Ministero dell’Economia e delle Finanze and Agenzia delle Entrate v Paint Graphos Soc. coop. arl (C-78/08), Adige Carni Soc. coop. arl, in liquidation v Agenzia delle Entrate and Ministero dell’Economia e delle Finanze (C-79/08) and Ministero delle Finanze v Michele Franchetto (C-80/08).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:550
Docket NumberC-78/08,C-80/08
Celex Number62008CJ0078
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 September 2011


Affaires jointes C-78/08 à C-80/08

Ministero dell’Economia e delle Finanze e.a.

contre

Paint Graphos Soc. coop. arl e.a.

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

la Corte suprema di cassazione)

«Renvoi préjudiciel — Recevabilité — Aides d’État — Avantages fiscaux accordés aux sociétés coopératives — Qualification d’aide d’État au sens de l’article 87 CE — Compatibilité avec le marché commun — Conditions»

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites — Examen de la compatibilité d'une aide avec le marché commun — Exclusion

(Art. 234 CE)

2. Aides accordées par les États — Notion — Avantages fiscaux accordés aux sociétés coopératives de production et de travail — Inclusion — Conditions

(Art. 87, § 1, CE)

1. S’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 234 CE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie.

Plus précisément, la compétence de la Commission pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché commun ne fait pas obstacle à ce qu’une juridiction nationale interroge la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation de la notion d’aide. Ainsi, la Cour peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’aide d’État au sens dudit droit.

(cf. points 34-35)

2. Des exonérations fiscales, accordées aux sociétés coopératives de production et de travail au titre d’une réglementation nationale prévoyant certains avantages fiscaux, ne sont constitutives d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE que pour autant que toutes les conditions d’application de cette disposition sont remplies, à savoir, en premier lieu, le financement de la mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État, en deuxième lieu, la sélectivité d’une telle mesure ainsi que, en troisième lieu, l’incidence de celle-ci sur les échanges entre les États membres et la distorsion de la concurrence résultant de cette mesure. En l'occurrence, il appartiendra à la juridiction nationale d’apprécier plus particulièrement le caractère sélectif des exonérations fiscales accordées aux sociétés coopératives de production et de travail ainsi que leur éventuelle justification par la nature ou l’économie générale du système fiscal national dans lequel elles s’inscrivent, en déterminant, notamment, si les sociétés coopératives en cause se trouvent en fait dans une situation comparable à celle d’autres opérateurs constitués sous la forme d’entités juridiques à but lucratif et, si tel est effectivement le cas, si le traitement fiscal plus favorable réservé auxdites sociétés coopératives est, d’une part, inhérent aux principes essentiels du système d’imposition applicable dans l’État membre concerné et, d’autre part, conforme aux principes de cohérence et de proportionnalité.

(cf. points 43, 82 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 septembre 2011 (*)

«Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Aides d’État – Avantages fiscaux accordés aux sociétés coopératives – Qualification d’aide d’État au sens de l’article 87 CE – Compatibilité avec le marché commun – Conditions»

Dans les affaires jointes C‑78/08 à C‑80/08,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décisions des 29 novembre et 20 décembre 2007, parvenues à la Cour le 25 février 2008, dans les procédures

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Agenzia delle Entrate

contre

Paint Graphos Soc. coop. arl (C-78/08),

Adige Carni Soc. coop. arl, en liquidation,

contre

Agenzia delle Entrate,

Ministero dell’Economia e delle Finanze (C-79/08),

et

Ministero delle Finanze

contre

Michele Franchetto (C-80/08),

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.‑J. Kasel (rapporteur), M. Ilešič, M. Safjan et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Paint Graphos Soc. coop. arl et Adige Carni Soc. coop. arl, en liquidation, par Mes F. Capelli, L. Salvini, L. Paolucci, A. Abate, P. Piva et L. Manzi, avvocati,

– pour M. Franchetto, par Me M. Bianca, avvocato,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, puis par Mme G. Palmieri, en qualité d’agents, assistés de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues ainsi que par Mmes A.‑L. Vendrolini et B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal, G. Conte et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. X. Lewis, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 87 CE et du principe de l’interdiction de l’abus de droit en matière fiscale.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant respectivement le Ministero dell’Economia e delle Finanze et l’Agenzia delle Entrate à Paint Graphos Soc. coop. arl (ci-après «Paint Graphos») (C‑78/08), Adige Carni Soc. coop. arl, en liquidation (ci-après «Adige Carni»), à l’Agenzia delle Entrate et au Ministero dell’Economia e delle Finanze (C‑79/08) ainsi que le Ministero delle Finanze à M. Franchetto (C‑80/08) au sujet de demandes visant à obtenir l’exonération de différents impôts dont bénéficient les sociétés coopératives de production et de travail en application du droit fiscal italien.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Le 10 décembre 1998, la Commission des Communautés européennes a publié une communication sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384, p. 3, ci-après la «communication concernant la fiscalité directe des entreprises»), dans laquelle elle entend clarifier certains aspects dans le domaine des aides d’État sous la forme de mesures fiscales.

4 À la suite de l’adoption du règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (JO L 207, p. 1), la Commission a, dans sa communication du 23 février 2004 au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la promotion des sociétés coopératives en Europe [COM(2004) 18 final, ci-après la «communication sur la promotion des sociétés coopératives en Europe»], mis en exergue les caractéristiques spécifiques des sociétés coopératives et présenté des mesures pour promouvoir le développement de cette forme de société dans les États membres.

La réglementation nationale

5 L’article 45 de la Constitution italienne énonce:

«La République reconnaît la fonction sociale de la coopération à caractère de mutualité et sans fins de spéculation privée. La loi aide et favorise son développement par les moyens les plus appropriés et en assure, par les contrôles opportuns, le caractère et les finalités. La loi pourvoit à la protection et au développement de l’artisanat.»

6 Le décret du président de la République n° 601, du 29 septembre 1973, portant réglementation des avantages fiscaux (supplément ordinaire à la GURI n° 268, du 16 octobre 1973, p. 3), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, à savoir de 1984 à 1993 (ci-après le «DPR n° 601/1973»), disposait:

«Article 10 (Coopératives agricoles et de la petite pêche)

1. Sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes morales et de l’impôt local sur les revenus, les revenus que les sociétés coopératives agricoles et leurs groupements tirent de l’élevage d’animaux nourris à l’aide d’aliments provenant pour au moins un quart des terrains des membres, ainsi que de la manipulation, de la transformation et de la vente, dans les limites fixées au point c) de l’article 28 du décret […] du président de la République [n° 597] du 29 septembre 1973, de produits agricoles ou zootechniques et d’animaux apportés par les membres dans les limites des possibilités de leurs terrains.

2. Si les activités exercées par la coopérative ou ses membres dépassent les limites prévues au paragraphe précédent et aux points b) et c) de l’article 28 dudit décret, l’exonération s’applique à la part du revenu de la coopérative ou du groupement correspondant au revenu agraire des terrains des membres.

3. Les revenus des coopératives de la petite pêche et de leurs groupements sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes morales et de l’impôt local sur le revenu. Sont considérées comme coopératives de petite pêche celles qui pratiquent la pêche maritime à titre professionnel en employant exclusivement des bateaux relevant des catégories 3 et 4 visées à l’article 8 du décret du président de la République n° 1639, du 2 octobre 1968, ou la pêche dans les eaux intérieures.

Article 11 (Coopératives de production et de travail)

1. Les revenus des coopératives de production et de travail et de leurs groupements sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes morales et de l’impôt local sur le revenu si le montant des rémunérations effectivement versées aux membres qui apportent leur travail de façon continue, y compris les sommes...

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