Josep Peñarroja Fa.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:156
Date17 March 2011
Celex Number62009CJ0372
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-373/09,C-372/09

Affaires jointes C-372/09 et C-373/09

Josep Peñarroja Fa

(demandes de décision préjudicielle, introduites par la Cour de cassation (France))

«Article 43 CE — Liberté d’établissement — Article 49 CE — Libre prestation des services — Restrictions — Experts judiciaires ayant la qualité de traducteur — Exercice de l’autorité publique — Réglementation nationale réservant le titre d’expert judiciaire aux personnes inscrites sur des listes établies par les autorités judiciaires nationales — Justification — Proportionnalité — Directive 2005/36/CE — Notion de ‘profession réglementée’»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Services — Notion

(Art. 50 CE; art. 57 TFUE)

2. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Dérogations — Activités participant à l'exercice de l'autorité publique

(Art. 45, al. 1, CE; art. 51, al. 1, TFUE)

3. Libre prestation des services — Restrictions — Activités exercées par des experts judiciaires dans le domaine de la traduction

(Art. 49 CE; art. 56 TFUE)

4. Libre prestation des services — Restrictions — Activités exercées par des experts judiciaires dans le domaine de la traduction

(Art. 49 CE; art. 56 TFUE)

5. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Travailleurs — Reconnaissance des qualifications professionnelles — Champ d'application de la directive 2005/36 — Notion de «profession réglementée»

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2005/36, art. 3, § 1, a))

1. Une mission confiée au cas par cas par une juridiction, dans le cadre d’un litige qui lui est soumis, à un professionnel en qualité d’expert judiciaire traducteur constitue une prestation de services au sens de l’article 50 CE (devenu article 57 TFUE). La seule circonstance que la rémunération des experts judiciaires soit fixée selon un tarif arrêté par l’autorité publique est sans incidence sur la qualification de prestation de services des travaux qu’ils sont appelés à effectuer.

(cf. points 38, 40, disp. 1)

2. Les activités des experts judiciaires dans le domaine de la traduction ne constituent pas des activités participant à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE (devenu article 51, premier alinéa, TFUE), dès lors que les traductions réalisées par un tel expert ne revêtent qu’un caractère auxiliaire et laissent intacts l’appréciation de l’autorité judiciaire et le libre exercice du pouvoir juridictionnel.

(cf. points 44-45, disp. 2)

3. L’article 49 CE (devenu article 56 TFUE) s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’inscription sur une liste d’experts judiciaires traducteurs est soumise à des conditions de qualification sans que les intéressés puissent obtenir connaissance des motifs de la décision prise à leur égard et sans que celle-ci soit susceptible d’un recours de nature juridictionnelle effectif permettant de vérifier sa légalité, notamment quant au respect de l’exigence, résultant du droit de l’Union, que leur qualification acquise et reconnue dans d’autres États membres ait été dûment prise en compte.

(cf. point 65, disp. 3)

4. L’article 49 CE (devenu article 56 TFUE) s’oppose à une exigence prévue par une loi nationale de laquelle il résulte que nul ne peut figurer sur la liste nationale des experts judiciaires en qualité de traducteur s’il ne justifie de son inscription sur une liste d’experts judiciaires dressée par une cour d’appel pendant trois années consécutives, dès lors qu’il s’avère qu’une telle exigence empêche, dans le cadre de l’examen d’une demande d’une personne établie dans un autre État membre et ne justifiant pas d’une telle inscription, que la qualification acquise par cette personne et reconnue dans un autre État membre soit dûment prise en compte afin de déterminer si et dans quelle mesure celle-ci peut équivaloir aux compétences normalement attendues d’une personne ayant été inscrite pendant trois années consécutives sur une liste d'experts judiciaires dressée par une cour d’appel.

Certes, compte tenu du caractère ponctuel des missions des experts judiciaires traducteurs inscrits sur une liste dressée par une cour d’appel ainsi que du fait qu’il peut s’écouler plusieurs mois ou même années entre des missions successives, il convient de reconnaître à l’État membre concerné une certaine marge d’appréciation quant à la durée estimée nécessaire pour atteindre les objectifs de protection des justiciables et de bonne administration de la justice. Dans ces circonstances, l’exigence d’avoir été inscrit pendant trois années consécutives sur une liste d’experts judiciaires ne va pas, en principe, au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir la réalisation desdits objectifs. Toutefois, l’application d’une telle règle à un expert judiciaire traducteur d’un autre État membre qui a déjà accompli des missions devant les juridictions de ce dernier ou celles d’autres États membres, notamment devant leurs juridictions supérieures, serait disproportionnée au regard du principe selon lequel il incombe aux autorités nationales de veiller notamment à ce que la qualification acquise dans d’autres États membres soit reconnue à sa juste valeur et dûment prise en compte.

(cf. points 74-75, 78, disp. 4)

5. Les missions des experts judiciaires traducteurs prestées par des experts inscrits sur une liste telle que la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation française ne relèvent pas de la notion de «profession réglementée» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dès lors que les dispositions régissant l'inscription sur cette liste ont pour seul objet de faciliter le recours à des professionnels, membres ou non de professions réglementées, et non d’organiser la reconnaissance d’une qualification déterminée, compétence qui n’appartient ni aux cours d’appel ni au bureau de la Cour de cassation, et que, au surplus, ces juridictions peuvent légalement avoir recours à des experts qui ne figurent pas sur lesdites listes.

(cf. points 30, 32, disp. 5)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 mars 2011 (*)

«Article 43 CE ? Liberté d’établissement ? Article 49 CE ? Libre prestation des services – Restrictions ? Experts judiciaires ayant la qualité de traducteur – Exercice de l’autorité publique – Réglementation nationale réservant le titre d’expert judiciaire aux personnes inscrites sur des listes établies par les autorités judiciaires nationales – Justification ? Proportionnalité – Directive 2005/36/CE – Notion de ‘profession réglementée’»

Dans les affaires jointes C‑372/09 et C‑373/09,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la Cour de cassation (France), par décisions du 10 septembre 2009, parvenues à la Cour le 17 septembre 2009, dans les procédures engagées par:

Josep Peñarroja Fa,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen (rapporteur), Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour M. Peñarroja Fa, par lui-même,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, B. Messmer et Mme A. Czubinski, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. H. Støvlbæk, I. Rogalski et Mme C. Vrignon, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. X. Lewis, Mmes F. Simonetti et I. Hauger, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 43 CE, 45 CE, 49 CE et 50 CE, auxquels correspondent actuellement, respectivement, les articles 49 TFUE, 51 TFUE, 56 TFUE et 57 TFUE, ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux recours introduits par M. Peñarroja Fa, ressortissant espagnol, concernant son inscription en qualité de traducteur en langue espagnole, d’une part, sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Paris et, d’autre part, sur la liste nationale des experts judiciaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 1er de la directive 2005/36:

«La présente directive établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées (ci‑après dénommé ‘État membre d’accueil’) reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres (ci‑après dénommé(s) ‘État membre d’origine’) et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.»

4 L’article 3 de cette directive, intitulé «Définitions», dispose:

«1. Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) ‘profession réglementée’: une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives...

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