G.S. and V.G. v Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1072
Docket NumberC-382/18,C-381/18
Date12 December 2019
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62018CJ0381
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0381

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 décembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Directive 2003/86/CE – Droit au regroupement familial – Conditions requises pour l’exercice du droit au regroupement familial – Notion de “raisons d’ordre public” – Rejet d’une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille – Retrait d’un titre de séjour d’un membre de la famille ou refus de le renouveler »

Dans les affaires jointes C‑381/18 et C‑382/18,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), par décisions du 6 juin 2018, parvenues à la Cour le 11 juin 2018, dans les procédures

G.S. (C‑381/18),

V.G. (C‑382/18)

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2019,

considérant les observations présentées :

pour G.S., par Mes M. Strooij et J. Hoftijzer, advocaten,

pour V.G., par Mes V. Sarkisian et N. Melehi, advocaten,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. L. Noort et M. A. M. de Ree ainsi que M. J.M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par M. R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme C. Cattabriga et M. G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant G.S. (affaire C‑381/18) et V.G. (affaire C‑382/18) au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État ») au sujet de la légalité, d’une part, d’une décision ayant refusé le renouvellement du permis de séjour accordé à G.S. au titre du regroupement familial et procédé au retrait rétroactif de ce permis de séjour, ainsi que, d’autre part, d’une décision ayant rejeté la demande de V.G. d’octroi d’un permis de séjour au titre du regroupement familial.

Le cadre juridique

La directive 2003/86

3

Les considérants 2 et 14 de la directive 2003/86 sont libellés comme suit :

« (2)

Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950,] et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[...]

(14)

Le regroupement familial peut être refusé pour des raisons dûment justifiées. Notamment, la personne qui souhaite se voir accorder le regroupement familial ne devrait pas constituer une menace pour l’ordre public et la sécurité publique. La notion d’ordre public peut couvrir la condamnation pour infraction grave. Dans ce cadre, il est à noter que les notions d’ordre public et de sécurité publique couvrent également les cas où un ressortissant d’un pays tiers appartient à une association qui soutient le terrorisme, qui soutient une association de ce type ou a des visées extrémistes. »

4

Aux termes de l’article 2, sous c), de cette directive, le « regroupant » est défini comme « un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre ».

5

L’article 3, paragraphe 3, de ladite directive dispose :

« La présente directive ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union. »

6

L’article 4, paragraphe 1, de la même directive prévoit que les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à celle-ci et sous réserve du respect des conditions visées à son chapitre IV ainsi qu’à son article 16, des membres de la famille qu’il énumère.

7

L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 énonce :

« 1. Les États membres peuvent rejeter une demande d’entrée et de séjour d’un des membres de la famille pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

2. Les États membres peuvent retirer le titre de séjour d’un membre de la famille ou refuser de le renouveler pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

Lorsqu’ils prennent une telle décision, les États membres tiennent compte, outre de l’article 17, de la gravité ou de la nature de l’infraction à l’ordre public ou à la sécurité publique commise par le membre de la famille, ou des dangers que cette personne est susceptible de causer. »

8

L’article 17 de cette directive est ainsi rédigé :

« Les États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas de rejet d’une demande, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour, ainsi qu’en cas d’adoption d’une mesure d’éloignement du regroupant ou des membres de sa famille. »

La directive 2004/38/CE

9

L’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), énonce :

« Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C-381/18

10

Le 8 avril 2009, G.S., ressortissant d’un pays tiers, s’est vu délivrer, aux Pays-Bas, sur le fondement des dispositions nationales relatives au regroupement familial, un permis de séjour en qualité de « partenaire » d’un regroupant. Ce permis a été renouvelé pour la période allant du 9 mars 2010 au 28 août 2014.

11

Le 17 août 2012, G.S. a été condamné en Suisse à une peine d’emprisonnement de quatre ans et trois mois du chef de participation à un trafic de stupéfiants, pour des faits s’étant déroulés jusqu’au 4 septembre 2010.

12

Il a ensuite déposé une demande de renouvellement de son permis de séjour aux Pays-Bas.

13

Le 24 septembre 2015, le secrétaire d’État a rejeté cette demande pour des raisons d’ordre public. Il a également retiré, avec effet rétroactif au 4 septembre 2010, le permis de séjour dont G.S. bénéficiait et a prononcé, à son égard, une interdiction d’entrée.

14

Pour adopter ces décisions, le secrétaire d’État s’est fondé sur un cadre d’évaluation de droit national permettant de retirer un permis de séjour ou de refuser son renouvellement lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine suffisamment importante par rapport à la durée de son séjour régulier aux Pays-Bas. En outre, le secrétaire d’État a procédé à la mise en balance des intérêts de ladite personne et de son partenaire avec l’intérêt général s’attachant à la protection de l’ordre public.

15

À la suite d’une réclamation introduite par G.S., le secrétaire d’État a, par une décision du 21 octobre 2016, admis son recours en ce qui concerne l’interdiction d’entrée et a déclaré que G.S. ne pouvait pas séjourner de manière régulière sur le territoire des Pays-Bas. Pour le reste, le secrétaire d’État a maintenu ses décisions initiales.

16

G.S. a introduit un recours contre les décisions du secrétaire d’État devant le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Amsterdam (tribunal de La Haye, siégeant à Amsterdam, Pays-Bas). Par un jugement du 3 février 2017, cette juridiction a annulé la décision du 24 septembre 2015 en tant qu’elle avait prononcé une interdiction d’entrée et la décision du 21 octobre 2016 en tant qu’elle avait déclaré que G.S. ne pouvait pas séjourner de manière régulière sur le territoire des Pays‑Bas. En revanche, elle a...

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