European Parliament v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:41
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-658/11
Date30 January 2014
Celex Number62011CC0658
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
62011CC0658

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 30 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑658/11

Parlement européen

contre

Conseil de l’Union européenne

«Accord entre l’Union européenne et la République de Maurice relatif aux conditions de transfert, de la force navale placée sous la direction de l’Union européenne à la République de Maurice, des personnes suspectées d’actes de piraterie — Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération au développement — Choix de la base juridique — Article 218, paragraphes 6 et 10, TFUE»

1.

Le présent recours invite la Cour, dans le contexte de la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, à préciser la frontière entre trois domaines de l’action extérieure de l’Union européenne, à savoir la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la dimension externe de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ci-après l’«ELSJ») et la coopération au développement.

2.

Cette affaire démontre une nouvelle fois, notamment après l’arrêt du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil ( 2 ), en matière de lutte contre le terrorisme international, que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne n’a pas supprimé, malgré la disparition formelle des piliers, la nécessité de délimiter les champs d’application respectifs des différentes politiques de l’Union.

3.

Cette tâche se révèle délicate dès lors que l’objectif de sécurité est en jeu. En effet, cet objectif est commun à la PESC et à l’ELSJ. Ledit objectif est également lié à la politique de coopération au développement dans la mesure où la sécurité constitue un préalable nécessaire au développement des États concernés.

4.

L’exercice de délimitation entre les politiques de l’Union est cependant indispensable en raison de la spécificité qui caractérise la PESC par rapport aux autres politiques de l’Union.

5.

Cette spécificité est notamment caractérisée par le rôle limité du Parlement européen dans le cadre de la PESC. De ce point de vue, la fixation de critères clairs afin de définir le champ d’application de cette politique par rapport aux autres domaines de l’action extérieure de l’Union présente un enjeu constitutionnel certain.

6.

Par son recours, le Parlement demande à la Cour d’annuler la décision 2011/640/PESC du Conseil, du 12 juillet 2011, concernant la signature et la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et la République de Maurice relatif aux conditions de transfert, de la force navale placée sous la direction de l’Union européenne à la République de Maurice, des personnes suspectées d’actes de piraterie et des biens associés saisis, et aux conditions des personnes suspectées d’actes de piraterie après leur transfert ( 3 ).

7.

La décision litigieuse est fondée sur l’article 37 TUE ainsi que sur l’article 218, paragraphes 5 et 6, TFUE.

8.

Aux termes de l’article 37 TUE, qui fait partie du chapitre 2 du titre V du traité UE, portant «Dispositions spécifiques concernant la [PESC]», «[l]’Union peut conclure des accords avec un ou plusieurs États ou organisations internationales dans les domaines relevant du présent chapitre».

9.

L’article 218 TFUE contient les règles relatives à la négociation, à la signature et à la conclusion des accords internationaux. Il est libellé comme suit:

«1. Sans préjudice des dispositions particulières de l’article 207, les accords entre l’Union et des pays tiers ou organisations internationales sont négociés et conclus selon la procédure ci-après.

2. Le Conseil autorise l’ouverture des négociations, arrête les directives de négociation, autorise la signature et conclut les accords.

3. La Commission, ou le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité lorsque l’accord envisagé porte exclusivement ou principalement sur la [PESC], présente des recommandations au Conseil, qui adopte une décision autorisant l’ouverture des négociations et désignant, en fonction de la matière de l’accord envisagé, le négociateur ou le chef de l’équipe de négociation de l’Union.

[…]

5. Le Conseil, sur proposition du négociateur, adopte une décision autorisant la signature de l’accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l’entrée en vigueur.

6. Le Conseil, sur proposition du négociateur, adopte une décision portant conclusion de l’accord.

Sauf lorsque l’accord porte exclusivement sur la [PESC], le Conseil adopte la décision de conclusion de l’accord:

a)

après approbation du Parlement [...] dans les cas suivants:

[…]

v)

accords couvrant des domaines auxquels s’applique la procédure législative ordinaire ou la procédure législative spéciale lorsque l’approbation du Parlement [...] est requise.

[…]

b)

après consultation du Parlement [...], dans les autres cas. […]

[…]

10. Le Parlement [...] est immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure.

[…]»

10.

À l’appui de son recours, le Parlement formule deux moyens.

11.

Par son premier moyen, le Parlement fait valoir que l’accord entre l’Union européenne et la République de Maurice relatif aux conditions de transfert, de la force navale placée sous la direction de l’Union européenne à la République de Maurice, des personnes suspectées d’actes de piraterie et des biens associés saisis, et aux conditions des personnes suspectées d’actes de piraterie après leur transfert ( 4 ) ne porte pas exclusivement sur la PESC, au sens de l’article 218, paragraphe 6, second alinéa, TFUE, étant donné que la finalité et le contenu de l’accord sont également liés à la coopération judiciaire en matière pénale, à la coopération policière et à la coopération au développement et que c’est la procédure législative ordinaire qui s’applique à ces domaines. Par conséquent, la décision de conclure l’accord aurait dû être prise après approbation du Parlement conformément à l’article 218, paragraphe 6, second alinéa, sous a), v), TFUE.

12.

Par son second moyen, le Parlement soutient que le Conseil a violé l’article 218, paragraphe 10, TFUE en ne l’informant pas immédiatement et pleinement à toutes les étapes de la procédure.

13.

Par ordonnance du président de la Cour du 5 juin 2012, la République tchèque, la République française, la République italienne, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

14.

La Commission a, quant à elle, été admise à intervenir lors de la procédure orale au soutien du Parlement.

I – Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 218, paragraphe 6, second alinéa, TFUE

A – Sur l’interprétation de la notion d’accord portant exclusivement sur la PESC

15.

Le Parlement défend une interprétation restrictive de la notion d’accord portant exclusivement sur la PESC. Selon lui, le Conseil ne serait habilité à conclure un accord international sans l’approbation ou la consultation du Parlement que dans des circonstances exceptionnelles et que si cet accord, dès lors qu’il ne contient aucun élément se rapportant à d’autres politiques de l’Union, porte exclusivement sur la PESC.

16.

S’agissant de l’accord en cause dans le cadre du présent recours, le Parlement soutient qu’il contient des composantes relatives à trois politiques de l’Union différentes, à savoir la PESC, la coopération policière et judiciaire en matière pénale ainsi que la coopération au développement. Il suffit, à son avis, que l’une de ces composantes soit présente dans l’accord, même à titre secondaire ou accessoire, pour que l’obligation d’obtenir l’approbation du Parlement s’applique. En effet, dans une telle situation, l’accord ne pourrait pas, selon le Parlement, être considéré comme portant exclusivement sur la PESC.

17.

La thèse défendue par le Conseil consiste, au contraire, à soutenir que l’accord ne contient pas d’autres composantes que celle relative à la PESC, que ce soit à titre principal ou accessoire. Quand bien même il serait possible d’identifier de telles composantes, elles ne seraient qu’accessoires, de sorte qu’elles ne nécessiteraient pas l’ajout d’une autre base juridique. La base juridique retenue étant, d’un point de vue matériel, exclusivement relative à la PESC, il conviendrait d’en déduire que, d’un point de vue procédural, l’accord «porte exclusivement sur la [PESC]», au sens de l’article 218, paragraphe 6, second alinéa, TFUE, le Parlement n’ayant donc pas à donner son approbation afin que le Conseil puisse adopter la décision de conclusion de cet accord.

18.

À l’instar du Conseil et des États membres qui sont intervenus dans le cadre de la présente affaire, nous considérons qu’un accord «porte exclusivement sur la [PESC]», au sens de l’article 218, paragraphe 6, second alinéa, TFUE, dès lors que la décision relative à la conclusion de cet accord est fondée uniquement sur une base juridique matérielle relative à la PESC, c’est-à-dire à l’exclusion de toute autre base juridique matérielle.

19.

Il serait, à notre avis, incohérent d’examiner la question de la procédure applicable pour la conclusion d’un accord international de façon déconnectée de la question préalable que constitue la détermination de la base juridique matérielle qui confère à l’Union la compétence d’adopter un tel accord, étant donné que ces deux questions sont étroitement liées. Une telle séparation conduirait à un double examen, impliquant la définition de nouveaux critères afin de déterminer si un accord porte exclusivement ou non sur la...

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