A. Brünsteiner GmbH (C-376/05) and Autohaus Hilgert GmbH (C-377/05) v Bayerische Motorenwerke AG (BMW).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:753
Date30 November 2006
Celex Number62005CJ0376
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-377/05,C-376/05

Affaires jointes C-376/05 et C-377/05

A. Brünsteiner GmbH et Autohaus Hilgert GmbH

contre

Bayerische Motorenwerke AG

(demandes de décision préjudicielle, introduites par le Bundesgerichtshof)

«Concurrence — Accord de distribution de véhicules automobiles — Exemption par catégorie — Règlement (CE) nº 1475/95 — Article 5, paragraphe 3 — Résiliation par le fournisseur — Réorganisation du réseau — Entrée en vigueur du règlement (CE) nº 1400/2002 — Article 4, paragraphe 1 — Restrictions caractérisées — Conséquences»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 28 septembre 2006

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 30 novembre 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Détermination des questions à soumettre — Compétence exclusive du juge national

(Art. 234 CE)

2. Concurrence — Ententes — Interdiction — Exemption par catégories — Accords dans le secteur automobile — Entrée en vigueur du règlement nº 1400/2002

(Art. 81, § 1, CE; règlements de la Commission nº 1475/95, art. 5, § 3, al. 1, 1er tiret, et nº 1400/2002, art. 10)

3. Concurrence — Ententes — Interdiction — Exemption par catégories — Accords dans le secteur automobile — Entrée en vigueur du règlement nº 1400/2002 — Période transitoire — Expiration

(Art. 81, § 1 et 3, CE; règlements de la Commission nº 1475/95 et nº 1400/2002, art. 4 et 10)

1. Dans le cadre de la procédure préjudicielle, il incombe exclusivement à la juridiction de renvoi de définir l'objet des questions qu'elle entend poser. Il appartient, en effet, aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour.

Dans ces conditions, lorsque, par ses demandes de décision préjudicielle, une juridiction de renvoi vise uniquement à obtenir l'interprétation de dispositions d'un règlement communautaire et n'indique pas qu'elle éprouve des doutes quant à la validité de celles-ci ou qu'une telle question aurait été soulevée devant elle dans les litiges au principal, la Cour ne saurait être tenue d'apprécier leur validité pour le seul motif que cette question a été invoquée devant elle par l'une de ces parties dans ses observations écrites, l'article 234 CE ne constituant pas une voie de recours ouverte aux parties au litige pendant devant le juge national.

(cf. points 26-28)

2. L'entrée en vigueur du règlement nº 1400/2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement nº 1475/95, concernant l'application de l'article [81], paragraphe 3, [CE] à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles. Toutefois, cette entrée en vigueur a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation dudit réseau au sens de cette disposition. Il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies.

À cet égard, si le règlement nº 1400/2002 a certes introduit des modifications substantielles par rapport au régime d'exemption par catégorie institué par le règlement nº 1475/95, les changements susceptibles d'être apportés par les fournisseurs à leurs accords de distribution afin de s'assurer que ceux-ci continuent de relever de l'exemption par catégorie pouvaient résulter d'une simple adaptation des contrats en vigueur à la date à laquelle ce dernier règlement a cessé d'être applicable pendant la période transitoire d'un an prévue à l'article 10 du règlement nº 1400/2002. Une telle adaptation n'entraîne donc automatiquement ni la nécessité, au regard du droit national applicable, de résilier ces contrats ni, en tout état de cause, celle de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau de distribution.

Par ailleurs, une «réorganisation de l'ensemble ou d'une partie substantielle du réseau» au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement nº 1475/95 exige une modification significative, tant sur le plan matériel que géographique, des structures de distribution du fournisseur concerné, laquelle peut porter, notamment, sur la nature ou la forme de ces structures, leur objet, la répartition des tâches internes au sein de telles structures, les modalités de la fourniture des produits et services concernés, le nombre ou la qualité des participants auxdites structures ainsi que leur couverture géographique. Si rien ne l'impose, rien n'exclut non plus qu'une telle réorganisation puisse résulter de la modification des clauses d'un accord de distribution à la suite de l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement d'exemption, tel le règlement nº 1400/2002 qui a introduit des modifications substantielles par rapport au régime d'exemption par catégorie institué par le règlement nº 1475/95, en prévoyant des règles plus strictes que celles instaurées par celui-ci pour l'exemption de certaines restrictions de concurrence relevant de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE.

Quant à la condition prévue à l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement nº 1475/95 relative à la «nécessité» de la réorganisation, elle exige que la réorganisation puisse être justifiée d'une manière plausible par des motifs d'efficacité économique fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur qui, à défaut d'une réorganisation rapide du réseau de distribution, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes dudit réseau. Partant, le seul fait que le fournisseur estime, en se fondant sur une appréciation commerciale subjective de la situation de son réseau de distribution, qu'une réorganisation de celui-ci est nécessaire ne saurait suffire à lui seul pour démontrer la nécessité d'une telle réorganisation au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement nº 1475/95. En revanche, les éventuelles conséquences économiques défavorables que serait susceptible de subir un fournisseur dans l'hypothèse où il procéderait à une résiliation de l'accord de distribution avec un préavis de deux ans sont à cet égard pertinentes.

(cf. points 31-38, 41, disp. 1)

3. L'article 4 du règlement nº 1400/2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, doit être interprété en ce sens que, après l'expiration de la période transitoire prévue à l'article 10 de ce règlement, l'exemption par catégorie prévue par celui-ci était inapplicable aux contrats remplissant les conditions de l'exemption par catégorie prévue par le règlement nº 1475/95, concernant l'application de l'article [81], paragraphe 3, [CE] à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, qui avaient pour objet au moins l'une des restrictions caractérisées énoncées audit article 4, de sorte que l'ensemble des clauses contractuelles restrictives de concurrence contenues dans de tels contrats étaient dès lors susceptibles d'être interdites par l'article 81, paragraphe 1, CE, si les conditions d'une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3, CE n'étaient pas remplies.

En effet, l'article 10 du règlement nº 1400/2002 visant à instaurer une période transitoire en vue de laisser à tous les opérateurs le temps d'adapter à ce règlement les accords compatibles avec le règlement nº 1475/95 qui étaient encore en vigueur à la date à laquelle celui-ci avait cessé d'être applicable et prévoyant, à cette fin, que l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE ne s'applique pas à de tels accords, il résulte clairement des termes mêmes de cette disposition que l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE était applicable à partir du 1er octobre 2003 aux accords n'ayant pas été adaptés en vue de remplir les conditions d'exemption prévues par le règlement nº 1400/2002.

Les conséquences de l'interdiction des clauses contractuelles incompatibles avec l'article 81 CE pour tous les autres éléments de l'accord ou pour d'autres obligations qui en découlent ne relèvent toutefois pas du droit communautaire. Il appartient dès lors à la juridiction nationale d'apprécier, en vertu du droit national applicable, la portée et les conséquences, pour l'ensemble des relations contractuelles, d'une éventuelle interdiction de certaines clauses en vertu de l'article 81 CE.

(cf. points 43-48, 51, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

30 novembre 2006 (*)

«Concurrence – Accord de distribution de véhicules automobiles – Exemption par catégorie – Règlement (CE) nº 1475/95 – Article 5, paragraphe 3 – Résiliation par le fournisseur – Réorganisation du réseau – Entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1400/2002 – Article 4, paragraphe 1 – Restrictions caractérisées – Conséquences»

Dans les affaires jointes C-376/05 et C-377/05,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décisions du 26 juillet 2005, parvenues à la Cour le 12 octobre 2005, dans les procédures

A. Brünsteiner GmbH (C-376/05),

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