Rhimou Chakroun v Minister van Buitenlandse Zaken.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:117
Docket NumberC-578/08
Celex Number62008CJ0578
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 March 2010

Affaire C-578/08

Rhimou Chakroun

contre

Minister van Buitenlandse Zaken

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State)

«Droit au regroupement familial — Directive 2003/86/CE — Notion de ‘recours au système d’aide sociale’- Notion de ‘regroupement familial’ — Formation de famille»

Sommaire de l'arrêt

1. Visas, asile, immigration — Politique d'immigration — Droit au regroupement familial — Directive 2003/86

(Directive du Conseil 2003/86, art. 7, § 1, initio et c))

2. Visas, asile, immigration — Politique d'immigration — Droit au regroupement familial — Directive 2003/86

(Directive du Conseil 2003/86, art. 2, initio et d), et 7, § 1, initio et c))

1. La phrase «recourir au système d'aide sociale» figurant à l'article 7, paragraphe 1, initio et sous c), de la directive 2003/86, relative au regroupement familial, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne permet pas à un État membre d'adopter une réglementation relative au regroupement familial refusant celui-ci à un regroupant qui a prouvé qu'il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes lui permettant de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille, mais qui, eu égard au niveau de ses revenus, pourra néanmoins faire appel à une assistance spéciale en cas de dépenses particulières et individuellement déterminées nécessaires à sa subsistance, à des remises d'impôt accordées par des collectivités locales en fonction des revenus ou à des mesures de soutien aux revenus dans le cadre de la politique minimale communale.

En effet, l'autorisation du regroupement familial étant, selon la directive, la règle générale, la faculté prévue à l'article 7, paragraphe 1, initio et sous c), de celle-ci doit être interprétée de manière stricte. Par ailleurs, la marge de manoeuvre reconnue aux États membres ne doit pas être utilisée par ceux-ci d'une manière qui porterait atteinte à l'objectif de la directive, qui est de favoriser le regroupement familial, et à l'effet utile de celle-ci.

(cf. points 43, 52, disp. 1)

2. La directive 2003/86, relative au regroupement familial, et en particulier l'article 2, initio et sous d), de celle-ci, doit être interprétée en ce sens que cette disposition s'oppose à une réglementation nationale qui, pour l'application des conditions de revenus posées à l'article 7, paragraphe 1, initio et sous c), de la dite directive, fait une distinction selon que les liens familiaux sont antérieurs ou postérieurs à l'entrée du regroupant sur le territoire de l'État membre d'accueil.

En effet, eu égard à l'absence de distinction, voulue par le législateur de l'Union, selon le moment auquel se constitue la famille, et compte tenu de la nécessité de ne pas interpréter les dispositions de la directive 2003/86 de façon restrictive ainsi que de ne pas les priver de leur effet utile, les États membres ne disposent pas d'une marge d'appréciation leur permettant de réintroduire cette distinction dans leur législation nationale de transposition de la directive. Au demeurant, l'aptitude d'un regroupant à disposer de ressources régulières et suffisantes pour faire face à ses besoins et à ceux de sa famille au sens de l'article 7, paragraphe 1, initio et sous c), n'est en rien susceptible de dépendre du moment auquel il a constitué sa famille.

(cf. points 64, 66, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 mars 2010 (*)

«Droit au regroupement familial – Directive 2003/86/CE – Notion de ‘recours au système d’aide sociale’– Notion de ‘regroupement familial’ – Formation de famille»

Dans l’affaire C‑578/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 23 décembre 2008, parvenue à la Cour le 29 décembre 2008, dans la procédure

Rhimou Chakroun

contre

Minister van Buitenlandse Zaken,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 octobre 2009,

considérant les observations présentées:

– pour Mme Chakroun, par Me R. Veerkamp, en qualité d’avocat,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hellénique, par Mme T. Papadopoulou, M. G. Kanellopoulos et Mme Z. Chatzipavlou, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Condou-Durande et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 décembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, initio et sous d), ainsi que 7, paragraphe 1, initio et sous c), de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au regroupement familial (JO L 251, p. 12, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Chakroun au minister van Buitenlandse Zaken (ministre des Affaires étrangères, ci-après le «minister») au sujet du refus, opposé à la requérante au principal, de lui accorder un permis de séjour provisoire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 La directive fixe les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres.

4 Les deuxième, quatrième et sixième considérants de la directive sont rédigés comme suit:

«(2) Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la ‘CEDH’)], et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 [JO C 364, p. 1, ci-après la ‘charte’].

[...]

(4) Le regroupement familial est un moyen nécessaire pour permettre la vie en famille. Il contribue à la création d’une stabilité socioculturelle facilitant l’intégration des ressortissants de pays tiers dans les États membres, ce qui permet par ailleurs de promouvoir la cohésion économique et sociale, objectif fondamental de la Communauté énoncé dans le traité.

[…]

(6) Afin d’assurer la protection de la famille ainsi que le maintien ou la création de la vie familiale, il importe de fixer, selon des critères communs, les conditions matérielles pour l’exercice du droit au regroupement familial.»

5 L’article 2, initio et sous a) à d), de la directive énonce les définitions suivantes:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) ‘ressortissant de pays tiers’: toute personne qui n’est pas citoyenne de l’Union au sens de l’article 17, paragraphe 1, du traité;

b) ‘réfugié’: tout ressortissant de pays tiers ou apatride bénéficiant d’un statut de réfugié au sens de la convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, modifiée par le protocole signé à New York le 31 janvier 1967;

c) ‘regroupant’: un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre;

d) ‘regroupement familial’: l’entrée et le séjour dans un État membre des membres de la famille d’un ressortissant de pays tiers résidant légalement dans cet État membre afin de maintenir l’unité familiale, que les liens familiaux soient antérieurs ou postérieurs à l’entrée du regroupant.»

6 L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive dispose:

«Les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu’à l’article 16, des membres de la famille suivants:

a) le conjoint du regroupant».

7 L’article 7, paragraphe 1, de la directive prévoit:

«Lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose:

a) d’un logement considéré comme normal pour une famille de taille comparable dans la même région et qui répond aux normes générales de salubrité et de sécurité en vigueur dans l’État membre concerné;

b) d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques normalement couverts pour ses propres ressortissants dans l’État membre concerné, pour lui-même et les membres de sa famille;

c) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. Les États membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et leur régularité et peuvent tenir compte du niveau des rémunérations et des pensions minimales nationales ainsi que du nombre de membres que compte la famille.»

8 L’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Le présent chapitre s’applique au regroupement familial des réfugiés reconnus comme tels par les États membres.

2. Les États membres peuvent limiter l’application du présent chapitre aux réfugiés dont les liens familiaux sont antérieurs à leur entrée sur le territoire.»

9 L’article 17 de la directive est rédigé comme suit:

«Les États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans...

To continue reading

Request your trial
26 practice notes
  • G.S. and V.G. v Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 Diciembre 2019
    ...2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84), and from the limitation — apparent, in particular, from the judgment of 4 March 2010, Chakroun (C‑578/08, EU:C:2010:117) — of the leeway of the Member States when applying Directive 20 Nevertheless, in the light, inter alia, of recital 2 of Directive 2......
  • X v Belgische Staat.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 Octubre 2019
    ...level, irrespective of an actual examination of the situation of each applicant (see, to that effect, judgment of 4 March 2010, Chakroun, C‑578/08, EU:C:2010:117, paragraph 48). 40 Accordingly, it follows from Article 7(1)(c) of Directive 2003/86 that it is not the source of the resources, ......
  • Naime Dogan v Bundesrepublik Deutschland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 30 Abril 2014
    ...que les mesures d’intégration ne peuvent s’appliquer qu’une fois que les personnes concernées ont bénéficié du regroupement familial. ( 45 ) C‑578/08, EU:C:2010:117, point 43; voir également arrêt O. e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point ( 46 ) Directive du Conseil, du 25 novembr......
  • Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 27 June 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Junio 2018
    ...case with the requirements laid down in that article, which have been interpreted by the Court in the judgments of 4 March 2010, Chakroun (C‑578/08, EU:C:2010:117), and of 21 April 2016, Khachab (C‑558/14, EU:C:2016:285). When assessing Article 7(1)(c) of that directive, the Court has taken......
  • Request a trial to view additional results
25 cases
8 books & journal articles

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT