Glaxo Wellcome GmbH & Co. KG v Finanzamt München II.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:438
Date09 July 2009
Celex Number62008CC0182
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-182/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 9 juillet 2009 (1)

Affaire C‑182/08

Glaxo Wellcome GmbH & Co.

contre

Finanzamt München II

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Impôt sur les sociétés – Distribution de dividendes – Crédit d’impôt – Traitement distinct des actionnaires résidents et des actionnaires non‑résidents – Convention bilatérale préventive de la double imposition – Avantages fiscaux relatifs à la déductibilité des pertes afférentes à l’amortissement sur la valeur des participations – Exclusion lorsque l’actionnaire résident a acquis sa participation auprès d’un actionnaire non‑résident – Entrave – Justification – Lutte contre l’évasion fiscale – Proportionnalité»





1. L’interprétation sollicitée par le présent renvoi préjudiciel concerne une réglementation fiscale qui s’inscrit dans un régime national visant à prévenir la double imposition économique lors de la distribution de dividendes par une société résidente à ses actionnaires.

2. Il s’agit de déterminer si un État membre peut limiter la possibilité pour un contribuable résident de déduire de ses bénéfices imposables les pertes afférentes à l’amortissement partiel des participations qu’il détient dans une société résidente lorsque celui‑ci a acquis ses parts auprès d’un actionnaire qui réside dans un autre État membre.

3. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Glaxo Wellcome GmbH & Co. au Finanzamt München II (2) au sujet de la détermination de ses bénéfices imposables au titre des années 1995 à 1998. Ce litige s’inscrit dans le cadre de la restructuration complexe du groupe Glaxo Wellcome dont les sociétés sont établies dans différents États membres, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne ainsi que le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord.

4. Conformément à la législation allemande applicable, un actionnaire qui réside en Allemagne et qui perçoit un dividende d’une société établie dans le même État membre peut déduire de ses revenus imposables non seulement le montant de l’impôt que la société distributrice a déjà payé sur ses bénéfices, et ce grâce à un crédit d’impôt, mais également les diminutions de bénéfices attachées à la dépréciation de ses parts sociales.

5. Le crédit d’impôt est réservé, en principe, aux seuls actionnaires résidents. Néanmoins, cette réglementation a pu être contournée afin de permettre aux actionnaires qui résident dans un autre État membre et qui ne sont pas imposables dans cet État de bénéficier d’une manière indue de cet avantage fiscal.

6. C’est afin de lutter contre cette pratique que le gouvernement allemand a adopté la mesure fiscale litigieuse.

7. Dans la présente affaire, la Cour est invitée à examiner si une telle mesure constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 43 CE ou à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE et, le cas échéant, si cette restriction peut être justifiée.

8. Aux fins de cette analyse, nous proposerons à la Cour d’examiner, au préalable, la compatibilité au regard du droit communautaire, et notamment de l’article 56 CE, du régime dans lequel s’inscrit la mesure fiscale litigieuse et qui tend à exclure du bénéfice du crédit d’impôt les actionnaires qui ne résident pas en Allemagne.

9. Ensuite, sur la base des conclusions de cette première analyse, nous inviterons la Cour à examiner si l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui limite la possibilité pour un contribuable résident de déduire de ses bénéfices imposables les pertes afférentes à l’amortissement sur la valeur des participations qu’il détient dans une société résidente, lorsque celui‑ci a acheté ses parts sociales auprès d’un contribuable qui réside dans un autre État membre, alors qu’elle accorde une telle possibilité à un contribuable qui les a acquises auprès d’un contribuable résident.

10. Dans les présentes conclusions, nous exposerons qu’une telle réglementation constitue bien une restriction à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56 CE. Néanmoins, nous expliquerons dans quelle mesure une telle restriction peut être justifiée par la nécessité de prévenir l’évasion fiscale et nous indiquerons dans quelles conditions elle peut être jugée proportionnée à cet objectif.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

11. L’article 43, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

12. En vertu de l’article 48, premier alinéa, CE, les droits instaurés par l’article 43 CE bénéficient également aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne.

13. En outre, aux termes de l’article 56, paragraphe 1, CE, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les États tiers sont interdites (3).

14. Ce principe est néanmoins assorti de dérogations énoncées aux articles 57 CE et 58 CE. L’article 57 CE ne concerne que les relations avec les États tiers et porte sur les mouvements de capitaux considérés comme étant particulièrement sensibles.

15. L’article 58 CE, quant à lui, décrit les compétences réservées des États membres qui leur permettent de restreindre les mouvements de capitaux à destination ou en provenance tant des autres États membres que des États tiers. Il dispose:

«1. L’article 56 [CE] ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

[…]

3. Les mesures et procédures visées [au paragraphe] 1 […] ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 [CE].»

16. Il ressort de la jurisprudence que, parmi les mesures pouvant être considérées comme indispensables pour faire échec aux infractions aux lois et aux règlements d’un État membre figurent, notamment, celles destinées à lutter contre l’évasion fiscale (4).

17. En outre, la liste des mesures justificatives contenue à l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE n’est pas limitative. La Cour a admis que la liberté de circulation des capitaux, comme les autres libertés de circulation, pouvait être restreinte par d’autres motifs, qualifiés de raison ou d’exigence impérieuse d’intérêt général (5). Ainsi, il a été jugé à plusieurs reprises que la nécessité d’assurer la cohérence d’un régime fiscal national et celle de lutter contre les montages abusifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général pouvant justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux (6).

18. Cependant, quel que soit le motif invoqué, il importe que la mesure en cause soit apte à atteindre l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cet effet.

B – Le droit national

1. Le régime allemand concernant le traitement fiscal des bénéfices distribués

a) La situation des actionnaires résidents

19. Les personnes physiques considérées comme fiscalement résidentes en Allemagne sont imposables sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux dans le cadre d’un régime dit «de l’imposition illimitée» ou «de l’assujettissement intégral».

20. Lorsqu’elles perçoivent un dividende, celles‑ci peuvent déduire de leurs revenus imposables, d’une part, le montant de l’impôt sur les sociétés que la société distributrice a déjà payé et, d’autre part, les pertes dues à un amortissement partiel sur la valeur des participations qu’elles détiennent dans cette société.

i) Le système d’imputation intégrale et le crédit d’impôt octroyé aux actionnaires résidents

21. La République fédérale d’Allemagne applique un système d’imposition dit «d’imputation intégrale» en faveur des contribuables résidents. Ce système permet d’éviter la double imposition économique qui se produit lors de la distribution de dividendes. Ces derniers sont, en effet, imposés auprès de deux contribuables différents, une première fois auprès de la société dans le cadre de l’imposition sur les bénéfices puis, une seconde fois, auprès de l’actionnaire auquel ils sont distribués dans le cadre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, selon que cet actionnaire est une société ou un particulier.

22. En vertu dudit système, toute distribution de dividendes par une société résidente à un actionnaire résident donne lieu, au profit de ce dernier, à un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant de l’impôt sur les sociétés versé par la société distributrice. Ce crédit d’impôt est imputé soit sur l’impôt sur le revenu de l’actionnaire si celui‑ci est une personne physique (7), soit sur l’impôt sur les sociétés si celui‑ci est une société (8). Le crédit d’impôt peut être ainsi déduit du montant dû par l’actionnaire au titre de ses revenus imposables.

23. Aux termes de l’article 36...

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