Ministero dell’Economia e delle Finanze and Agenzia delle Entrate v Paint Graphos Soc. coop. arl (C-78/08), Adige Carni Soc. coop. arl, in liquidation v Agenzia delle Entrate and Ministero dell’Economia e delle Finanze (C-79/08) and Ministero delle Finanze v Michele Franchetto (C-80/08).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:411
Docket NumberC-80/08,C-78/08
Celex Number62008CC0078
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 July 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 8 juillet 2010 (1)

Affaires jointes C‑78/08 à C‑80/08

Amministrazione delle Finanze,

Agenzia delle Entrate

contre

Paint Graphos scarl (C‑78/08),

Adige Carni scrl, en liquidation,

contre

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Agenzia delle Entrate (C‑79/08)

et

Ministero delle Finanze

contre

Michele Franchetto (C‑80/08)

[demandes de décision préjudicielle introduites par la Corte suprema di cassazione (Italie)]

«Aides d’État – Avantages fiscaux octroyés aux sociétés coopératives de production et de travailleurs – Notions d’avantage et de sélectivité»





1. Dans le cadre des présentes affaires, la juridiction nationale soumet à la Cour une série de questions portant principalement sur la question de savoir si le régime fiscal national relatif à l’exonération des sociétés coopératives de production et de travail est susceptible d’être qualifié d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (2).

2. Les questions préjudicielles ont été posées dans le cadre de trois litiges ayant pour objet, d’une part, le refus, de la part de l’administration fiscale italienne, d’accorder aux sociétés coopératives Paint Graphos scarl (ci-après «Paint Graphos») et Adige Carni scrl (en liquidation) (ci-après «Adige Carni») les exonérations fiscales dont bénéficiaient, à l’époque, les sociétés coopératives en application du droit italien et, d’autre part, la problématique de l’imposition personnelle de M. Franchetto, qui a contesté les décisions de l’administration fiscale nationale visant à rectifier ses déclarations de revenus pour les années 1984-1988.

3. D’emblée, il convient de souligner que les renvois préjudiciels en cause soulèvent des doutes sérieux quant à leur recevabilité. En effet, l’une des difficultés majeures du présent dossier réside dans le contraste entre le nombre limité des données qui ont été fournies à la Cour et l’ampleur de la problématique dont elle est saisie, dès lors qu’elle est amenée à examiner, notamment, le régime de la taxation des sociétés coopératives de production et de travail.

4. Si, toutefois, la Cour envisageait de répondre aux questions, qu’il conviendrait nécessairement de reformuler, la présente procédure constituerait une opportunité intéressante d’analyser la portée des notions d’avantage et de sélectivité de mesures nationales portant sur la fiscalité des sociétés coopératives. En particulier, se poseraient les questions de l’application du critère de la justification fondée sur la logique inhérente au régime national et de l’analyse des options retenues par le législateur italien dans le cadre du système national de fiscalité directe.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

5. L’article 87, paragraphe 1, CE dispose:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

6. L’article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a) ‘aide’: toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article 92, paragraphe 1, du traité;

b) ‘aide existante’:

i) […] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est‑à‑dire les régimes d’aides et aides individuelles mis en exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur;

[…]»

B – Le droit national

7. Il ressort des informations fragmentaires du dossier que les sociétés coopératives italiennes ont été, à l’époque des faits au principal, soumises, d’une part, à l’impôt sur le revenu des personnes morales (imposta sul reddito delle persone giuridiche, ci-après l’«IRPEG») et, d’autre part, à l’impôt local sur le revenu (imposta locale sui redditi, ci-après l’«ILOR»). Entre 1977 et 2004, la taxation générale des sociétés de capitaux (3) en Italie a été basée sur le principe de l’imposition unique, ce qui s’est traduit par l’introduction d’un système de crédit d’impôt pour les associés de celles-ci. Selon ce système, les profits d’une société étaient imposés dans le chef de la société suivant le taux applicable à celle-ci, mais les bénéfices distribués aux associés/actionnaires étaient taxés en application des taux progressifs de la taxation des revenus des personnes physiques. Les associés ayant eu droit au crédit d’impôt correspondant à la taxe due par la société, étaient tenus de verser la différence entre le taux applicable à la société et le taux progressif applicable à leurs impositions personnelles (4).

8. J’ajoute qu’il découle du dossier que plusieurs dispositions fiscales spécifiques applicables aux sociétés coopératives sont motivées par le principe mutualiste, ce qui a pour conséquence de restreindre la distribution des profits ou fonds desdites sociétés à leurs associés.

9. Le décret du président de la République n° 601, du 29 septembre 1973, portant réglementation des avantages fiscaux (5), dans sa version en vigueur de 1984 à 1993 (ci-après le «DPR n° 601/1973»), énonçait à son article 11, intitulé «Coopératives de production et de travail»:

«1. Les revenus des coopératives de production et de travail et de leurs groupements sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes morales et de l’impôt local sur le revenu si le montant des rémunérations effectivement versées aux membres qui apportent leur travail de façon continue, y compris les sommes visées au dernier paragraphe, n’est pas inférieur à soixante pour cent du montant global de tous les autres coûts, à l’exception de ceux relatifs aux matières premières et fournitures. Si le montant des rémunérations est inférieur à soixante pour cent, mais pas à quarante pour cent, du montant global des autres coûts, l’impôt sur le revenu des personnes morales et l’impôt local sur les revenus sont réduits de moitié.

2. Pour les sociétés coopératives de production, les dispositions du paragraphe précédent s’appliquent à condition que les membres satisfassent à toutes les exigences prévues, pour les membres des coopératives de travail, par l’article 23 du décret législatif […] du chef provisoire de l’État [n° 1577] du 14 décembre 1947, avec ses modifications ultérieures.

3. Pour calculer le revenu des sociétés coopératives de production et de travail et de leurs groupements, les sommes versées aux membres salariés à titre de complément de leur rémunération peuvent être déduites dans la limite des salaires courants majorés de 20 %.»

10. L’article 14, intitulé «Conditions d’applicabilité des avantages», du DPR n° 601/1973 était ainsi rédigé:

«1. Les avantages fiscaux prévus dans le présent titre s’appliquent aux sociétés coopératives, et à leurs groupements, qui sont régis par les principes de la mutualité prévus par les lois de l’État, et qui sont inscrits sur les registres préfectoraux ou sur le fichier général de la coopération.

2. Les exigences caractérisant le but mutualiste sont réputées remplies si les conditions prévues à l’article 26 du décret législatif du chef provisoire de l’État n° 1577 du 14 décembre 1947, et ses amendements successifs, sont expressément prévues dans les statuts, sans possibilité de dérogation, et si ces conditions ont été effectivement constatées pendant la période fiscale et dans les cinq années précédentes, ou le cas échéant pendant le laps de temps qui s’est écoulé depuis l’approbation des statuts, s’il n’atteint pas cinq ans.

3. C’est l’administration fiscale, en consultation avec le ministère du Travail ou les autres organes de surveillance, qui contrôle les conditions d’applicabilité des avantages fiscaux.»

II – Les faits des procédures au principal et les questions préjudicielles

A – L’affaire C‑78/08

11. À l’issue des contrôles effectués par la Guardia di Finanza, l’administration fiscale de la ville de Matera a notifié à Paint Graphos, société coopérative de droit italien, un avis d’imposition rectifiant, pour l’année 1993, le montant de son revenu aux fins de l’établissement de l’IRPEG et de l’ILOR. Par le même avis, l’administration fiscale a refusé à ladite société le droit aux exonérations prévues aux articles 11, 12 et 14 du DPR n° 601/1973. À la suite d’une série de recours introduits tant par Paint Graphos que par le Ministero dell’Economia e delle Finanze et l’Agenzia delle Entrate, l’affaire est actuellement pendante devant la juridiction de renvoi.

B – L’affaire C‑79/08

12. Par avis d’imposition du 8 juin 1999, l’administration fiscale de Rovigo a notifié à Adige Carni, société coopérative de droit italien, la déchéance du bénéfice des avantages fiscaux prévus aux articles 10 et suivants du DPR n° 601/1973, le relèvement de son revenu imposable au titre de l’année 1993 ainsi que la majoration consécutive de l’IRPEG et de l’ILOR. L’administration fiscale contestait, notamment, l’émission de factures pour des opérations subjectivement inexistantes, la somme correspondante étant considérée comme un revenu, et par ailleurs, ladite somme n’étant pas comptabilisée comme revenu par Adige Carni, l’administration fiscale présumait que celle-ci avait été distribuée aux membres en violation de l’article 11 du DPR n° 601/1973. À la suite d’une série de recours, Adige Carni s’est pourvue en cassation, en invoquant notamment l’absence ou l’insuffisance de motivation du refus des exonérations fiscales en cause.

C – L’affaire C‑80/08

13. L’administration fiscale de Monfalcone a rectifié les déclarations de revenus effectuées par M. Franchetto pour les années 1984 à 1986 au motif que, en tant qu’associé de la société de droit italien Cooperativa Maricoltori...

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