European Commission v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:812
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-304/09
Date22 December 2010
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CJ0304

Affaire C-304/09

Commission européenne

contre

République italienne

«Manquement d’État — Aides d’État — Aides en faveur des sociétés récemment cotées en Bourse — Récupération»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Non-respect de l'obligation de récupérer les aides illégales — Moyens de défense — Impossibilité absolue d'exécution

(Art. 10 CE, 88, § 2, CE et 249 CE)

2. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Application du droit national — Adoption des mesures provisoires de suspension — Admissibilité — Conditions

(Règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14, § 3)

1. L'État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 249 CE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. L’État membre doit parvenir à une récupération effective des sommes dues. Une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ainsi que les démarches législatives destinées à garantir l’exécution, par les juridictions nationales, d’une décision de la Commission obligeant l’État membre à récupérer l’aide illégale, qui sont prises trop tard ou qui s’avèrent inefficaces, ne sauraient satisfaire aux exigences du traité.

En effet, un État membre qui ne prend pas, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de supprimer un régime d’aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par une décision de la Commission et de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées en vertu dudit régime manque aux obligations qui lui incombent en vertu de cette décision.

Le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause.

La condition d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui permettraient de surmonter les difficultés.

Un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l’État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 10 CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides.

(cf. points 31-32, 35-37, 42, 58 et disp.)

2. Les juridictions nationales sont tenues, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, de garantir la pleine effectivité de la décision ordonnant la récupération de l’aide illégale et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par cette décision.

En ce qui concerne les mesures provisoires de suspension adoptées par les juridictions nationales, de telles mesures peuvent être accordées sous réserve que certaines conditions soient réunies, à savoir: premièrement, si cette juridiction a des doutes sérieux sur la validité de l’acte de l’Union et si, pour le cas où la Cour de justice ne serait pas déjà saisie de la question de validité de l’acte contesté, elle la lui renvoie elle-même; deuxièmement, s’il y a urgence, en ce sens que les mesures provisoires sont nécessaires pour éviter que la partie qui les sollicite subisse un préjudice grave et irréparable; troisièmement, si la juridiction prend dûment en compte l’intérêt de l’Union; quatrièmement, si, dans l’appréciation de toutes ces conditions, la juridiction nationale respecte les décisions de la Cour ou du Tribunal statuant sur la légalité de l’acte de l’Union ou une ordonnance de référé visant à l’octroi, au niveau de l’Union européenne, de mesures provisoires similaires. À cet égard, il convient de souligner que la juridiction nationale ne peut pas se limiter à saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité, mais doit indiquer, au moment d’octroyer la mesure de référé, les raisons pour lesquelles elle estime que la Cour sera amenée à constater l’invalidité de l’acte de l’Union.

(cf. points 44-46)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Manquement d’État – Aides d’État – Aides en faveur des sociétés récemment cotées en Bourse – Récupération»

Dans l’affaire C‑304/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, introduit le 30 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et V. Di Bucci ainsi que par Mme E. Righini, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, E. Levits et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 septembre 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de supprimer le régime d’aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2006/261/CE de la Commission, du 16 mars 2005, concernant le régime d’aides n° C 8/2004 (ex NN 164/2003) mis à exécution par l’Italie en faveur de sociétés récemment cotées en Bourse (JO 2006, L 94, p. 42), et de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées en vertu dudit régime, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et des dispositions des articles 2 à 4 de cette décision.

Le cadre juridique

2 Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3 L’article 14 du règlement n° 659/1999, intitulé «Récupération de l’aide», énonce:

«1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [242 CE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4 Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, de ce même règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l’article [88, paragraphe 2, CE].»

Le cadre factuel et la décision 2006/261

5 Par l’article 1er de sa décision 2006/261, la Commission a déclaré que le régime d’aides d’État, mis à exécution par la République italienne sous forme d’incitations fiscales en faveur de sociétés admises à la cote d’un marché réglementé européen, était incompatible avec le marché commun.

6 Ainsi qu’il résulte de ladite décision, le régime d’aides en cause conférait deux types d’avantages économiques. En premier lieu, il introduisait en faveur des sociétés admises à la cote d’une Bourse de valeurs réglementée un taux réduit de 20 % de l’impôt sur le revenu des sociétés, augmentant ainsi pendant trois ans le bénéfice net réalisé par ces sociétés dans le cadre de toute activité économique. En second...

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