Criminal proceedings against Vítor Manuel dos Santos Palhota and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:245
Date05 May 2010
Celex Number62008CC0515
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-515/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 5 mai 2010 (1)

Affaire C‑515/08

Vítor Manuel dos Santos Palhota e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (Belgique)]

«Libre prestation de services – Articles 56 TFUE et 57 TFUE – Détachement de travailleurs – Directive 96/71/CE – Article 5 – Obligations exigées par l’État membre de destination à l’employeur établi dans un autre État membre – Déclaration préalable – Conservation et mise à disposition de documents sociaux équivalents à ceux de l’État membre d’établissement – Restrictions à la libre prestation de services fondées sur des raisons impérieuses d’intérêt général – Principe de proportionnalité»





I – Introduction

1. Le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance de l’arrondissement judiciaire d’Anvers, Belgique, ci‑après le «rechtbank») demande à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si le droit belge peut être interprété comme étant conforme à l’article 5 de la directive 96/71/CE (2), sur le détachement de travailleurs, ainsi qu’aux articles 56 TFUE et 57 TFUE.

2. La présente affaire est, en substance, une conséquence de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Arblade e.a. (3), qui a fixé les critères nécessaires pour déterminer, à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, la conformité avec le traité d’une réglementation nationale visant à contrôler la régularité du transit intracommunautaire de travailleurs. En particulier, divers doutes surgissent quant à la licéité de l’obligation incombant à l’employeur de remettre préalablement à l’administration du travail belge une déclaration de détachement ainsi que de tenir à sa disposition des documents comparables au compte individuel ou au décompte salarial belges.

3. Dix ans plus tard, la Cour doit apprécier un problème analogue à celui soulevé dans l’arrêt Arblade e.a., mais dans le contexte d’un nouveau cadre juridique national et après un important développement de la jurisprudence de l’Union en matière sociale. Par conséquent, la présente affaire offre l’occasion d’établir si la constatation selon laquelle l’Union poursuit également un objectif social, comme la Cour l’a déclaré dans les affaires Viking Line et Laval un Partneri (4), et après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, a un quelconque impact sur la jurisprudence établie dans l’arrêt Arblade e.a.

II – La réglementation applicable

A – Le droit de l’Union

1. La libre prestation de services

4. L’article 56 TFUE stipule:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union.»

2. La directive 96/71

5. En vue d’harmoniser les détachements de travailleurs ayant lieu dans le cadre d’une prestation de services transfrontalière, la directive 96/71 a introduit une série de mesures concernant les droits des travailleurs et les obligations des employeurs. En ce qui concerne les conditions de travail et d’emploi, l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose comme suit:

«Conditions de travail et d’emploi

1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

– par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

– par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

a) les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos;

b) la durée minimale des congés annuels payés;

c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels;

d) les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire;

e) la sécurité, la santé et l’hygiène au travail;

f) les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes;

g) l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.»

6. L’article 5 autorise les États membres à prendre des mesures appropriées pour garantir le respect de la directive 96/71, dans les termes suivants:

«Mesures

Les États membres prennent des mesures adéquates en cas de non‑respect de la présente directive.

Ils veillent en particulier à ce que les travailleurs et/ou leurs représentants disposent de procédures adéquates aux fins de l’exécution des obligations prévues par la présente directive.»

B – Le droit national

7. Le Royaume de Belgique a transposé la directive 96/71 par la loi du 5 mars 2002 (5), incluant également les indications déjà données par la Cour dans l’arrêt Arblade e.a. Entre autres mesures, et pour ce qui concerne la présente affaire, la loi de transposition a instauré un régime simplifié pour la tenue de certains documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique (ci‑après le «régime simplifié»). Ce régime a été mis en œuvre par l’arrêté royal du 29 mars 2002 (6), qui a défini les activités dans le domaine de la construction expressément visées à l’article 6, paragraphe 2, de la loi de transposition précitée.

8. Comme il ressort des allégations de la Commission européenne, du gouvernement belge et des accusés dans l’affaire au principal, le régime simplifié de tenue de documents sociaux prévu par la loi et par l’arrêté royal du 29 mars 2002 n’est plus appliqué depuis le 1er avril 2007, car il a été remplacé «par un nouveau système plus commode et plus accessible», basé sur un format électronique de déclaration de détachement appelée «déclaration Limosa» (7). Aux fins de la présente question préjudicielle, la réglementation de 2002 constitue toutefois, ratione temporis, le cadre juridique national de référence.

9. L’article 8 de la loi de transposition, dans la version en vigueur à la date des faits de l’espèce, dispensait l’employeur satisfaisant aux conditions de l’article 6 ter, paragraphe 2, de l’arrêté royal n° 5, du 23 octobre 1978, de la tenue de certains documents sociaux, bien qu’uniquement durant la période de six mois déterminée par le Roi en vertu dudit paragraphe. Ainsi, l’employeur n’était pas tenu d’établir le règlement de travail (8), le décompte salarial (9), les documents relatifs aux contrats de travail (10), ainsi que l’écrit et la déclaration immédiate de l’emploi, pour autant qu’il ne soit pas soumis aux régimes belges de sécurité sociale (11).

10. Conformément à l’article 6 ter, paragraphe 2, de l’arrêté royal n° 5 précité, les employeurs sont dispensés d’établir et de tenir les documents sociaux prévus par ou en vertu du chapitre II dudit arrêté royal, pour autant qu’ils remplissent deux conditions: en premier lieu, que, préalablement à l’occupation de travailleurs, ils envoient aux fonctionnaires compétents une déclaration de détachement, établie conformément à l’article 6 quater. En second lieu, qu’ils tiennent à la disposition de ces mêmes fonctionnaires, durant la période d’occupation visée au paragraphe 1, une copie des documents prévus par la législation du pays où l’employeur est établi qui sont équivalents au «compte individuel» visé à l’article 4, paragraphe 1, de l’arrêté royal ou au «décompte» visé à l’article 15 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

11. Si l’employeur n’est pas en possession des «documents équivalents», l’article 6 quater, paragraphe 4, de l’arrêté royal n° 5, précité, prévoit qu’il est tenu d’établir et de tenir le compte individuel et le décompte salarial prévus par la réglementation belge.

12. Le chapitre III de l’arrêté royal du 29 mars 2002, sous le titre «Modalités de la dispense de tenue et d’établissement de documents sociaux», est composé d’un article 3, qui exige que, préalablement au début de la période d’occupation des travailleurs détachés, les employeurs envoient par lettre, par courrier électronique ou par fax à l’inspection des lois sociales une «déclaration préalable de détachement» conforme à l’article 4 dudit arrêté. La réception et la conformité de cette déclaration sont attestées dans les cinq jours ouvrables à dater de sa réception par l’inspection qui, à cette fin, délivre, par les mêmes moyens décrits, un «numéro d’enregistrement» de la déclaration à l’employeur (paragraphe 2). L’occupation effective de ces travailleurs ne peut avoir lieu qu’après la date du jour où l’inspection a notifié à l’employeur le numéro d’enregistrement. À défaut, ce dernier ne peut bénéficier de cette dispense (paragraphe 3).

13. Le chapitre IV de ce même arrêté royal, relatif à la «déclaration de détachement», contient un article 4, qui détaille les mentions que cette déclaration préalable doit contenir:

«1. en ce qui concerne l’employeur qui détache des travailleurs en Belgique: le nom, prénom et le domicile ou la raison...

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