Arcor AG & Co. KG (C-152/07), Communication Services TELE2 GmbH (C-153/07) and Firma 01051 Telekom GmbH (C-154/07) v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:181
Date01 April 2008
Celex Number62007CC0152
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-154/07,C-152/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 1er avril 2008 (1)

Affaires jointes C‑152/07 à C‑154/07

Arcor AG & Co. KG, Communication Services TELE2 GmbH et Firma 01051 Telekom GmbH

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demandes de décision préjudicielle présentées par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]

«Secteur des télécommunications – Financement d’obligations de service universel – Redevances versées en sus du tarif d’interconnexion – Interprétation de l’article 4 quater de la directive ‘concurrence’ et des articles 7, paragraphes 2 et 4, et 12, paragraphe 7, de la directive interconnexion – Effet direct – Relation triangulaire»





I – Introduction

1. Le Bundesverwaltungsgericht (tribunal fédéral suprême en matière administrative) invite la Cour de justice à se prononcer sur la portée des directives 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (ci-après la «directive concurrence» ou «directive 90/388» ) (2), et 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP) (ci-après la «directive interconnexion» ou «directive 97/33») (3).

2. La juridiction de renvoi doute de la légalité de certains coûts venant s’ajouter aux coûts de connexion, imposés au profit de l’opérateur dominant du réseau d’abonnés, dans un secteur caractérisé par la libéralisation (4), laquelle a été impulsée par les directives «concurrence» (5) et «interconnexion» (6) et s’est achevée par le «nouveau cadre réglementaire» (7) adopté le 7 mars 2002 et publié le 24 avril 2002 (8).

3. Les entreprises obligées de payer ces montants supplémentaires en discutent la validité (9), en invoquant les principes de libre concurrence, d’interdiction de la discrimination et de transparence administrative.

II – La réglementation applicable

A – Le droit communautaire

4. L’élaboration en 1987 du Livre vert sur les télécommunications (10) constitue les prémices de l’instauration d’un marché européen concurrentiel et harmonisé, fondé sur le libre choix des opérateurs de télécommunications.

5. La dérégulation administrative du secteur a entraîné une transformation profonde de sa conception juridique, basée sur la publicatio ou réserve de la gestion des organismes publics, au fur et à mesure que disparaît le système traditionnel de monopoles étatiques, incapable de satisfaire les demandes des usagers, toujours plus nombreux après la révolution qu’a connue le secteur.

6. Cette convergence débouche sur un nouveau cadre contrastant avec l’intervention officielle en matière de prestation du service, intervention qui l’inclinait vers la suprématie de la volonté politique (11) au détriment de la liberté du commerce.

1. La directive 90/388 (12)

7. L’arrêt Italie/Commission (13) a bouleversé le monde des télécommunications en reconnaissant l’application du régime de la concurrence aux organismes publics titulaires de droits spéciaux ou exclusifs.

8. En dépit des retouches jurisprudentielles, le système souffrait de lacunes notables, mises en évidence par la complexité de la matière et par la persistance de marchés accaparés par l’opérateur public, dont l’intégration ne pouvait être obtenue que par des mesures législatives concrètes.

9. Les réactions se développent avec la libéralisation attendue, à travers la directive 88/301/CEE (14), renforcée deux années après par la directive 90/388, avec la suppression des droits spéciaux ou exclusifs, sans préjudice de certaines exceptions, parmi lesquelles on peut souligner l’exception de la téléphonie vocale, dont la place au sein de la libre concurrence a pris du retard jusqu’à la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996, modifiant la directive 90/388.

10. L’article 4 quater de la directive 90/388 (15) impose aux États membres de rééquilibrer leurs tarifs, en fixant comme règle essentielle l’augmentation du prix de la fourniture du service universel sans oublier la nécessité de maintenir son caractère abordable et tout en assurant aux entreprises la possibilité de réaliser un bénéfice, conformément aux conditions spécifiques du marché, avec l’impérieuse solidarité pour que tout citoyen puisse bénéficier de ces services.

2. La directive 97/33 (16)

11. D’un autre côté, la voie de l’harmonisation (17), parallèle aux efforts pour supprimer les limites qui empêchaient une concurrence véritable entre opérateurs, a encouragé l’entrée de nouveaux opérateurs, en veillant à l’instauration d’un équilibre permanent entre les participants à la fourniture d’un réseau ouvert à tous (18).

12. Toutefois, la concertation devait permettre en outre l’accès et la localisation des infrastructures, en garantissant l’interconnexion entre les réseaux publics et leurs distributeurs.

13. Comme je l’indique dans mes conclusions dans l’affaire Telefónica 02 Czech Republic, précitée (19), c’est dans ce but qu’a été adoptée la directive 97/33, qui aborde certains aspects financiers de la connexion entre opérateurs, en interdisant des tarifs inférieurs au seuil des coûts réels, tout en empêchant d’éventuels caprices mercantilistes en refusant les montants qui excéderaient ce niveau (dixième considérant).

14. L’article 7, paragraphe 2, de la directive 97/33 est ainsi rédigé:

«Les redevances d’interconnexion respectent les principes de la transparence et de l’orientation en fonction des coûts. La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations. Les autorités réglementaires nationales peuvent demander à un organisme de justifier intégralement ses redevances d’interconnexion et, si nécessaire, en exiger l’adaptation. Le présent paragraphe est également applicable aux organismes définis à l’annexe I troisième partie, qui ont été notifiés par des autorités réglementaires nationales comme étant des organismes puissants sur le marché national de l’interconnexion.»

15. Afin d’éviter les fraudes, l’article 7, paragraphe 4, de ladite directive prévoit que, conformément à la législation communautaire, les redevances d’interconnexion doivent être suffisamment décomposées pour que le demandeur n’ait pas à payer pour l’élément qui n’est pas strictement lié au service demandé.

16. De plus, les abonnés se voient conférer le droit d’accéder aux services commutés de tout prestataire de télécommunications interconnecté, conformément à la directive 98/61, qui ajoute un paragraphe 7 à l’article 12 de la directive 97/33 afin que les autorités réglementaires nationales garantissent une tarification de l’interconnexion en fonction des coûts et évitent que les redevances à payer ne constituent un facteur dissuasif pour l’utilisation de ce service.

17. Le régime communautaire de la concurrence dans le cadre des télécommunications, axé sur la protection du consommateur, prévoit des redevances d’interconnexion qui excluent les montants non destinés à couvrir les coûts réels des services en cause et en prônent la transparence (20).

B – Le droit allemand

18. Les obligations qui incombent à l’opérateur dominant en vue de fournir l’accès au réseau et l’interconnexion sont énumérées dans les articles 35 et suivants du Telekommunikationsgesetz (loi sur les télécommunications, ci-après le «TKG») du 25 juillet 1996 (21).

19. En vertu des articles 39, 27 et suivants de ladite loi, tous les versements liés à l’accès au réseau sont soumises à autorisation, de manière que le bénéficiaire d’une autorisation ne perçoive pas davantage que les sommes validées par l’administration.

20. La base juridique des redevances censées compenser les pertes de l’opérateur prépondérant est l’article 43, paragraphe 6, du TKG, dans la rédaction de la loi du 21 octobre 2002 (22).

III – Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

21. Arcor AG & Co. KG, Communication Services TELE2 GmbH et Firma 01051 Telekom GmbH sont des opérateurs de réseaux publics de télécommunications qui exercent leurs activités en Allemagne et offrent à leurs clients un service de sélection des opérateurs grâce à l’interconnexion au réseau local de Deutsche Telekom AG (ci‑après «Deutsche Telekom»).

22. L’autorité réglementaire a imposé à Deutsche Telekom la prestation du service Telekom B.2 (local) en échange d’une contrepartie payée par les demanderesses au principal.

23. Dans une décision du 29 avril 2003, la Regulierungsbehörde für Telekommunikation und Post (autorité réglementaire des postes et télécommunications) (23) a décrété, à la demande de Deutsche Telekom et sur la base de l’article 43, paragraphe 6, du TKG, à compter du 1er juillet 2003, une redevance supplémentaire, indépendante des coûts, de 0,004 euro la minute au titre du service Telekom B.2 (local), parce que les profits que les clients finaux rapportaient à cette société ne couvraient pas en totalité les frais d’activation du raccordement des abonnés.

24. À peine un mois après, la Commission (24) a infligé à Deutsche Telekom une amende de 12 600 000 euros pour abus de position dominante parce qu’elle réclamait à ses concurrents, pour les admettre dans le réseau local, une somme supérieure à celle que ses propres abonnés lui versaient pour bénéficier du réseau fixe.

25. Par décision du 23 septembre 2003, l’autorité réglementaire a laissé sans effet (ex nunc) la perception des redevances supplémentaires, lesquelles se limitent donc à la période comprise entre le 1er juillet et le 23 septembre 2003.

26. Les trois entreprises concernées par le paiement des redevances supplémentaires ont attaqué séparément la décision administrative qui les autorisait.

27. Par jugement du 3 novembre...

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