Presidente del Consiglio dei Ministri v Regione Sardegna.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:709
Docket NumberC-169/08
Celex Number62008CJ0169
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 November 2009

Affaire C-169/08

Presidente del Consiglio dei Ministri

contre

Regione Sardegna

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte costituzionale)

«Libre prestation des services — Article 49 CE — Aides d’État — Article 87 CE — Législation régionale instituant une taxe en cas d’escale touristique d’aéronefs destinés au transport privé de personnes ainsi que d’unités de plaisance frappant uniquement les exploitants ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Services — Notion

(Art. 50 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 49 CE)

3. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure

(Art. 87, § 1, CE)

1. La notion de «services» au sens de l'article 50 CE implique qu'il s'agit de prestations fournies normalement contre une rémunération et que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation et est définie entre le prestataire et le destinataire du service.

Une taxe régionale d'escale qui concerne les exploitants de moyens de transport se rendant sur le territoire de la région et non pas les entreprises de transport exerçant leur activité dans cette région, même si elle ne concerne pas les prestations de transport, n'est pas dépourvue de tout lien avec la libre prestation des services. En effet, si l'article 50, troisième alinéa, CE ne mentionne que la libre prestation des services active - dans le cadre de laquelle le prestataire se déplace vers le bénéficiaire des services -, celle-ci inclut également la liberté des destinataires de services, et notamment des touristes, de se rendre dans un autre État membre dans lequel se trouve le prestataire pour y bénéficier de ces services. Étant donné que les personnes exploitant un moyen de transport ainsi que celles utilisant un tel moyen bénéficient d'une pluralité de services sur le territoire de la région concernée, tels que les services fournis dans les aérodromes et les ports, l'escale constitue une condition nécessaire pour la réception desdits services et la taxe régionale d'escale présente un certain lien avec une telle prestation.

En outre, une taxe régionale grevant l'escale des unités de plaisance, qui s'applique également aux entreprises qui exploitent de telles unités de plaisance et, notamment, à celles dont l'activité entrepreneuriale consiste à mettre lesdites unités à disposition des tiers contre rémunération, frappe directement la prestation de services au sens de l'article 50 CE.

Finalement, les services sur lesquels la taxe régionale d'escale a une incidence peuvent avoir un caractère transfrontalier puisque cette taxe, d'une part, est susceptible d'affecter la possibilité des entreprises établies dans la région concernée d'offrir les services d'escale dans les aérodromes et les ports à des ressortissants et à des entreprises établis dans un autre État membre et, d'autre part, a une incidence sur l'activité des entreprises ayant leur siège dans un autre État membre et exploitant des unités de plaisance dans cette région.

(cf. points 23-28)

2. L'article 49 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation fiscale d'une autorité régionale qui institue une taxe régionale sur l'escale touristique des aéronefs destinés au transport privé de personnes ainsi que des unités de plaisance frappant uniquement les personnes physiques et morales ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional, dès lors que l'application de cette législation fiscale a pour conséquence de rendre, pour tous les assujettis à la taxe ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional et établis dans d'autres États membres, les services concernés plus onéreux que ceux fournis pour les exploitants établis sur ce territoire.

Certes, en matière de fiscalité directe, la situation des résidents et celle des non-résidents d'un État membre donné ne sont, en règle générale, pas comparables, car elles présentent des différences objectives du point de vue tant de la source du revenu que de la capacité contributive personnelle du contribuable ou de la prise en compte de la situation personnelle et familiale de ce dernier. Cependant, aux fins de la comparaison de la situation des contribuables, il importe de prendre en considération les caractéristiques spécifiques de la taxe en cause. Dès lors, une différence de traitement entre les résidents et les non-résidents constitue une restriction à la libre circulation interdite par l'article 49 CE lorsqu'il n'existe aucune différence de situation objective, par rapport à l'imposition en cause, de nature à fonder la différence de traitement entre les diverses catégories de contribuables.

Une telle restriction ne peut pas être justifiée par des raisons tirées de la protection de l'environnement si l'application de la taxe régionale repose sur une différenciation entre les personnes sans rapport avec cet objectif environnemental. Elle ne peut pas non plus être justifiée par des raisons tirées de la cohérence du système fiscal de la région concernée dans la mesure où le non-assujettissement à la taxe régionale d'escale des résidents ne saurait être considéré comme une compensation des autres impôts auxquels ces derniers sont soumis, dès lors que cette taxe ne poursuit pas les mêmes objectifs que les impôts acquittés par les assujettis résidant dans ladite région.

(cf. points 31, 34-35, 45, 48-50, disp. 1)

3. L'article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu'une législation fiscale d'une autorité régionale instituant une taxe d'escale pour les exploitants d'aéronefs destinés au transport privé de personnes ainsi que d'unités de plaisance, laquelle frappe uniquement les personnes physiques et morales ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional, constitue une mesure d'aide d'État en faveur des entreprises établies sur ce même territoire.

En effet, la notion d'aide peut recouvrir non seulement des prestations positives, telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d'entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques. Ainsi, une législation fiscale, accordant à certaines entreprises un non-assujettissement à la taxe en cause, constitue une aide d'État, même si elle ne comporte pas un transfert de ressources publiques, dès lors qu'elle consiste en la renonciation des autorités concernées aux recettes fiscales qu'elles auraient pu normalement percevoir.

Aux fins d'apprécier la sélectivité d'une telle mesure adoptée par une entité infraétatique ayant un statut autonome par rapport au gouvernement central, il convient de déterminer si, au regard de son objectif, celle-ci offre à certaines entreprises un avantage par rapport à d'autres se trouvant, à l'intérieur de l'ordre juridique dans lequel cette entité exerce ses compétences, dans une situation factuelle et juridique comparable. Tel est le cas lorsque, eu égard au caractère et à la finalité de ladite taxe, toutes les personnes physiques et morales jouissant des services d'escale dans la région concernée sont dans une situation objectivement comparable, indépendamment du lieu où elles résident ou sont établies.

(cf. points 56-57, 61, 63, 66, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

17 novembre 2009 (*)

«Libre prestation des services – Article 49 CE – Aides d’État – Article 87 CE – Législation régionale instituant une taxe en cas d’escale touristique d’aéronefs destinés au transport privé de personnes ainsi que d’unités de plaisance frappant uniquement les exploitants ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional»

Dans l’affaire C‑169/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Corte costituzionale (Italie), par décision du 13 février 2008, parvenue à la Cour le 21 avril 2008, dans la procédure

Presidente del Consiglio dei Ministri

contre

Regione Sardegna,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. K. Lenaerts, J.‑C. Bonichot, Mmes P. Lindh et C. Toader (rapporteur), présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour la Regione Sardegna, par Mes A. Fantozzi et G. Campus, avvocati,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. W. Mölls et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juillet 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 CE et 87 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Presidente del Consiglio dei Ministri à la Regione Sardegna au sujet de l’institution par cette dernière d’une taxe en cas d’escale touristique des aéronefs utilisés pour le transport privé de personnes ainsi que des unités de plaisance, une telle taxe frappant uniquement les opérateurs ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional.

Le cadre juridique national

La Constitution italienne

3 L’article 117, premier alinéa, de la Constitution italienne dispose:

«Le pouvoir législatif est exercé par l’État et les Régions dans le respect de la Constitution aussi bien que des contraintes découlant de la réglementation communautaire et des obligations internationales.»

La législation nationale

4 L’article 743, premier alinéa, du code de la navigation (Codice della navigazione) donne de la...

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