Showa Denko KK v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
Date29 June 2006
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-289/04 P

Showa Denko KK

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Électrodes de graphite — Article 81, paragraphe 1, CE — Amendes — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Communication sur la coopération — Principe non bis in idem»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 19 janvier 2006

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 juin 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Caractère dissuasif

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

2. Concurrence — Amendes — Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État tiers pour violation du droit national de la concurrence

(Art. 3, § 1, g), CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15)

3. Concurrence — Amendes — Montant — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15)

4. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Communication des griefs — Contenu nécessaire

(Règlement du Conseil nº 17, art. 19, § 1)

1. L'amende infligée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence peut être calculée en incluant un facteur de dissuasion. Ce facteur est évalué en prenant en compte une multitude d'éléments, et non pas la seule situation particulière de l'entreprise concernée.

(cf. point 23)

2. Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect.

Dans le cas d'une entente se situant dans un contexte international qui est caractérisé notamment par l'intervention, sur leurs territoires respectifs, d'ordres juridiques d'États tiers, l'exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États. En effet, les éléments qui sous-tendent les ordres juridiques d'autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l'adoption de règles matérielles particulières ainsi qu'à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l'existence d'infractions aux règles applicables en matière de concurrence.

Il en découle que, lorsque la Commission sanctionne le comportement illicite d'une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l'intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau communautaire, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d'États tiers.

Dès lors, le principe non bis in idem ne s'applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d'États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.

(cf. points 50-53, 55-56)

3. Toute considération tirée de l'existence d'amendes infligées par les autorités d'un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d'amendes pour les infractions au droit communautaire de la concurrence. Par conséquent, s'il ne saurait être exclu que la Commission, pour des motifs de proportionnalité ou d'équité, prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d'États tiers, elle ne saurait toutefois y être tenue.

En effet, l'objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d'une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité pour la conduite de leurs activités au sein du marché commun. Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d'une amende à infliger en raison d'une violation desdites règles, la Commission n'est pas tenue de prendre en compte d'éventuelles sanctions infligées à l'encontre d'une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d'États tiers.

(cf. points 60-61)

4. Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif.

À cet égard, l'obligation d'entendre les entreprises faisant l'objet d'une procédure d'application de l'article 81 CE se trouve satisfaite lorsque la Commission déclare, dans la communication des griefs, qu'elle examinera s'il conviendra d'infliger des amendes aux entreprises considérées et lorsqu'elle indique les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner l'imposition d'une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée.

(cf. points 68-69)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

29 juin 2006 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Électrodes de graphite – Article 81, paragraphe 1, CE – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Communication sur la coopération – Principe non bis in idem»

Dans l’affaire C-289/04 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 30 juin 2004,

Showa Denko KK, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes. M. Dolmans et P. Werdmuller, advocaten, ainsi que par M. J. Temple-Lang, solicitor,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Hellström et Mme H. Gading, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Tokai Carbon Co. Ltd, établie à Tokyo,

SGL Carbon AG, établie à Wiesbaden (Allemagne),

Nippon Carbon Co. Ltd, établie à Tokyo,

GrafTech International Ltd, anciennement UCAR International Inc., établie à Wilmington (États-Unis),

SEC Corp., établie à Amagasaki (Japon),

The Carbide/Graphite Group Inc., établie à Pittsburgh (États-Unis),

parties demanderesses en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. P. Kūris, G. Arestis et J. Klučka, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la société Showa Denko KK (ci-après «SDK») demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II‑1181, ci-après l’«arrêt attaqué»), en ce qu’il a fixé à 10 440 000 euros le montant de l’amende infligée à la requérante par la décision 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE – Affaire COMP/E‑1/36.490 – Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

Le règlement n° 17

2 L’article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), prévoit:

«1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes d’un montant de cent à cinq mille unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

[…]

b) elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l’article 11, paragraphe 3 ou 5, […]

[…]

2. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité, […]

[…]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

[...]»

Les lignes directrices

3 La communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA» (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices») énonce dans son préambule:

«Les principes posés par les […] lignes directrices devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des...

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