Portuguese Republic v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:618
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 October 2005
Docket NumberC-88/03
Celex Number62003CC0088
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 20 octobre 2005 (1)

Affaire C‑88/03

République portugaise

contre

Commission des Communautés européennes

«Réduction des taux d’impôt sur le revenu des personnes physiques et morales ayant leur résidence fiscale aux Açores»





I – Introduction

1. Par le présent recours formé au titre de l’article 230 CE, la République portugaise demande l’annulation de la décision 2003/442/CE de la Commission, du 11 décembre 2002 (2), dans la mesure où cette décision considère comme des aides d’Etat les réductions des taux d’impôt sur le revenu des personnes physiques et morales ayant leur domicile fiscal dans la Région autonome des Açores. À titre subsidiaire, la République portugaise demande l’annulation de la partie de la décision où celle-ci déclare incompatible avec le marché commun les réductions des taux d’impôt applicables aux entreprises qui opèrent dans le secteur financier.

2. Cette affaire soulève une question intéressante sur la portée de l’article 87, paragraphe 1, CE, à savoir; dans quel cas une mesure visant à fixer dans une certaine zone géographique d’un État membre un taux d’impôt différent de celui en vigueur au niveau national est-elle une aide d’État? La question prend une certaine importance dans le contexte actuel de décentralisation des pouvoirs au profit des régions des États membres, y compris en matière fiscale, et soulève de nouveau la question de la limite entre les règles sur les aides d’État et les compétences – en principe exclusives – des États membres en matière de fiscalité directe.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

3. L’article 87, paragraphe 1, CE dispose:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

4. L’article 87, paragraphe 3, CE prévoit cinq cas dans lesquels une aide d’État peut, par dérogation à l’interdiction prévue à l’article 87, paragraphe 1, CE, être compatible avec le marché commun. Dans la présente affaire les cas pertinents sont les suivants:

– les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi [article 87, paragraphe 3, sous a)];

– les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun [article 87, paragraphe 3, sous c)].

5. La Commission des Communautés européennes a publié deux séries de lignes directrices pertinentes dans la présente affaire: une communication sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (ci-après la «communication sur la fiscalité directe»), diffusée en 1998 dans le cadre d’une action coordonnée au niveau communautaire pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable (3) et les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (ci-après les «lignes directrices sur les aides régionales») qui définissent le cadre juridique pour évaluer la compatibilité des aides accordées aux régions avec le marché commun (4).

B – Règles communautaires concernant les régions ultrapériphériques

6. Aux termes de l’article 299, paragraphe 2, CE:

«Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d’outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.

Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d’outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes.

Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État, et les conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.

Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes.»

C – Le droit portugais

7. L’article 6, paragraphe 2, de la Constitution portugaise du 2 avril 1976, en sa version modifiée (ci-après la «Constitution»), dispose que les archipels des Açores et de Madère constituent des Régions autonomes dotées de statuts politico-administratifs et d’organes de gouvernement propres. Le titre VII de la troisième partie de la Constitution consacre un ensemble de dispositions qui règlent les pouvoirs de ces régions autonomes ainsi que leurs organes politique et administratif respectifs (5). Parmi ces pouvoirs, certains sont à caractère législatif (6), réglementaire (7), politique (8), administratif et financier (9).

8. L’article 227, paragraphe 1, sous j) de la Constitution précise que les régions autonomes disposent de leurs propres recettes fiscales ainsi que d’une participation sur les recettes fiscales de l’État, établie conformément à un principe assurant la solidarité nationale. Aux termes de l’article 227, paragraphe 1, sous i), il appartient aux régions autonomes d’exercer un pouvoir fiscal propre, dans les conditions prévues par la loi, ainsi que d’adapter la fiscalité nationale aux spécificités régionales, dans les conditions prévues par une loi-cadre adoptée par l’Assemblée de la république.

9. En plus de ces dispositions, la République portugaise a établi, par le biais de la loi nº 13/98, du 24 février 1998, le régime et les principes généraux d’autonomie financière régionale, des recettes fiscales régionales, de la dette publique régionale et d’adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales. L’article 4, paragraphe 1, de cette loi prévoit un principe de solidarité nationale qui s’étend à l’ensemble du territoire national et qui vise à assurer un niveau approprié de services publics et d’activités privées sur une base égalitaire. L’article 5 de la même loi précise les principes de coopération entre l’État et les régions autonomes. En vertu de l’article 10, les régions autonomes ont droit à certains éléments des recettes fiscales nationales. L’article 33 de la loi nº 13/98 dispose que les organes régionaux ont des compétences fiscales, exercées par l’Assemblée législative régionale, dont le pouvoir de créer et de réglementer les impôts en vigueur uniquement dans les régions autonomes conformément à la loi nº 13/98 et le pouvoir d’adapter les impôts d’État aux spécificités régionales dans les limites fixées par la loi et conformément au reste de la loi nº 13/98. L’article 37, paragraphe 4, de celle-ci précise que les assemblées législatives régionales peuvent également, dans les conditions prévues par une loi, diminuer les taux nationaux des impôts sur le revenu et sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, à concurrence de 30 %, et des taxes spéciales sur la consommation, conformément à la législation en vigueur.

10. Par décret législatif régional n° 2/99/A, du 20 janvier 1999 (ci-après le «DLR n° 2/99/A»), l’Assemblée législative régionale des Açores a approuvé pour le territoire des Açores, en vertu de la loi n° 13/98, la réglementation de l’exercice des compétences fiscales au niveau de la région et de l’exercice du pouvoir d’adaptation des impôts d’État. Les articles 4 et 5 de ce décret, prévoient des réductions du taux d’impôt sur les revenus et sur les sociétés applicables à tous les agents économiques, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales, dès lors qu’ils sont assujettis. Ces réductions ont été fixées à 15 % pour 1999 et 20 % à partir du 1er janvier 2000 pour l’impôt sur les revenus et à 30 % pour l’impôt sur les sociétés.

III – Sur les faits

11. Par lettre du 5 janvier 2000, les autorités portugaises ont notifié à la Commission un régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la région autonome des Açores. Le régime en question étant, semble-t-il, entré en vigueur avant son autorisation par la Commission et sa notification étant intervenue tardivement, en réponse à une demande de renseignements formulée par la Commission, le régime a été inscrit au registre des aides non notifiées.

12. Après plusieurs demandes de renseignements complémentaires, la Commission a informé le gouvernement portugais, en avril 2002, qu’elle avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de la partie du régime qui concerne les volets relatifs aux abattements à la base d’imposition et aux crédits d’impôt sur les revenus, et d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité à l’égard de la partie du régime qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d’impôt sur les revenus et sur les sociétés. La Commission a reçu des observations au sujet de sa décision de la part du gouvernement portugais ainsi que...

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