A. Racke GmbH & Co. v Hauptzollamt Mainz.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:582
Date04 December 1997
Celex Number61996CC0162
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-162/96
EUR-Lex - 61996C0162 - FR 61996C0162

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 4 décembre 1997. - A. Racke GmbH & Co. contre Hauptzollamt Mainz. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Accord de coopération CEE/Yougoslavie - Suspension des concessions commerciales - Convention de Vienne sur le droit des traités - Clause rebus sic stantibus. - Affaire C-162/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-03655


Conclusions de l'avocat général

1 La présente demande préjudicielle émane du Bundesfinanzhof. Cette juridiction s'interroge sur la validité du règlement (CEE) n_ 3300/91, du 11 novembre 1991, par lequel le Conseil a suspendu, à l'époque de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, les concessions commerciales prévues par l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (1). La partie demanderesse et appelante au principal, A. Racke GmbH & Co. (ci-après «Racke»), importait du vin en provenance de Serbie et, partant, bénéficiait des avantages tarifaires sur les importations de vins yougoslaves jusqu'à ce que le Conseil prenne le règlement litigieux. Racke soutient que l'accord de coopération avec la Yougoslavie ne permettait pas au Conseil de suspendre son application et que la décision prise en ce sens n'était pas conforme à certaines règles du droit international général. Le règlement du Conseil suspendant les concessions commerciales était donc invalide, selon Racke. Les arguments portent notamment sur des règles de droit coutumier international qui apparaissent aussi dans la convention de Vienne sur le droit des traités, dont le principe pacta sunt servanda et la règle permettant, à certaines conditions, de mettre fin à un traité en raison d'un changement fondamental de circonstances (clause rebus sic stantibus (2)). Le présent cas soulève donc le problème nouveau de savoir si un particulier peut invoquer des règles de droit international général à l'encontre de la décision de suspendre l'application d'un accord international.

Le contexte juridique

L'accord de coopération

2 L'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (ci-après l'«accord de coopération») a été signé à Belgrade le 2 avril 1980 et conclu, au nom de la Communauté, par le règlement (CEE) n_ 314/83 du Conseil, du 24 janvier 1983 (3). Il s'agissait d'un accord dit mixte, auquel les États membres étaient également parties, aux côtés de la Communauté.

3 En vertu de son article 1er, l'accord de coopération avait pour objet de promouvoir une coopération globale entre les parties contractantes en vue de contribuer au développement économique et social de la république socialiste fédérative de Yougoslavie (ci-après la «RSFY») et de favoriser le renforcement de leurs relations. A cet effet, des dispositions et des actions devaient être arrêtées et mises en oeuvre dans le domaine de la coopération économique, technique et financière, dans celui des échanges commerciaux ainsi que dans le domaine social.

4 Le titre I de l'accord de coopération concernait la coopération économique, technique et financière, le titre II les échanges commerciaux, le titre III des dispositions relatives à la zone franche instituée par les accords signés à Osimo et le titre IV la coopération dans le domaine de la main-d'oeuvre. Le titre V comportait les dispositions générales et finales.

5 En matière commerciale, l'article 22 de l'accord de coopération prévoyait un régime tarifaire préférentiel pour les importations de vins de raisin frais originaires de Yougoslavie. La disposition de base, telle que modifiée par un protocole additionnel à l'accord de coopération en date de 1987 (4), était l'article 22, paragraphe 4:

«Pour les vins de raisin frais des sous-positions 22.05 C I et C II du tarif douanier commun, originaires de Yougoslavie, les droits de douane à l'importation dans la Communauté sont supprimés selon les modalités fixées à l'article 2, paragraphes 1 et 2, du protocole additionnel établissant un nouveau régime commercial. Cette disposition est appliquée dans la limite d'un contingent tarifaire communautaire annuel de 545 000 hectolitres. Pour les quantités importées au-delà du contingent, la Communauté applique le droit du tarif douanier commun.»

6 Parmi les dispositions générales et finales de l'accord de coopération, il convient de citer l'article 60, qui disposait ce qui suit:

«L'accord a une durée illimitée.

Chaque partie contractante peut dénoncer le présent accord par notification à l'autre partie contractante. Le présent accord cesse d'être en vigueur six mois après la date de cette notification.»

En revanche, l'accord de coopération ne comportait pas de dispositions relatives à la suspension de son application.

La suspension et l'extinction de l'accord de coopération

7 En 1991, la guerre a éclaté en Yougoslavie. La Communauté et ses États membres ont tenté de jouer un rôle actif en mettant fin au conflit. En novembre, cette démarche a abouti à la décision 91/586/CECA, CEE du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 11 novembre 1991, portant suspension de l'application des accords entre la Communauté européenne, ses États membres et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (ci-après la «décision de suspension») (5).

8 Le préambule de la décision de suspension renvoie aux déclarations de la Communauté européenne et de ses États membres, réunis dans le cadre de la coopération politique européenne, et constatant la crise en Yougoslavie. Le préambule renvoie aussi à la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité des Nations unies, qui exprimait le souci que la prolongation de la crise constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales. Le préambule dit aussi que l'appel lancé par la Communauté européenne et ses États membres le 6 octobre 1991 pour le respect de l'accord de cessez-le-feu intervenu à La Haye le 4 octobre 1991 n'avait pas été entendu. Cette déclaration du 6 octobre 1991 annonçait la décision de mettre fin aux accords entre la Communauté et la Yougoslavie si l'accord passé le 4 octobre 1991 entre les parties au conflit n'était pas respecté.

9 Le préambule dispose en outre que (6):

«la poursuite des hostilités et leurs conséquences sur les relations économiques et commerciales, tant entre les républiques de Yougoslavie qu'avec la Communauté, constituent une modification radicale des conditions dans lesquelles l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie et ses protocoles, ainsi que l'accord concernant la Communauté européenne du charbon et de l'acier ont été conclus; qu'elles mettent en cause l'application de ceux-ci».

10 Le paragraphe 1 de la décision de suspension dispose ce qui suit:

«L'application des accords susvisés est suspendue avec effet immédiat.»

La décision a été publiée au Journal officiel le 15 novembre 1991 et doit donc être considérée comme prenant effet à cette date.

11 Le Conseil a aussi arrêté le 11 novembre 1991 le règlement (CEE) n_ 3300/91. (ci-après le «règlement de suspension») (7).

12 Le préambule du règlement de suspension est presque identique au préambule de la décision de suspension. Le préambule du règlement ajoute toutefois que les concessions commerciales octroyées par ou en vertu de l'accord de coopération sont suspendues avec effet immédiat, et que les dispositions sont prises pour éviter que le règlement n'affecte les exportations vers la Communauté de produits originaires de Yougoslavie effectuées avant la date de son entrée en vigueur.

13 L'article 1er du règlement de suspension dispose ce qui suit:

«Les concessions commerciales octroyées par l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie ou en vertu de cet accord sont suspendues.»

14 L'article 2 dispose ce qui suit:

«L'article 1er ne s'applique pas aux produits originaires de Yougoslavie qui sont exportés avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement.»

15 Le règlement de suspension est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel, c'est-à-dire le 15 novembre 1991.

16 Le 25 novembre 1991, le Conseil a pris la décision 91/602/CEE portant dénonciation de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (8). Le préambule renvoie aux dispositions de l'article 60 de l'accord de coopération et déclare que la situation prévalant en Yougoslavie ne permet plus le maintien de cet accord. L'article 1er dispose que l'accord de coopération et tous les protocoles et actes y afférents sont dénoncés. L'article 2 dispose que la décision est publiée au Journal officiel et notifiée par le président du Conseil à la république socialiste fédérative de Yougoslavie, et qu'elle prend effet le jour de sa publication. La décision a été publiée le 27 novembre 1991.

17 Le 2 décembre 1991, le Conseil a pris le règlement (CEE) n_ 3567/91, relatif au régime applicable aux importations de produits originaires des républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Macédoine et de Slovénie (9). Le préambule déclare que la Communauté européenne et ses États membres ont décidé d'appliquer des mesures positives sélectives en faveur des parties qui contribuent au progrès vers la paix, et qu'il convient dès lors d'octroyer à ces parties, par une décision autonome de la Communauté, le bénéfice de dispositions commerciales équivalant à l'essentiel de celles de l'accord de coopération suspendu par la Communauté. Le règlement a donc octroyé aux républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Macédoine et de Slovénie des concessions commerciales équivalant à celles de l'accord de coopération, avec effet au 15 novembre...

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