OT contre Conseil de l'Union européenne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2023:716
Date15 November 2023
Docket NumberT-193/22
Celex Number62022TJ0193
CourtGeneral Court (European Union)
62022TJ0193

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

15 novembre 2023 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion d’“homme d’affaires influent” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Droit d’être entendu – Droit de propriété – Liberté d’entreprise – Proportionnalité – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire T‑193/22,

OT, représenté par Mes J.-P. Hordies et C. Sand, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux, A. Boggio-Tomasaz et Mme M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume de Belgique, représenté par Mmes C. Pochet, L. Van den Broeck et M. Van Regemorter, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, R. Mastroianni, Mme M. Brkan, MM. I. Gâlea et T. Tóth, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu l’ordonnance du 30 mai 2022, OT/Conseil (T‑193/22 R, non publiée, EU:T:2022:307),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2022,

la décision du 2 juin 2022 accueillant la demande d’anonymat du requérant et rejetant sa demande de procédure accélérée,

la décision du 25 août 2022 admettant le Royaume de Belgique à intervenir au soutien du Conseil,

le mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 11 novembre 2022,

les documents du requérant déposés au greffe du Tribunal le 19 décembre 2022 et versés au dossier,

la décision du 6 février 2023 de ne pas verser au dossier de nouvelles pièces produites par le requérant le 24 janvier 2023,

à la suite de l’audience du 26 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1

Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, OT, demande l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 44), et du règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), et, d’autre part, après adaptation de la requête, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien »), dans la mesure où ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

Antécédents du litige

2

Le requérant est un homme d’affaires de nationalité russe.

3

Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). Le même jour, il a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

4

Le 21 février 2022, le président de la Fédération de Russie a signé un décret reconnaissant l’indépendance et la souveraineté de la « République populaire de Donetsk » et de la « République populaire de Lougansk », autoproclamées, et a ordonné le déploiement des forces armées russes dans ces zones.

5

Le 22 février 2022, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant ») a publié une déclaration au nom de l’Union européenne condamnant ces actions, dès lors qu’elles constituaient une violation grave du droit international. Il a annoncé que l’Union réagirait à ces dernières violations par la Fédération de Russie en adoptant de toute urgence des mesures restrictives supplémentaires.

6

Le 23 février 2022, le Conseil a adopté une première série de mesures restrictives. Celles-ci concernaient, premièrement, des restrictions applicables aux relations économiques avec les régions non contrôlées par le gouvernement de Donetsk et de Lougansk, deuxièmement, des restrictions à l’accès au marché des capitaux, notamment en interdisant le financement de la Fédération de Russie, de son gouvernement et de sa banque centrale, et, troisièmement, l’ajout de membres du gouvernement, de banques, d’hommes d’affaires, de généraux ainsi que de 336 membres de la Gosudarstvennaya Duma Federal’nogo Sobrania Rossiskoï Federatsii (Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie) sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives.

7

Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et les forces armées russes ont attaqué l’Ukraine.

8

Le même jour, le haut représentant a publié une déclaration au nom de l’Union condamnant avec la plus grande fermeté l’« invasion non provoquée » de l’Ukraine par les forces armées russes et a indiqué que la riposte de l’Union comprendrait des mesures restrictives à la fois sectorielles et individuelles.

9

Lors de sa réunion extraordinaire du même jour, le Conseil européen a condamné l’intervention militaire russe en Ukraine tout en marquant son accord de principe pour l’adoption de mesures restrictives et de sanctions économiques envers la Fédération de Russie au regard des propositions de la Commission européenne et du haut représentant.

10

Le 25 février 2022, le Conseil a adopté une deuxième série de mesures restrictives. À cette même date, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

11

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

d)

à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

g)

à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

12

Les modalités de ce gel de fonds sont définies à l’article 2, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/145.

13

L’article 1er, paragraphe 1, sous b) et e), de la décision 2014/145 telle que modifiée prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous d) et g), de cette même décision.

14

Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption de mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement tel que modifié reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

15

...

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