Quinn Barlo Ltd and Others v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 May 2013

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 mai 2013 (*)

«Pourvoi – Ententes – Marché européen des méthacrylates – Durée de l’infraction – Présomption d’innocence – Motivation – Pouvoirs de pleine juridiction – Principes généraux de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement – Proportionnalité de l’amende»

Dans l’affaire C‑70/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 février 2012,

Quinn Barlo Ltd, établie à Ballyconnell (Irlande),

Quinn Plastics NV, établie à Geel (Belgique),

Quinn Plastics GmbH, établie à Mayence (Allemagne),

représentées par Mes F. Wijckmans et M. Visser, advocaten,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan et V. Bottka, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, Quinn Barlo Ltd, Quinn Plastics NV et Quinn Plastics GmbH demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T-208/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté partiellement leur recours tendant à obtenir, à titre principal, l’annulation des articles 1er et 2 de la décision C(2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.645 – Méthacrylates) (ci-après la «décision litigieuse»), ainsi que, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision, dont la version résumée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 22 novembre 2006 (JO L 322, p. 20).

Le cadre juridique

Le règlement (CE) n° 1/2003

2 Le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui a remplacé, à partir du 1er mai 2004, le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dispose à son article 2, intitulé «Charge de la preuve»:

«Dans toutes les procédures nationales et communautaires d’application des articles [81 CE] et [82 CE], la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, [CE] ou de l’article 82 [CE] [...] incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue. En revanche, il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, [CE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies.»

3 L’article 23, paragraphes 2 et 3, dudit règlement est libellé comme suit:

«2. La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81 CE] ou [82 CE],

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.

3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

4 Aux termes de l’article 31 du même règlement, «[l]a Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée».

Les lignes directrices de 1998

5 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), applicables à la date des faits du litige, disposent à leur point 1, A, consacré à l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction:

«A. Gravité

L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

Infractions peu graves:

[...]

Montants envisageables: de 1 000 à 1 million d’[euros].

Infractions graves:

[...]

Montants envisageables: de 1 million à 20 millions d’[euros].

Infractions très graves:

il s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole [...]

Montants envisageables: au-delà de 20 millions d’[euros].

[...]

Dans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises (type ‘cartel’), il pourra convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature.

Ainsi le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation n’obéisse à un calcul arithmétique.»

6 S’agissant de la durée d’une infraction, les lignes directrices de 1998 précisent au même point 1:

«B. Durée

La durée de l’infraction devrait être prise en considération de manière à distinguer:

– les infractions de courte durée (en général inférieure à 1 an): aucun montant additionnel,

– les infractions de moyenne durée (en général de 1 à 5 ans): montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction,

– les infractions de longue durée (en général au-delà de 5 ans): montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction.

Cette analyse conduit ainsi à la fixation d’un éventuel montant additionnel d’amende.

[...]»

7 S’agissant des circonstances atténuantes, le point 3 des lignes directrices de 1998 énonce:

«Diminution du montant de base pour les circonstances atténuantes particulières telles que, par exemple:

– rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction,

– [...]»

Les antécédents du litige

8 Par la décision litigieuse, la Commission a constaté qu’un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles figurent les requérantes, ont enfreint les articles 81 CE et 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant, au cours de diverses périodes comprises entre le 23 janvier 1997 et le 12 septembre 2002, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur des méthacrylates, couvrant l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE).

9 Selon la décision litigieuse, il s’agissait d’une infraction unique et continue, portant sur trois produits distincts en polyméthacrylate de méthyle (ci-après le «PMMA»), à savoir les composants de moulage, les plaques massives et les plaques sanitaires, lesquels sont constitués d’une matière première commune, le méthacrylate de méthyle (ci-après le «MMA»).

10 L’infraction en cause a consisté, premièrement, en des discussions sur les prix, deuxièmement, en la conclusion, la mise en œuvre et la surveillance d’accords sur les prix prévoyant soit des augmentations, soit, à tout le moins, une stabilisation du niveau de prix existant, troisièmement, en l’examen de la répercussion du coût des services supplémentaires sur les acheteurs, quatrièmement, en l’échange d’informations commercialement importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises ainsi que, cinquièmement, en la participation à des réunions régulières et d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction (article 1er et considérants 1 à 3 de la décision litigieuse).

11 En ce qui concerne les requérantes, leur participation à l’entente s’est limitée à une participation «sporadique aux réunions», qui consistait à «tenir au courant l’entreprise des accords ou pratiques anticoncurrentiels convenus pour les PMMA-plaques massives». Partant, «la participation [des requérantes] à l’entente ne [pouvait] être comparée à celle de la plupart des autres entreprises» (considérant 373 de la décision litigieuse).

12 Les autres antécédents du litige et de la décision litigieuse sont exposés dans les termes suivants aux points 4 à 20 de l’arrêt attaqué:

«4 La décision [litigieuse] a été adressée à Degussa AG, à Röhm GmbH & Co. KG et à Para-Chemie GmbH (ci-après dénommées ensemble ‘Degussa’), à Total SA, à Elf Aquitaine SA, à Arkema SA (anciennement Atofina SA), à Altuglas International SA et à Altumax Europe...

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