Abubacarr Jawo contra Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:218
Docket NumberC-163/17
Celex Number62017CJ0163
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 March 2019
62017CJ0163

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 mars 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Système de Dublin – Règlement (UE) no 604/2013 – Transfert du demandeur d’asile vers l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale – Notion de “fuite” – Modalités de prolongation du délai de transfert – Article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Risque sérieux de traitement inhumain ou dégradant à l’issue de la procédure d’asile – Conditions de vie des bénéficiaires d’une protection internationale dans ledit État membre »

Dans l’affaire C‑163/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (tribunal administratif supérieur du Bade-Wurtemberg, Allemagne), par décision du 15 mars 2017, parvenue à la Cour le 3 avril 2017, dans la procédure

Abubacarr Jawo

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, E. Regan, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, M. Ilešič (rapporteur), J. Malenovský, L. Bay Larsen et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2018,

considérant les observations présentées :

pour M. Jawo, par Mes B. Münch et U. Bargon, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, R. Kanitz et M. Henning ainsi que par Mme V. Thanisch, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mme C. Van Lul et M. P. Cottin, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. L. Cordi et L. D’Ascia, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement hongrois, par Mme M. M. Tátrai ainsi que par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par M. J. Langer ainsi que par Mmes M. Bulterman, C. S. Schillemans et M. Gijzen, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon ainsi que par Mme C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister,

pour le gouvernement suisse, par M. E. Bichet, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. C. Ladenburger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »), ainsi que de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Abubacarr Jawo à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), au sujet d’une décision de transfert de l’intéressé vers l’Italie.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Intitulé « Interdiction de la torture », l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), stipule :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Le droit de l’Union

La Charte

4

Aux termes de l’article 1er de la Charte, intitulé « Dignité humaine » :

« La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

5

L’article 4 de la Charte, intitulé « Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants », énonce :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

6

L’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », énonce, à son premier alinéa :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. »

7

L’article 51 de la Charte, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités. »

8

L’article 52 de la Charte, intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes », énonce, à son paragraphe 3 :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. »

Le règlement Dublin III

9

Le règlement Dublin III a abrogé et a remplacé le règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1, ci-après le « règlement Dublin II »). Les considérants 4, 5, 19, 32 et 39 du règlement Dublin III énoncent :

« (4)

Les conclusions [du Conseil européen, lors de sa réunion spéciale] de Tampere [les 15 et 16 octobre 1999,] ont également précisé que le [régime d’asile européen commun] devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(5)

Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale.

[...]

(19)

Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la [Charte]. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré.

[...]

(32)

Pour ce qui concerne le traitement des personnes qui relèvent du présent règlement, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international, y compris par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière.

[...]

(39)

Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment, par la [Charte]. En particulier, il vise à assurer le plein respect du droit d’asile garanti par l’article 18 de la [Charte] ainsi que des droits reconnus par ses articles 1er, 4, 7, 24 et 47. Le présent règlement devrait donc être appliqué en conséquence. »

10

Aux termes de l’article 2, sous n), du règlement Dublin III, il est entendu par « risque de fuite », aux fins de celui-ci, « dans un cas individuel, l’existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d’un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l’objet d’une procédure de transfert ».

11

L’article 3 du règlement Dublin III, intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale », dispose :

« 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen.

Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des...

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