbation de la loi relative au statut des travailleurs. Celle‑ci contient actuellement les principales dispositions législatives nationales en matière de relations professionnelles.

13. Dans la version actuelle de la loi relative au statut des travailleurs – qui résulte de sa modification par la loi n° 62/2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2004 et transposant la directive 2000/78 en droit espagnol –, les articles 4 et 17 énoncent l’interdiction de discrimination en raison, notamment, de l’âge.

14. En ce qui concerne la mise à la retraite d’office, la dixième disposition additionnelle de la loi relative au statut des travailleurs, dans la version qui était en vigueur jusqu’en juillet 2001, prévoyait ce qui suit:

«[d]ans les limites et conditions fixées par la présente loi, la mise à la retraite d’office pourra être utilisée comme instrument de la politique de l’emploi. La capacité de travailler ainsi que la fin des contrats de travail dépendent de la limite d’âge fixée par le gouvernement en fonction des disponibilités de la sécurité sociale et du marché du travail, sans préjudice de la possibilité d’accomplir les périodes de carence en vue de la pension de retraite. Dans le cadre de la négociation collective, des âges de la retraite pourront être convenus librement, sans préjudice des dispositions prévues à cette fin en matière de sécurité sociale».

15. En raison d’un revirement du législateur, qui a d’abord vu dans la mise à la retraite d’office un instrument favorable à l’emploi, puis une charge pour le système de sécurité sociale, la dixième disposition additionnelle...

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