Hochtief AG v Budapest Főváros Önkormányzata.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:635
Docket NumberC-300/17
Celex Number62017CJ0300
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 August 2018
62017CJ0300

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

7 août 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Procédures de recours – Directive 89/665/CE – Action en dommages et intérêts – Article 2, paragraphe 6 – Réglementation nationale subordonnant la recevabilité de toute action en dommages et intérêts à la constatation préalable et définitive de l’illégalité de la décision du pouvoir adjudicateur à l’origine du dommage allégué – Recours en annulation – Recours préalable devant une commission arbitrale – Contrôle juridictionnel des sentences de la commission arbitrale – Réglementation nationale excluant la production de moyens non soulevés devant la commission arbitrale – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à une protection juridictionnelle effective – Principes d’effectivité et d’équivalence »

Dans l’affaire C‑300/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 11 mai 2017, parvenue à la Cour le 24 mai 2017, dans la procédure

Hochtief AG

contre

Budapest Főváros Önkormányzata,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby et M. Vilaras (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 avril 2018,

considérant les observations présentées :

pour Hochtief AG, par MM. A. László, ügyvéd, et I. Varga, konzulens,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Tassopoulou, D. Tsagkaraki et E. Tsaousi ainsi que par M. K. Georgiadis, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. P. Ondrůšek et A. Tokár, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2014, L 94, p. 1) (ci-après la « directive 89/665 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Hochtief AG au Budapest Főváros Önkormányzata (gouvernement local de Budapest, Hongrie, ci-après le « pouvoir adjudicateur ») dans le cadre d’une action en réparation d’un dommage que Hochtief aurait subi à la suite d’une violation des règles en matière de marchés publics.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665 prévoit :

« Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive 2014/24/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65)] ou de la directive [2014/23], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. »

4

L’article 1er, paragraphe 3, de cette directive dispose :

« Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. »

5

L’article 2, paragraphes 1, 2 et 6, de ladite directive prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant :

[…]

b)

d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause ;

c)

d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation.

2. Les pouvoirs visés au paragraphe 1 et aux articles 2 quinquies et 2 sexies peuvent être conférés à des instances distinctes responsables d’aspects différents des procédures de recours.

[…]

6. Les États membres peuvent prévoir que, lorsque des dommages et intérêts sont réclamés au motif que la décision a été prise illégalement, la décision contestée doit d’abord être annulée par une instance ayant la compétence nécessaire à cet effet. »

Le droit hongrois

6

L’article 108, paragraphe 3, du közbeszerzésekről szóló 2003. évi CXXIX. törvény (loi no CXXIX de 2003 relative aux marchés publics, Magyar Közlöny 2003/157, ci-après la « loi relative aux marchés publics »), dispose :

« Le candidat peut modifier sa demande de participation à l’expiration du délai de présentation des candidatures au plus tard. »

7

L’article 350 de cette loi prévoit :

« La possibilité de faire valoir une prétention de droit civil en cas d’infraction aux règles gouvernant les marchés publics et l’attribution des marchés publics est subordonnée à la condition que l’infraction soit constatée de manière définitive par la commission arbitrale des marchés publics ou – dans le cadre du contrôle juridictionnel d’une sentence de la commission arbitrale – un tribunal. »

8

L’article 351 de ladite loi est rédigé comme suit :

« Si le soumissionnaire ne réclame de compensation au pouvoir adjudicateur que pour les frais qu’il a exposés dans le cadre de la préparation de l’offre et de la participation à la procédure d’attribution du marché, il suffit, pour faire valoir cette créance d’indemnisation, qu’il prouve que

a)

le pouvoir adjudicateur a enfreint une disposition des règles gouvernant les marchés publics et l’attribution des marchés publics,

b)

il avait de réelles chances d’obtenir le marché et

c)

l’infraction a eu une influence défavorable sur ses chances d’obtenir le marché. »

9

L’article 339/A du Polgári perrendtartásról szóló 1952. évi III. törvény (loi no III de 1952 instituant le code de procédure civile, ci-après le « code de procédure civile ») prévoit :

« Sauf disposition législative contraire, un tribunal contrôle une décision administrative sur la base des règles juridiques en vigueur lorsque la décision a été prise et des éléments de fait tels qu’ils se présentaient à l’époque. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Le 5 février 2005, le pouvoir adjudicateur a publié un appel à participer à une procédure de passation d’un marché public de travaux d’un montant dépassant le seuil prévu par le droit de l’Union, suivant la procédure négociée avec publication préalable d’un avis de marché. Cinq candidatures ont été reçues dans le délai requis, dont l’une était celle du consortium HOLI (ci-après le « consortium »), dirigé par Hochtief.

11

Le 19 juillet 2005, le pouvoir adjudicateur a annoncé au consortium que sa candidature était invalide en raison d’une incompatibilité et avait été rejetée. Cette décision était motivée par le fait que le consortium avait désigné comme chef de projet un expert qui avait participé à la préparation de l’appel d’offres aux côtés du pouvoir adjudicateur.

12

Par sentence du 12 septembre 2005, le Közbeszerzési Döntőbizottság (commission arbitrale des marchés publics, Hongrie, ci-après la « commission arbitrale ») a rejeté le recours introduit par le consortium contre cette décision. Cette commission a estimé que la désignation de l’expert dans la demande de participation ne pouvait être considérée comme une erreur administrative, comme le faisait valoir Hochtief. Si cette dernière était autorisée à corriger cette erreur, cela impliquerait une modification de la demande de participation, exclue par l’article 108, paragraphe 3, de la loi relative aux marchés publics. La commission arbitrale a également considéré que le pouvoir adjudicateur n’avait pas agi illégalement en poursuivant la procédure avec deux candidats seulement, dès lors que l’article 130, paragraphe 7, de cette loi prévoyait que, s’il restait un nombre de candidats ayant présenté une demande de participation appropriée se situant dans la fourchette fixée, ces derniers devaient être invités à soumissionner.

13

Par jugement du 28 avril 2006, le Fővárosi Bíróság (tribunal de Budapest, Hongrie) a rejeté le recours introduit par le consortium contre la sentence du 12 septembre 2005.

14

Par décision du 13 février 2008, la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest-Capitale, Hongrie), saisie de l’appel interjeté par le consortium contre le jugement du 28 avril 2006, a saisi la Cour d’une demande de décision...

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