Sumitomo Metal Industries Ltd (C-403/04 P) and Nippon Steel Corp. (C-405/04 P) v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:52
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-403/04,C-405/04
Date25 January 2007
Celex Number62004CJ0403

Affaires jointes C-403/04 P et C-405/04 P

Sumitomo Metal Industries Ltd et Nippon Steel Corp.

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Marché des tubes en acier sans soudure — Protection des marchés nationaux — Charge et administration de la preuve — Durée de la procédure devant le Tribunal»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 12 septembre 2006

Arrêt de la Cour (première chambre) du 25 janvier 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation

(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 51)

2. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d'un accord anticoncurrentiel

(Art. 81, § 1, CE)

3. Concurrence — Ententes — Preuve

(Art. 81, § 1, CE)

4. Pourvoi — Moyens — Motivation insuffisante ou contradictoire — Recevabilité

5. Concurrence — Ententes — Preuve

6. Pourvoi — Moyens — Moyen articulé à l'encontre d'un motif de l'arrêt non nécessaire pour fonder son dispositif — Moyen inopérant

7. Procédure — Durée de la procédure devant le Tribunal — Délai raisonnable — Critères d'appréciation

1. En cas de pourvoi, la Cour n'est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour.

Le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s'étend donc, notamment, à l'inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve, à la qualification juridique de ceux-ci et à la question de savoir si les règles en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectées.

À cet égard, la question de savoir si le Tribunal a appliqué la norme juridique correcte lors de l'examen des éléments de preuve constitue une question de droit.

Il n'en va, en revanche, pas ainsi de l'appréciation du Tribunal selon laquelle les éléments de preuve étaient non pas ambigus mais, au contraire, précis et concordants pour permettre de fonder la conviction que l'infraction avait été commise.

De même, l'appréciation du Tribunal selon laquelle des déclarations doivent être considérées comme un élément de preuve précis ne saurait pas non plus, en principe, être remise en cause devant la Cour.

(cf. points 38-40, 56, 64-65, 100-101)

2. Lorsque la Commission a réussi à réunir des preuves documentaires à l'appui de l'infraction alléguée, et que ces preuves apparaissent suffisantes pour démontrer l'existence d'un accord de nature anticoncurrentielle, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si l'entreprise accusée avait un intérêt commercial audit accord.

S'agissant, en particulier, d'accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.

La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l'entreprise a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à son résultat et qu'elle s'y conformerait.

(cf. points 46-48, 58, 74)

3. Il est usuel que les activités que des pratiques et accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s'ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence.

En effet, si, certes, en vertu du principe de la présomption d'innocence, l'existence d'un doute doit profiter à l'entreprise incriminée, rien ne s'oppose à la constatation d'une infraction dès que celle-ci s'avère établie.

(cf. points 51-52)

4. La question de savoir si la motivation d'un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d'un pourvoi.

(cf. point 77)

5. Une déclaration faite en tant que représentant d'une société et reconnaissant l'existence d'une infraction commise par celle-ci induit des risques juridiques et économiques considérables, ce qui rend extrêmement improbable qu'elle soit faite sans que son auteur ait disposé d'informations fournies par des employés de ladite société qui ont, quant à eux, une connaissance directe des faits incriminés. Dans ces conditions, l'absence de connaissance directe des faits par le représentant de la société lui-même n'affecte pas la valeur probante que le Tribunal a pu attribuer à une telle déclaration.

(cf. point 103)

6. Dans le cadre d'un pourvoi, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d'un arrêt du Tribunal doivent être d'emblée rejetés, puisque ceux-ci ne sauraient entraîner son annulation.

(cf. point 106)

7. Le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable, qui s'inspire de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, et notamment le droit à un procès dans un délai raisonnable, est applicable dans le cadre d'un recours juridictionnel contre une décision de la Commission infligeant à une entreprise des amendes pour violation du droit de la concurrence.

Le caractère raisonnable du délai est apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes.

À cet égard, la liste de ces critères n'est pas exhaustive et l'appréciation du caractère raisonnable du délai n'exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun d'eux lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d'un seul. Ainsi, la complexité d'une affaire caractérisée par l'introduction de plusieurs recours, dans différentes langues de procédure, ayant dû être examinés parallèlement et ayant nécessité une instruction approfondie peut être retenue pour justifier un délai de prime abord trop long.

(cf. points 115-117, 121)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

25 janvier 2007 (*)

Table des matières

I – La décision litigieuse

A – L’entente

B – La durée de l’entente

C – Le dispositif de la décision litigieuse

II – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

III – La procédure devant la Cour

IV – Sur les pourvois

A – Sur le moyen soulevé par Nippon Steel, tiré d’erreurs de droit lors de la définition du niveau d’exigence en matière de preuve

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la première branche du moyen

b) Sur la deuxième branche du moyen

c) Sur la troisième branche du moyen

d) Sur la quatrième branche du moyen

B – Sur le premier moyen soulevé par Sumitomo, tiré d’erreurs de droit quant à la participation des producteurs japonais à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

C – Sur le second moyen soulevé par Sumitomo, tiré de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

V – Sur les dépens

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché des tubes en acier sans soudure – Protection des marchés nationaux – Charge et administration de la preuve – Durée de la procédure devant le Tribunal»

Dans les affaires jointes C-403/04 P et C-405/04 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits le 22 septembre 2004,

Sumitomo Metal Industries Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par M. C. Vajda, QC, Mme G. Sproul et M. S. Szlezinger, solicitors (C-403/04 P),

Nippon Steel Corp., établie à Tokyo, représentée par Mes J.-F. Bellis et K. Van Hove, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg (C-405/04 P),

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

JFE Engineering Corp., anciennement NKK Corp., établie à Tokyo, ayant élu domicile à Luxembourg,

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