Arrêts nº T-346/15 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, March 14, 2017

Resolution DateMarch 14, 2017
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-346/15

Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire - Gel des fonds - Réinscription du nom de la requérante sur les listes - Obligation de motivation - Erreur manifeste d’appréciation - Autorité de la chose jugée - Détournement de pouvoir - Droits fondamentaux

Dans l’affaire T-346/15,

Bank Tejarat, établie à Téhéran (Iran), représentée par M. S. Zaiwalla, Mmes P. Reddy, A. Meskarian, solicitors, MM. M. Brindle, QC, et R. Blakeley, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2015/556 du Conseil, du 7 avril 2015, modifiant la décision 2010/413/PESC du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2015, L 92, p. 101), et du règlement d’exécution (UE) 2015/549 du Conseil, du 7 avril 2015, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2015, L 92, p. 12), pour autant qu’ils concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová (rapporteur), président, MM. V. Valančius et U. Öberg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 La requérante, la Bank Tejarat, est une banque iranienne.

2 La présente affaire s’inscrit dans le cadre du régime de mesures restrictives instauré en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3 Le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), par la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 19, p. 22).

4 Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO 2012, L 19, p. 1).

5 Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inclus par le Conseil de l’Union européenne sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus à l’égard de la requérante ont été les mêmes que ceux figurant dans le règlement d’exécution n° 54/2012.

6 À la suite de l’adoption de la décision 2012/457/PESC du Conseil, du 2 août 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 208, p. 18), et du règlement d’exécution (UE) n° 709/2012 du Conseil, du 2 août 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO 2012, L 208, p. 2), ainsi que du rectificatif au règlement d’exécution n° 709/2012, publié le 12 février 2013 (JO 2013, L 41, p. 14), les motifs retenus à l’égard de la requérante étaient formulés comme suit :

La Bank Tejarat appartient pour partie à l’État iranien. Elle a directement facilité les efforts nucléaires de l’Iran. Ainsi, en 2011, elle a permis que des dizaines de millions de dollars circulent pour appuyer les tentatives déployées par l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, désignée par les Nations unies, pour se procurer du yellow cake (gâteau jaune). L’AEOI est la principale organisation iranienne de recherche et développement dans le domaine de la technologie nucléaire ; elle gère les programmes de production de matière fissile.

La Bank Tejarat a également, par le passé, aidé des banques iraniennes désignées à contourner les sanctions internationales, par exemple dans des activités impliquant des sociétés écrans du Shahid Hemmat Industrial Group, désigné par les Nations unies.

Par l’intermédiaire des services financiers qu’elle a fournis ces dernières années à la Bank Mellat et à l’Export Development Bank of Iran (EDBI), désignées par l’UE, la Bank Tejarat a également soutenu les activités de filiales et de sous-unités du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), de l’Organisation des industries de la défense désignée par les Nations unies et du MODAFL désigné par les Nations unies.

7 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2012, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision 2012/35, du règlement d’exécution n° 54/2012, du règlement n° 267/2012 et du règlement d’exécution n° 709/2012, pour autant que ces actes la concernaient.

8 Par arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T-176/12, non publié, EU:T:2015:43), le Tribunal a annulé les actes mentionnés au point 7 ci-dessus pour autant qu’ils concernaient la requérante, au motif que le Conseil n’avait pas établi que cette dernière avait apporté un appui à la prolifération nucléaire et aidé d’autres personnes et d’autres entités à enfreindre les mesures restrictives les visant ou à s’y soustraire. Aucun pourvoi n’ayant été formé contre cet arrêt, celui-ci est devenu définitif et a acquis force de chose jugée.

9 Par lettre du 12 mars 2015, le Conseil a notamment indiqué à la requérante qu’il considérait que, « dans la mesure où [elle] finan[çait] des projets de production et de raffinage de pétrole brut qui nécessit[ai]ent l’acquisition d’équipements et de technologies essentiels à ces secteurs tels que mentionnés dans les articles 4 et 4 bis de la décision 2010/413 et dans l’article 8 du règlement n° 267/2012, elle fourni[ssai]t un appui aux activités de prolifération nucléaire de l’Iran à travers l’implication dans l’acquisition de biens et de technologies interdits » et que, dès lors, « [elle] remplissait les conditions de désignation prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a) et d), du règlement n° 267/2012 ». Il a informé la requérante qu’il avait l’intention de réinscrire son nom sur les listes des personnes et des entités visées par les mesures restrictives figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sur le fondement de l’exposé des motifs suivant :

La Bank Tejarat fournit un appui important au gouvernement iranien en mettant à disposition des moyens financiers et en finançant des services liés à des projets de développement dans le secteur pétrolier et gazier. Le secteur pétrolier et gazier constitue une source importante de financement pour le gouvernement iranien et plusieurs projets financés par la Bank Tejarat sont menés par des filiales d’entités détenues et contrôlées par le gouvernement iranien. En outre, la Bank Tejarat continue à être partiellement détenue par le gouvernement iranien et étroitement liée à celui-ci, qui est donc en mesure d’influencer les décisions de la Bank Tejarat, notamment quant à sa participation au financement de projets que le gouvernement iranien juge hautement prioritaires.

Par ailleurs, dans la mesure où elle finance divers projets de production et de raffinage de pétrole brut qui nécessitent l’acquisition d’équipements et de technologies essentiels à ces secteurs, dont la fourniture en vue de leur utilisation en Iran est interdite, la Bank Tejarat peut être considérée comme concourant à l’acquisition de biens et de technologies interdits.

10 Par cette même lettre, le Conseil a transmis à la requérante les documents sur lesquels il fondait sa décision de réinscription du nom de cette dernière sur les listes (ci-après la « décision de réinscription »).

11 Par lettre du 16 mars 2015, le Conseil a transmis à la requérante un extrait déclassifié de la proposition de décision de réinscription présentée par un État membre (ci-après la « proposition d’un État membre »).

12 Par lettre du 24 mars 2015, la requérante a, par l’intermédiaire de son avocat, contesté les motifs de la décision de réinscription. Elle a soutenu que, du fait que les allégations et preuves avancées par le Conseil pour justifier cette décision étaient déjà disponibles au moment de la première inscription de son nom sur les listes (ci-après l’« inscription initiale ») et avant l’arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T-176/12, non publié, EU:T:2015:43), cette décision constituerait une violation de l’article 266 TFUE, un abus de procédure, une violation du principe de l’autorité de la chose jugée, du principe de sécurité juridique, du droit à la protection juridictionnelle effective et du principe de bonne administration. Elle a également fait valoir que certaines allégations figurant dans l’exposé des motifs seraient insuffisamment motivées et erronées.

13 Par la décision (PESC) 2015/556 du Conseil, du 7 avril 2015, modifiant la décision 2010/413 (JO 2015, L 92, p. 101), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, avec effet au 8 avril 2015, sur la base du nouvel exposé des motifs indiqué au point 9 ci-dessus.

14 Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) 2015/549 du Conseil, du 7 avril 2015, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO 2015, L 92, p. 12), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement, avec effet au 8 avril 2015, sur la base du nouvel exposé des motifs indiqué au point 9 ci-dessus.

15 Par lettre du 8 avril 2015 transmise à l’avocat de la requérante, le Conseil a contesté les observations formulées par la requérante dans sa lettre du...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT