Ministerio de Defensa and Navantia SA v Concello de Ferrol.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2262
Date09 October 2014
Celex Number62013CJ0522
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑522/13
62013CJ0522

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 octobre 2014 ( *1 )

«Demande de décision préjudicielle — Concurrence — Aides d’État — Article 107, paragraphe 1, TFUE — Notion d’‘aide d’État’ — Taxe foncière sur les biens immeubles — Exonération fiscale»

Dans l’affaire C‑522/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado Contencioso-Administrativo no 1 de Ferrol (Espagne), par décision du 12 avril 2013, parvenue à la Cour le 1er octobre 2013, dans la procédure

Ministerio de Defensa,

Navantia SA

contre

Concello de Ferrol,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le Concello de Ferrol, par Mes M. Villalba López, avoué, et D. Vidal Lorenzo, abogado,

pour le gouvernement espagnol, par M. L. Banciella Rodríguez-Miñón, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. É. Gippini Fournier et B. Stromsky, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministerio de Defensa (ministère de la Défense espagnol) et Navantia SA (ci-après «Navantia») au Concello de Ferrol (commune de Ferrol) au sujet d’une exonération de la taxe foncière afférente à un terrain mis à la disposition de cette société.

Le cadre juridique

3

Le décret royal législatif 2/2004 portant refonte du texte de la loi régissant les finances locales (Real Decreto Legislativo 2/2004 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley Reguladora de las Haciendas Locales), du 5 mars 2004 (BOE no 59, du 9 mars 2004, p. 10284), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi de 2004»), définit la taxe foncière comme «un impôt direct, réel, qui frappe la valeur des biens immeubles selon les modalités définies dans la présente loi».

4

L’article 61, paragraphe 1, de la loi de 2004 prévoit:

«Le fait générateur de la taxe est constitué par la détention des droits suivants sur les biens immeubles ruraux ou urbains et sur les biens immeubles à caractéristiques spéciales:

a)

une concession administrative sur les biens immeubles eux‑mêmes ou sur les services publics auxquels ils sont affectés;

b)

un droit réel de superficie;

c)

un droit réel d’usufruit;

d)

le droit de propriété.»

5

L’article 62 de ladite loi, intitulé «Exonérations», énonce à son paragraphe 1, sous a):

«Sont exonérés les biens immeubles suivants:

a)

Ceux qui appartiennent à l’État, aux communautés autonomes ou aux collectivités locales et qui sont directement affectés à la sécurité des citoyens ainsi qu’aux services éducatifs et pénitentiaires, de même que les biens immeubles de l’État affectés à la défense nationale.»

6

L’article 63, paragraphes 1 et 2, de la loi de 2004 dispose:

«1. Sont assujetties, en qualité de redevables, les personnes physiques et morales […] qui sont titulaires du droit constituant, dans chaque cas, le fait générateur de cette taxe.

[…]

2. Les dispositions du paragraphe précédent s’appliquent sans préjudice de la faculté pour l’assujetti de répercuter la charge fiscale supportée, conformément aux règles du droit commun.

Les administrations publiques et les entités ou organismes visés au paragraphe précédent répercutent la part du montant de la taxe due qui s’applique aux personnes qui, n’ayant pas la qualité d’assujettis, utilisent leurs biens domaniaux ou patrimoniaux contre rémunération. Celles‑ci sont tenues de prendre en charge la répercussion. À cet effet, le montant répercuté est déterminé en fonction de la part de la valeur cadastrale correspondant à la superficie utilisée et à la construction directement liée à chaque locataire ou cessionnaire du droit d’usage.»

Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

7

Navantia est une entreprise entièrement détenue par l’État espagnol. Son activité consiste dans la construction et la maintenance de navires de guerre pour le compte de ce dernier et d’autres États, membres ou non de l’Union européenne, ainsi que dans la fabrication, la réparation et la maintenance de produits divers pour le secteur privé, principalement dans le domaine naval et énergétique.

8

Navantia dispose d’un chantier naval situé sur le territoire du Concello de Ferrol, dont la superficie s’élève à 932 348 m2. En vertu d’un accord conclu le 6 septembre 2001, l’État espagnol a mis la parcelle de terrain, dont il est le propriétaire, et correspondant à ce chantier à la disposition de Navantia, sous la forme d’une cession du droit d’usage, pour le montant d’un euro par an (ci-après l’«accord de 2001»).

9

La taxe foncière sur cette parcelle, dont le montant s’élève à 590 308,77 euros pour l’année 2010, a été perçue par le Concello de Ferrol pour les exercices antérieurs à l’année 2008.

10

En tant que propriétaire de ladite parcelle, et en raison de la cession du seul droit d’usage à Navantia, c’est l’État espagnol qui est assujetti à la taxe foncière, conformément à l’article 61, paragraphe 1, sous d), de la loi de 2004. En vertu de l’accord de 2001, l’État espagnol répercute le montant de cette taxe sur Navantia, de telle sorte que, en définitive, c’est celle-ci qui doit en supporter la charge.

11

Pour l’exercice 2008 et les exercices suivants, l’État espagnol et Navantia ont demandé au Concello de Ferrol, sur le fondement de l’article 62, paragraphe 1, sous a), de la loi de 2004, le bénéfice d’une exonération fiscale de la taxe foncière due pour la parcelle sur laquelle est établi le chantier naval, demande qui a été rejetée. Ce rejet a été contesté devant les tribunaux compétents et c’est ce litige qui fait l’objet de la procédure au principal.

12

Par un arrêt du 22 octobre 2012, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de la Galice) a annulé un précédent jugement du Juzgado Contencioso-Administrativo no 1 de Ferrol, en date du 25 novembre 2011, par lequel ce dernier avait rejeté le recours dont il était saisi, ledit Tribunal ayant indiqué qu’il convenait d’admettre l’exonération fiscale demandée. L’affaire a donc été renvoyée devant la juridiction de renvoi.

13

Le Juzgado Contencioso-Administrativo no 1 de Ferrol considère que le bénéfice de l’exonération fiscale demandée peut impliquer l’octroi, en faveur de Navantia, d’une aide d’État contraire à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors que cette exonération serait accordée au moyen de ressources publiques à une entreprise appartenant à l’État et qu’elle serait de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence.

14

En effet, la juridiction de renvoi considère que, en tant que bénéficiaire ultime de l’exonération sollicitée, Navantia obtiendrait un avantage sélectif, en ce que la charge fiscale normalement supportée – et supportée par ses concurrents privés dans le domaine de la construction navale – serait réduite, au moyen d’une perte de recettes pour le Concello de Ferrol. Eu égard à ce renforcement de la position concurrentielle de Navantia sur les marchés concernés par ses activités militaires et civiles, d’une part, la concurrence serait potentiellement faussée et, d’autre part, les échanges entre les États membres s’en trouveraient affectés.

15

Dans ces circonstances, le Juzgado Contencioso-Administrativo no 1 de Ferrol a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’exonération de la taxe foncière dont bénéficie [Navantia] est-elle compatible avec l’article [107 TFUE]? L’exonération fiscale qu’un État membre [le Royaume d’Espagne] peut prévoir à l’égard d’un terrain […] lui appartenant, mis à la disposition d’une entreprise privée à capitaux entièrement publics […] et à partir duquel celle-ci fournit des biens et des services pouvant faire l’objet d’échanges entre les États membres est-elle compatible avec l’article 107 TFUE?»

Sur la question préjudicielle

16

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une aide d’État, prohibée au titre de cette disposition, l’exonération de la taxe foncière d’une parcelle de terrain appartenant à l’État et mise à la disposition d’une entreprise dont ce dernier détient la totalité du capital et qui produit, à partir de cette parcelle, des biens et des services pouvant faire l’objet d’échanges entre les États membres sur des marchés ouverts à la concurrence.

17

Il y a lieu de relever d’emblée que la Cour n’est pas saisie de la question de la compatibilité avec l’article 107 TFUE de la mise à disposition d’une entreprise privée, par un État membre, d’un terrain pour un prix symbolique.

18

S’agissant de la question posée, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de...

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