Republic of Poland v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
Date08 December 2020
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0626

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 décembre 2020 ( *1 )

« Recours en annulation – Directive (UE) 2018/957 – Libre prestation des services – Détachement de travailleurs – Conditions de travail et d’emploi – Rémunération – Durée du détachement – Détermination de la base juridique – Articles 53 et 62 TFUE – Modification d’une directive existante – Article 9 TFUE – Principe de non-discrimination – Nécessité – Principe de proportionnalité – Règlement (CE) no 593/2008 – Champ d’application – Transport routier – Article 58 TFUE »

Dans l’affaire C‑626/18,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 3 octobre 2018,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna et Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté initialement par Mmes M. Martínez Iglesias, K. Wójcik et A. Pospíšilová Padowska ainsi que par M. L. Visaggio, puis par Mmes M. Martínez Iglesias et K. Wójcik ainsi que par MM. L. Visaggio et A. Tamás, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. J. Möller et T. Henze, puis par M. Möller, en qualité d’agents,

République française, représentée par Mmes E. de Moustier et A.‑L. Desjonquères ainsi que par M. R. Coesme, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman et C. Schillemans ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer et B.‑R. Killmann ainsi que par Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes E. Ambrosini et K. Adamczyk Delamarre ainsi que par M. A. Norberg, puis par Mmes E. Ambrosini, A. Sikora-Kalėda et Z. Bodnar ainsi que par M. A. Norberg, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. J. Möller et T. Henze, puis par M. J. Möller, en qualité d’agents,

République française, représentée par Mmes E. de Moustier et A.-L. Desjonquères ainsi que par M. R. Coesme, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman et C. Schillemans ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

Royaume de Suède, représenté initialement par Mmes C. Meyer-Seitz, A. Falk, H. Shev, J. Lundberg et H. Eklinder, puis par Mmes C. Meyer-Seitz, H. Shev et H. Eklinder, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer et B.‑R. Killmann ainsi que par Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, M. Vilaras (rapporteur), E. Regan, M. Ilešič et N. Wahl, présidents de chambre, MM. E. Juhász, D. Šváby, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, P. G. Xuereb et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mars 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 mai 2020,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la République de Pologne demande à la Cour, à titre principal, d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 2, sous b), et l’article 3, paragraphe 3, de la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil, du 28 juin 2018, modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 2018, L 173, p. 16, et rectificatif JO 2019, L 91, p. 77) (ci‑après la « directive attaquée »), et, à titre subsidiaire, d’annuler celle-ci dans son intégralité.

I. Le cadre juridique

A. Le traité FUE

2

L’article 9 TFUE est libellé comme suit :

« Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine. »

3

L’article 53 TFUE dispose :

« 1. Afin de faciliter l’accès aux activités non salariées et leur exercice, le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne], statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent des directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres, ainsi qu’à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant l’accès aux activités non salariées et à l’exercice de celles-ci.

2. En ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, la suppression progressive des restrictions est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres. »

4

Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, TFUE :

« La libre circulation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports. »

5

L’article 62 TFUE énonce :

« Les dispositions des articles 51 à 54 inclus sont applicables à la matière régie par le présent chapitre. »

B. La réglementation relative aux travailleurs détachés

1. La directive 96/71/CE

6

La directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1), a été adoptée sur le fondement de l’article 57, paragraphe 2, et de l’article 66 CE (respectivement devenus l’article 53, paragraphe 1, et l’article 62 TFUE).

7

En vertu de son article 3, paragraphe 1, la directive 96/71 avait pour but de garantir aux travailleurs détachés sur le territoire des États membres les conditions de travail et d’emploi concernant les matières qu’elle visait qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail était exécuté, étaient fixées par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou des sentences arbitrales déclarées d’application générale.

8

Parmi les matières concernées par la directive 96/71 figurait, à son article 3, paragraphe 1, sous c), celle relative aux taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires.

2. La directive attaquée

9

La directive attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, et de l’article 62 TFUE.

10

Les considérants 1, 4, 6 et 9 à 11 de la directive attaquée énoncent :

« (1)

La libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation des services sont des principes fondamentaux du marché intérieur consacrés par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’Union renforce la mise en œuvre et l’exécution de ces principes, qui visent à garantir des conditions de concurrence équitables aux entreprises et le respect des droits des travailleurs.

[...]

(4)

Plus de vingt ans après son adoption, il est désormais nécessaire d’apprécier si la directive 96/71[...] parvient encore à établir un juste équilibre entre la nécessité de promouvoir la libre prestation des services et d’assurer des conditions de concurrence équitables, d’une part, et la nécessité de protéger les droits des travailleurs détachés, d’autre part. Afin de garantir l’application uniforme des règles et de susciter une véritable convergence sociale, il convient, parallèlement à la révision de la directive 96/71[...], de donner la priorité à la mise en œuvre et à l’exécution de la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil[, du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive 96/71 et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (“règlement IMI”) (JO 2014, L 159, p. 11)].

[...]

(6)

Le principe de l’égalité de traitement et l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité sont consacrés dans le droit de l’Union depuis les traités fondateurs. Le principe de l’égalité des rémunérations est mis en œuvre par le droit dérivé, non seulement entre les femmes et les hommes, mais aussi entre les travailleurs sous contrat à durée déterminée et les travailleurs sous contrat à durée indéterminée comparables, entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à plein temps et entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs comparables de l’entreprise utilisatrice. Ces principes comprennent l’interdiction de toute mesure qui constitue, directement ou indirectement, une discrimination fondée sur la nationalité. La jurisprudence pertinente de la Cour de justice de l’Union européenne doit être prise en considération pour l’application de ces principes.

[...]

(9)

Le détachement est de nature temporaire. Les travailleurs détachés retournent habituellement dans l’État membre à partir duquel ils ont été détachés après avoir accompli le travail pour lequel ils étaient détachés. Cependant, eu égard à la longue durée de certains détachements et compte tenu du lien entre le marché du travail de l’État membre d’accueil et les travailleurs détachés pour ces longues périodes, lorsque le détachement porte sur des périodes d’une durée supérieure à douze mois, les États membres d’accueil devraient veiller à ce que les entreprises qui détachent des travailleurs sur leur territoire garantissent à ces travailleurs un ensemble de conditions de travail et d’emploi supplémentaires qui s’appliquent obligatoirement aux...

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