Commission of the European Communities v Council of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1991:115
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-300/89
Date13 March 1991
Celex Number61989CC0300
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 61989C0300 - FR 61989C0300

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 mars 1991. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. - Directive sur les déchets de dioxyde de titane - Base juridique. - Affaire C-300/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-02867
édition spéciale suédoise page I-00199
édition spéciale finnoise page I-00211


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . En demandant l' annulation de la directive 89/428/CEE pour défaut de base juridique, la Commission soulève une question qui est en substance nouvelle et d' un intérêt certain : la délimitation du champ d' application respectif des articles 100 A et 130 S du traité ( 1 ).

2 . Relevons d' emblée que le choix entre ces deux dispositions n' a pas une portée purement formelle . Déjà du point de vue du fond, en effet, les articles 100 A et 130 S se rapportent à des compétences différentes des institutions, étant donné que la nouvelle réglementation en matière d' environnement visée aux articles 130 R et suivants prévoit une compétence purement subsidiaire de la Communauté et s' inspire d' une philosophie de protection minimale, alors que l' action menée en application de l' article 100 A se fonde sur une compétence pas du tout subsidiaire et doit viser à atteindre des niveaux de protection élevés .

Mais les différences fondamentales entre les deux dispositions se situent au niveau de la procédure . En effet, d' une part, l' article 100 A prévoit que le Conseil statue selon les modalités de la procédure de coopération, ce qui implique, au moins dans certaines circonstances, non seulement, sur un plan plus général, une participation plus effective de l' Assemblée au processus décisionnel, mais également le vote à la majorité qualifiée; d' autre part, l' article 130 S ne prévoit que la simple consultation du Parlement et, sauf disposition contraire du Conseil ( voir article 130 S, deuxième alinéa ), la prise de décision à l' unanimité .

Dans ces conditions, il est même évident que le choix de la base juridique a une incidence considérable sur le processus de formation de l' acte et qu' il peut donc se répercuter sur le contenu de ce dernier . Il s' ensuit que, selon une jurisprudence constante ( inaugurée par le célèbre arrêt "préférences généralisées" ( 2 ) et confirmée, en dernier lieu, par l' arrêt du 29 mars 1990, Grèce/Conseil, C-62/88, Rec . p . I-1527 ), dans le cas dont il s' agit en l' espèce, la détermination d' une base juridique erronée ne se limite pas à un vice de pure forme, mais représente une violation de formes substantielles de nature à affecter la validité de l' acte .

Cela étant, il convient, en outre, d' observer que la question a une portée pratique importante . L' enjeu de l' affaire ne se limite pas, à l' évidence, à la seule directive attaquée; d' une manière plus générale, il s' agit d' établir selon quelle procédure, et en particulier selon quelle règle de vote, il y a lieu d' arrêter les actes assimilables ( par leurs contenu et effets ) à la directive en question, actes qui, ainsi que nous aurons l' occasion de le préciser ci-après, représentent une catégorie, qui est loin d' être accessoire, de mesures d' harmonisation des réglementations nationales en matière de protection de l' environnement .

Les thèses des parties

3 . Les parties interprètent différemment tant les règles que l' acte en question .

Le Conseil part de l' idée que, du fait de l' introduction des articles 130 R et suivants, la Communauté est devenue compétente pour mener une action spécifique en matière d' environnement . Il s' ensuit que l' article 130 S devrait être considéré comme la base juridique appropriée pour les actes qui poursuivent l' une des finalités visées à l' article 130 R, c' est-à-dire la préservation, la protection et l' amélioration de la qualité de l' environnement, la protection de la santé des personnes et l' utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles .

En revanche, de l' avis du Conseil, l' article 100 A constitue le fondement juridique non pas pour l' adoption de mesures spécifiques en matière d' environnement, mais pour les actes concourant à l' établissement et au fonctionnement du marché intérieur, tel qu' il est défini à l' article 8 A du traité . Une nette démarcation existerait donc entre ces deux dispositions, parce qu' elles sont précisément destinées à poursuivre des objectifs distincts . Aucune confusion ou superposition entre ces normes ne serait donc concevable .

Cela étant, le Conseil reconnaît qu' un acte déterminé peut poursuivre, en même temps, plusieurs finalités visées par des dispositions différentes du traité . En conséquence, pour définir la base juridique spécifiquement pertinente, il est indispensable de déterminer quel est l' "objectif principal" ou le "centre de gravité" de l' acte . En particulier, le Conseil admet que des réglementations en matière de protection de l' environnement, telles que la directive attaquée, qui régissent les conditions de production dans un secteur industriel déterminé, puisqu' elles harmonisent les conditions de concurrence entre les entreprises concernées, tendent également, dans une certaine mesure, à promouvoir l' établissement et le fonctionnement du marché intérieur : ce dernier objectif revêtirait, toutefois, un caractère tout à fait secondaire par rapport au but principal de protection de l' environnement contre la pollution résultant des productions industrielles en question .

Quant à la directive attaquée, une analyse tant de son contenu que de ses effets, ainsi que du contexte normatif dans lequel elle s' insère, confirmerait que le "centre de gravité" de l' acte consiste en l' exigence de supprimer la pollution provoquée par les déchets provenant du processus de fabrication du dioxyde de titane . L' article 130 S constituerait donc la seule base juridique correcte .

La Commission - soutenue par le Parlement - s' accorde avec le Conseil pour considérer que les articles 130 R et suivants ont attribué à la Communauté de larges compétences en matière d' environnement . Elle observe, toutefois, que l' article 130 S ne constitue pas la base juridique appropriée pour l' adoption de mesures relatives, par leur objet, au marché intérieur : ces mesures ne devraient, au contraire, être arrêtées qu' en application de l' article 100 A, seule norme spécifiquement pertinente . Cette dernière constituerait donc un genre de lex specialis par rapport à l' article 130 S, de même que par rapport à toutes les autres dispositions du traité qui ne sont pas en elles-mêmes destinées à l' établissement et au fonctionnement du marché intérieur .

Il en résulte que, en principe, les mesures de protection de l' environnement devraient être adoptées selon la procédure prévue à l' article 100 A, lorsque trois conditions sont remplies : qu' il s' agisse de mesures d' harmonisation; que les dispositions harmonisées, bien qu' elles soient arrêtées en matière de protection de l' environnement, contribuent en raison de leur "objet" à l' établissement et au fonctionnement du marché intérieur ( l' objet étant à déterminer compte tenu du contenu et des effets de la mesure ); enfin, que n' entrent pas en ligne de compte des bases juridiques encore plus spécifiques dans le domaine du marché intérieur ( telles que les articles 56, paragraphe 2, 57, paragraphe 2, ou 69, dispositions qui prévaudraient non seulement en raison du principe de spécialité, mais également en vertu de la réserve, énoncée à l' article 100 A, "sauf si le présent traité en dispose autrement", mais qui, par ailleurs, du point de vue procédural ne se différencient pas de l' article 100 A, du moins en ce qui concerne le vote à la majorité ). Le texte même des articles 100 A et 130 S conforterait cette analyse dans la mesure où il établit que les exigences de protection de l' environnement font partie intégrante de l' action d' harmonisation réalisée sur la base de l' article 100 A .

La Commission souligne, en outre, que la thèse défendue par le Conseil restreint de manière injustifiée la portée de l' article 100 A par rapport à l' article 130 S : le Conseil considérerait, en effet, que l' article 130 S peut constituer le fondement de mesures destinées à égaliser les conditions de concurrence entre les entreprises, en excluant cependant que l' article 100 A puisse être utilisé pour fonder des mesures d' harmonisation visant à la protection de l' environnement .

La Commission, enfin, procède aussi à l' analyse de la directive litigieuse, en parvenant cependant à une conclusion opposée à celle du Conseil . En effet, de l' avis de la Commission, l' acte aurait principalement pour "objet" ( ou "centre de gravité ") l' amélioration des conditions de concurrence dans l' industrie du dioxyde de titane . En conséquence, il aurait dû être arrêté sur la base du seul article 100 A ( 3 ).

La qualification de la réglementation litigieuse

4 . Les parties se trouvent donc en net désaccord tant sur l' interprétation des dispositions que sur la qualification de l' acte litigieux . Examinons d' abord ce dernier aspect . A cet égard, il faut préciser tout de suite que la lecture divergente ( au niveau des résultats ) que les parties ont donnée à la directive en cause n' est due qu' en apparence à une différence d' approche dans l' analyse . Il est, certes, exact que la Commission a privilégié la détermination de l' "objet" principal de l' acte alors que le Conseil a considéré que l' élément déterminant pour la qualification de l' acte devait être identifié dans l' "objectif" prépondérant de cet acte . Toutefois, cette divergence ne revêt, éventuellement, qu' une importance purement terminologique . En effet, d' une part, la Commission ne manque pas de tenir compte également des finalités de la réglementation en cause, et, d' autre part...

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