European Commission v Hellenic Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:340
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-61/08
Date24 May 2011
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CJ0061

Affaire C-61/08

Commission européenne

contre

République hellénique

«Manquement d’État — Article 43 CE — Liberté d’établissement — Notaires — Condition de nationalité — Article 45 CE — Participation à l’exercice de l’autorité publique — Directive 89/48/CEE»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Dérogations — Activités participant à l'exercice de l'autorité publique — Activités de notaire — Exclusion — Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire — Inadmissibilité

(Art. 43 CE et 45, al. 1, CE)

2. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé — Situation d’incertitude résultant des circonstances particulières survenues lors du processus législatif — Absence de manquement

(Art. 43 CE, 45, al. 1, CE et 226 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2005/36)

1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.

En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.

D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.

Il en va de même d'autres activités confiées au notaire, telles les missions confiées dans le cadre de l’exécution forcée, lors de laquelle il est chargé principalement d’effectuer la vente aux enchères et, en cas d’adjudication, de dresser le cahier des charges, les activités exercées dans le cadre de la liquidation spéciale d’entreprises en difficulté, l’intervention en cas de non-acceptation ou de non-paiement de traites ou de chèques, les transactions et les actes, tels que la constitution et le transfert de droits réels sur des immeubles, la donation d’immeubles, la reconnaissance volontaire de paternité et le legs, les actes de constitution des sociétés et des fondations.

Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, les notaires sont directement et personnellement responsables, à l’égard de leurs clients, des dommages résultant de toute faute commise dans l’exercice de leurs activités.

(cf. points 74, 76-77, 79-84, 86-88, 91-97, 99-100, 102-107, 110)

2. Lorsque, au cours du processus législatif, des circonstances particulières, telle que l’absence de prise de position claire du législateur ou l’absence de précision quant à la détermination du champ d’application d’une disposition du droit de l’Union, donnent lieu à une situation d’incertitude, il n’est pas possible de constater qu’il existait, au terme du délai imparti dans l’avis motivé, une obligation suffisamment claire pour les États membres de transposer une directive.

(cf. points 130-132)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Article 43 CE – Liberté d’établissement – Notaires – Condition de nationalité – Article 45 CE – Participation à l’exercice de l’autorité publique – Directive 89/48/CEE»

Dans l’affaire C‑61/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 13 février 2008,

Commission européenne, représentée par MM. G. Zavvos et H. Støvlbæk, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. S. Ossowski, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

République hellénique, représentée par M. V. Christianos ainsi que par Mmes E.-M. Mamouna et A. Samoni-Rantou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

République tchèque, représentée par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme E. Matulionytė, en qualité d’agents,

République de Slovénie, représentée par Mmes V. Klemenc et Ž. Cilenšek Bončina, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par M. J. Čorba et Mme B. Ricziová, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J.‑J. Kasel, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis, M. Ilešič, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire et en ne transposant pas, pour cette profession, la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), telle que modifiée par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001 (JO L 206, p. 1, ci-après la «directive 89/48»), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 45 CE ainsi que de la directive 89/48.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 Le douzième considérant de la directive 89/48 énonçait que «le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur ne préjuge en rien l’application de l’article [45 CE]».

3 L’article 2 de la directive 89/48 était ainsi libellé:

«La présente directive s’applique à tout ressortissant d’un État membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un État membre d’accueil.

La présente directive ne s’applique pas aux professions qui font l’objet d’une directive spécifique instaurant entre les États membres une reconnaissance mutuelle des diplômes.»

4 La profession de notaire n’a fait l’objet d’aucune réglementation du type de celle visée audit article 2, second alinéa.

5 La directive 89/48 prévoyait un délai de transposition expirant, conformément à son article 12, le 4 janvier 1991.

6 La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22), a abrogé, en vertu de son article 62, la directive 89/48 avec effet à partir du 20 octobre 2007.

7 Le quarante et unième considérant de la directive 2005/36 énonce que...

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