Competition Authority v Beef Industry Development Society Ltd and Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 November 2008

Affaire C-209/07

Competition Authority

contre

Beef Industry Development Society Ltd
et
Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court)

«Concurrence — Article 81, paragraphe 1, CE — Notion d’‘accord ayant pour objet de restreindre la concurrence’ — Accord de réduction de capacités de production — Viande bovine»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation — Objet anticoncurrentiel — Constatation suffisante

(Art. 81, § 1, CE)

2. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Accord visant à restreindre la concurrence — Poursuite simultanée d'objectifs légitimes — Absence d'incidence

(Art. 81, § 1 et 3, CE)

3. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Types d'accords visés à l'article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE — Liste non exhaustive

(Art. 81, § 1, a) à e), CE)

4. Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Accord prévoyant la réduction des capacités de production et le retrait du marché de plusieurs entreprises concurrentes — Objet anticoncurrentiel

(Art. 81, § 1, CE)

1. Pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE, un accord doit avoir «pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun». Le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction «ou», conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Pour apprécier si un accord est prohibé par l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est donc superflue lorsqu’il apparaît que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Au cas cependant où l’analyse des clauses de cet accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait alors d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible. La distinction entre «infractions par objet» et «infractions par effet» tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence.

(cf. points 15-17)

2. Pour déterminer si un accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de s’attacher à la teneur de ses dispositions et aux buts qu’il vise à atteindre. À cet égard, à supposer même qu’il soit établi que les parties à un accord ont agi sans aucune intention subjective de restreindre la concurrence, mais dans le but de remédier aux effets d’une crise sectorielle, de telles considérations ne sont pas pertinentes aux fins de l’application de ladite disposition. En effet, un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes.

Une argumentation selon laquelle le but d'un accord entre des entreprises concurrentes est non pas de porter atteinte à la concurrence et au bien-être des consommateurs, mais de rationaliser une filière d'activité pour la rendre plus concurrentielle en réduisant les surcapacités de production, sans pour autant les éliminer, ne saurait être accueillie. Ce n’est que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE que de telles considérations, peuvent, le cas échéant, être examinées aux fins d’obtenir une exemption de la prohibition énoncée au paragraphe 1 du même article.

(cf. points 19-21)

3. Les types d’accords envisagés à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées.

(cf. point 23)

4. Des accords visant essentiellement à permettre à plusieurs entreprises concurrentes de mettre en oeuvre une politique commune ayant pour objet de modifier de manière sensible la structure du marché grâce à un mécanisme destiné à encourager la sortie du marché de certaines d'entre elles et, par voie de conséquence, à réduire les surcapacités qui affectent leur rentabilité en les empêchant de réaliser des économies d’échelle se heurtent de manière patente à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché. L’article 81, paragraphe 1, CE vise en effet à interdire toute forme de coordination qui substitue sciemment une coopération pratique entre entreprises aux risques de la concurrence. Dans le cadre de la concurrence, les entreprises ayant souscrit à de tels accords n’auraient eu, en l’absence de ceux-ci, d’autres moyens pour améliorer leur rentabilité que d’intensifier leur rivalité commerciale ou de recourir à des opérations de concentration. Avec ces accords, il leur serait loisible d’éviter un tel processus et de mutualiser une partie importante des coûts nécessaires pour accroître le degré de concentration du marché.

S'agissant de la mise en oeuvre de tels accords, l'instauration d'une contribution versée aux sortants par les entreprises restant sur le marché fait obstacle au développement naturel des parts de marché de certains des restants incités à ne pas dépasser leur volume habituel de production, voire geler leur production, et constitue une restriction dont l’objet présente un caractère anticoncurrentiel. Tel est également le cas des restrictions imposées aux sortants en ce qui concerne la disposition et l’utilisation de leurs installations de production dans la mesure où de telles restrictions visent à éviter que ces installations ne puissent être utilisées par de nouveaux entrants sur le marché aux fins de concurrencer les restants. Le fait que lesdites restrictions, ainsi qu'une clause de non-concurrence imposée aux sortants, soient limitées dans le temps n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation du caractère anticoncurrentiel de leur objet.

Dans le secteur de la transformation de la viande bovine, un accord ayant de telles caractéristiques, conclu entre les dix principales entreprises concurrentes d'un État membre et prévoyant, notamment, une réduction des capacités de transformation de l'ordre de 25 %, a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

(cf. points 31, 33-40 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

20 novembre 2008 (*)

«Concurrence – Article 81, paragraphe 1, CE – Notion d’‘accord ayant pour objet de restreindre la concurrence’ – Accord de réduction de capacités de production – Viande bovine»

Dans l’affaire C‑209/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Supreme Court (Irlande), par décision du 8 mars 2007, parvenue à la Cour le 20 avril 2007, dans la procédure

Competition Authority

contre

Beef Industry Development Society Ltd,

Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2008,

considérant les observations présentées:

– pour la Competition Authority, par Mme V. Balaguer, en qualité d’agent, MM. D. McDonald et A. Collins, SC, ainsi que par Mme Ú. Tighe, BL, mandatés par M. D. McFadden, solicitor,

– pour Beef Industry Development Society Ltd, par MM. D. O’Donnell, M. Collins et D. Barniville, SC, ainsi que par Mme I. McGrath, BL,

– pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. X. Lewis et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions...

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