Ålands vindkraft AB v Energimyndigheten.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:37
Docket NumberC-573/12
Celex Number62012CC0573
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 January 2014
62012CC0573

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 28 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑573/12

Ålands Vindkraft AB

contre

Energimyndigheten

[demande de décision préjudicielle formée par le förvaltningsrätten i Linköping (Suède)]

«Libre circulation des marchandises — Mesures d’effet équivalent à une restriction quantitative — Directive 2009/28/CE — Régimes nationaux d’aide aux énergies renouvelables — Certificats verts attribués à la production d’électricité à partir de sources renouvelables — Attribution réservée aux producteurs situés en Suède ou dans un État membre avec lequel le Royaume de Suède a conclu un accord de coopération»

1.

La présente affaire est une nouvelle occasion pour la Cour de se prononcer sur la conformité avec le droit de l’Union des dispositions des régimes d’aide nationaux aux énergies produites à partir de sources renouvelables ( 2 ) qui limitent le bénéfice des aides aux seuls producteurs d’électricité situés sur le territoire national.

2.

La question, marquée par la tension entre le principe de la libre circulation des marchandises et les exigences de la protection de l’environnement, s’est déjà posée dans l’affaire Essent Belgium (C‑204/12 à C‑208/12), actuellement pendante devant la Cour et dans laquelle nous avons conclu le 8 mai 2013, en nous prononçant au regard tant du principe de la libre circulation des marchandises que des dispositions de la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité ( 3 ).

3.

Si le contexte factuel est proche, la présente affaire se situe toutefois dans un contexte juridique différent, puisque, eu égard aux explications fournies par le förvaltningsrätten i Linköping (Suède), le régime suédois contesté doit être apprécié en tenant compte des dispositions de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE ( 4 ).

4.

Cela amène à s’interroger sur le point de savoir si les dispositions de la directive 2009/28 permettent l’instauration d’un régime d’aide national à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ( 5 ) dans lequel sont octroyés aux producteurs d’électricité verte des certificats d’électricité dont les fournisseurs d’électricité et certains utilisateurs doivent ensuite obligatoirement acheter un certain quota en fonction de la quantité totale d’électricité qu’ils livrent ou consomment, lorsque ledit régime réserve l’octroi de tels certificats aux seuls producteurs d’électricité verte situés dans l’État membre concerné.

5.

S’il est répondu par l’affirmative, se posera également la question de déterminer si les restrictions territoriales à l’accès aux régimes d’aide à l’énergie verte sont conformes aux exigences du principe de la libre circulation des marchandises, ce qui reviendra à s’interroger sur la validité de la directive 2009/28 au regard des dispositions de l’article 34 TFUE.

6.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons, d’abord, que, si la directive 2009/28 autorise de telles restrictions territoriales, en revanche, l’article 34 TFUE s’y oppose.

7.

Nous en déduirons, ensuite, l’invalidité de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2009/28 dans la mesure où il confère aux États membres le pouvoir d’interdire ou de restreindre l’accès à leurs régimes d’aide aux producteurs dont les installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables sont situées dans un autre État membre.

8.

Pour des raisons de sécurité juridique, nous proposerons, enfin, de limiter dans le temps les effets de cette déclaration d’invalidité.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

9.

La directive 2009/28, qui est entrée en vigueur le 25 juin 2009 et devait être transposée au plus tard le 5 décembre 2010, abroge la directive 2001/77 à compter du 1er janvier 2012.

10.

Les considérants 1, 13 à 15, 25, 36, 52 et 56 de la directive 2009/28 énoncent:

«(1)

La maîtrise de la consommation énergétique européenne et l’augmentation de l’utilisation de l’énergie [verte] constituent, avec les économies d’énergie et une efficacité énergétique accrue, des éléments importants du paquet de mesures requises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se conformer au protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, ainsi qu’aux autres engagements pris au niveau communautaire et international en vue d’une diminution des émissions des gaz à effet de serre au-delà de 2012. Ces facteurs ont également un rôle non négligeable à jouer dans la promotion de la sécurité des approvisionnements en énergie, du développement technologique et de l’innovation, ainsi que dans la création de perspectives d’emplois et le développement régional, en particulier dans les zones rurales et les zones isolées.

[...]

(13)

[…] [I]l convient de définir des objectifs contraignants nationaux qui correspondent à une part de 20 % de l’énergie [verte] dans la consommation totale d’énergie pour la Communauté […], et ce, d’ici à 2020.

(14)

Les objectifs contraignants nationaux servent principalement à offrir une certaine sécurité aux investisseurs et à encourager le développement continu de technologies qui génèrent de l’énergie à partir de tous types de sources renouvelables. […]

(15)

Les situations de départ, les possibilités de développer l’énergie [verte] et les bouquets énergétiques diffèrent d’un État membre à l’autre. Il importe donc de traduire l’objectif d’une part de 20 % dans la consommation d’énergie dans la Communauté en objectifs spécifiques à chaque État membre, en respectant une répartition juste et appropriée qui tienne compte des disparités concernant les situations de départ et le potentiel de chaque État membre, y compris le niveau actuel de l’énergie [verte] et le bouquet énergétique existant. […]

[...]

(25)

Les États membres disposent de potentiels différents en matière d’énergies renouvelables et appliquent différents régimes d’aide pour l’énergie [verte] au niveau national. La majorité des États membres appliquent des régimes d’aide qui octroient des avantages uniquement pour l’énergie [verte] produite [...] sur leur territoire. Afin de garantir le bon fonctionnement des régimes d’aide nationaux, il est essentiel que les États membres puissent contrôler les effets et les coûts de leurs régimes d’aide en fonction de leur potentiel. […] La présente directive vise à faciliter le soutien transfrontalier à l’énergie [verte] sans affecter les régimes d’aide nationaux. Elle introduit des mécanismes de coopération facultatifs entre États membres qui leur permettent de convenir de la mesure dans laquelle un État membre soutient la production énergétique dans un autre État membre et de la mesure dans laquelle la production d’énergie [verte] devrait entrer en ligne de compte pour les objectifs globaux de l’un ou l’autre État membre. Afin de garantir l’efficacité des deux types de mesures relatives au respect des objectifs, à savoir les régimes d’aide nationaux et les mécanismes de coopération, il est essentiel que les États membres soient en mesure de déterminer si et dans quelle mesure leurs régimes d’aide nationaux s’appliquent à l’énergie [verte] produite [...] dans d’autres États membres, et d’en convenir en appliquant les mécanismes de coopération prévus dans la présente directive.

[...]

(36)

Pour créer les moyens de réduire le coût de la réalisation des objectifs fixés dans la présente directive, il convient de favoriser la consommation, dans les États membres, d’énergie [verte] produite [...] dans d’autres États membres et de permettre aux États membres de comptabiliser, dans leurs propres objectifs nationaux, l’énergie [verte] consommée dans d’autres États membres. Pour ce faire, des mesures de flexibilité sont nécessaires, mais elles restent sous le contrôle des États membres pour ne pas limiter leur capacité à atteindre leurs objectifs nationaux. Ces mesures de flexibilité prennent la forme de transferts statistiques, de projets communs entre États membres ou de régimes d’aide communs.

[...]

(52)

Les garanties d’origine, délivrées aux fins de la présente directive, serviraient uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables. […] Il est important de faire la distinction entre les certificats verts utilisés pour les régimes d’aide et les garanties d’origine.

[...]

(56)

Les garanties d’origine ne conféreraient pas, par elles-mêmes, le droit de bénéficier de régimes d’aide nationaux.»

11.

Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/28, intitulé «Objet et champ d’application»:

«La présente directive définit un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie [verte]. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie [verte] dans la consommation finale brute d’énergie […]»

12.

L’article 2, second alinéa, sous j) à l), de la directive 2009/28 comporte les définitions suivantes:

«j)

‘garantie d’origine’: un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables […];

k)

...

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