Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED) v Diputación General de Aragón.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:291
Date26 April 2018
Celex Number62016CJ0236
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-236/16
62016CJ0236

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 avril 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Impôt régional sur les grands établissements commerciaux – Liberté d’établissement – Protection de l’environnement et aménagement du territoire – Aide d’État – Mesure sélective »

Dans les affaires C‑236/16 et C‑237/16,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par décisions des 10 et 11 mars 2016, parvenues à la Cour le 25 avril 2016, dans les procédures

Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED)

contre

Diputación General de Aragón,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C.G. Fernlund, J.–C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev et E. Regan, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2017,

considérant les observations présentées :

pour l’Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED), par Mes J. Pérez-Bustamante Köster et F. Löwhagen, abogados, ainsi que par M. J. M. Villasante García, procurador,

pour la Diputación General de Aragón, par Me I. Susín Jiménez Ignacio, letrado, et M. J. A. Morales Hernández-San, procurador,

pour la Commission européenne, par Mmes N. Gossement et P. Němečková ainsi que par M. G. Luengo, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 49 et 54 TFUE ainsi que de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant l’Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED) à la Diputación General de Aragón (gouvernement régional d’Aragon, Espagne) au sujet de la légalité d’un impôt auquel sont soumis les grands établissements commerciaux situés dans la Communauté autonome d’Aragon.

Le droit espagnol

3

La Ley de las Cortes de Aragón 13/2005, de medidas fiscales y administrativas en materia de tributos cedidos y tributos propios de la Comunidad Autónoma de Aragón (loi du Parlement d’Aragon 13/2005, portant mesures fiscales et administratives en matière de droits cédés et de droits propres à la Communauté autonome d’Aragon), du 30 décembre 2005 (BOA no 154, du 31 décembre 2005, ci-après la « loi 13/2005 »), a institué, à partir du 1er janvier 2006, un impôt sur le préjudice environnemental causé par les grandes surfaces de ventes (ci‑après l’« IDMGAV »).

4

L’article 28 de la loi 13/2005 précise que cet impôt vise à imposer l’activité des établissements commerciaux, au motif qu’elle induit de nombreux déplacements de véhicules et a, de ce fait, une influence négative sur l’environnement et le territoire de la Communauté autonome d’Aragon.

5

L’article 29 de la loi 13/2005 indique qu’un établissement commercial est réputé disposer d’une grande surface de vente lorsque la surface de vente ouverte au public est supérieure à 500 m2.

6

L’article 32 de la loi 13/2005 précise que sont redevables de l’IDMGAV les « titulaires de l’activité et du commerce causant le préjudice environnemental soumis à l’impôt ».

7

L’article 33 de la loi 13/2005 prévoit que sont exonérés dudit impôt les établissements commerciaux dont l’activité principale consiste à vendre les produits suivants : machines-outils, véhicules, outillage et fourniture industrielles ; matériaux de construction, équipements sanitaires, portes et fenêtres, vendus exclusivement à des professionnels ; pépinières pour le jardinage et la culture ; mobilier vendu dans les établissements individuels, « traditionnels » et spécialisés ; véhicules automobiles, en salles d’exposition de concessionnaires et en ateliers de réparation ; combustibles et carburant.

8

L’article 34 de cette loi précise les modalités de calcul de la base d’imposition et l’article 35 de celle-ci fixe les modalités de calcul de cet impôt, qui prévoient notamment l’application d’un coefficient en fonction du lieu de l’établissement, lorsque la base d’imposition dépasse 2000 m2. Il en résulte que le montant de l’impôt dû serait égal à 0 lorsque cette base d’imposition est inférieure ou égale à 2000 m2.

9

Le régime juridique de cet impôt a ensuite été précisé par des dispositions similaires du Decreto 1/2007 del Gobierno de Aragón, por el que se aprueba el Reglamento de desarrollo parcial de la Ley 13/2005 (décret 1/2007, du gouvernement régional d’Aragon, portant approbation du règlement d’exécution partielle de la loi 13/2005) (BOA no 8, du 20 janvier 2007, ci-après le « décret 1/2007 »).

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

10

Au cours de l’année 2007, l’ANGED, une association qui regroupe au niveau national de grandes entreprises de distribution, a introduit devant le Tribunal Superior de Justicia de Aragón (Cour supérieure de justice d’Aragon, Espagne) un recours tendant à l’annulation du décret 1/2007. Ce recours fait suite à celui qu’elle a formé en 2006 devant cette juridiction contre l’orden del Departamento de Economía, Hacienda y Empleo de la Diputación General de Aragón (arrêté du département des Finances, de l’Économie et de l’Emploi du gouvernement régional d’Aragon), du 12 mai 2006 (BOA no 57, du 22 mai 2006) qui détermine les dispositions nécessaires à l’application des taxes environnementales créées par la loi 13/2005 et approuve les formulaires de déclaration, de paiements fractionnés et d’auto-liquidation.

11

Cette juridiction a suspendu ses décisions dans ces deux affaires en attendant l’issue de recours portés devant le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) par un groupe de députés et le gouvernement espagnol concernant la loi instituant l’IDMGAV. Après le rejet de ces recours par le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), le Tribunal Superior de Justicia de Aragón (Cour supérieure de justice d’Aragon) a rejeté le recours introduit par l’ANGED contre le décret 1/2007 et a accueilli partiellement celui formé contre l’arrêté du 12 mai 2006. L’ANGED a alors formé un pourvoi contre ces deux arrêts devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne).

12

L’ANGED avait également saisi la Commission d’une plainte concernant l’institution de l’IDMGAV et son prétendu caractère d’aide d’État.

13

Par lettre du 28 novembre 2014, la Commission a informé les autorités espagnoles que, à la suite d’une évaluation préliminaire du régime de l’IDMGAV, l’exonération accordée aux petits établissements commerciaux ainsi qu’à certains établissements spécialisés pouvait être susceptible d’être considérée comme une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, et qu’il convenait que le Royaume d’Espagne supprime ou modifie cet impôt.

14

C’est dans ce contexte que le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, identiques dans les affaires C‑236/16 et C‑237/16 :

« 1)

Les articles 49 et 54 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’existence d’une taxe régionale qui est censée taxer le préjudice environnemental causé par l’utilisation des installations et des éléments affectés à l’activité et au commerce réalisés dans les établissements commerciaux ayant une grande surface de vente et de stationnement pour la clientèle, dès lors que la surface de vente ouverte au public est supérieure à 500 m2, qui est exigible quel que soit le lieu où sont effectivement situés ces établissements commerciaux, dans ou hors du tissu urbain consolidé, et qui, dans la plupart des cas, frappe les entreprises d’autres États membres, eu égard au fait que :

a)

en réalité, elle ne s’applique pas aux commerçants qui sont propriétaires de plusieurs établissements commerciaux, quelle que soit la surface totale de vente ouverte au public, si aucun de ces établissements ne dispose d’une surface de vente ouverte au public supérieure à 500 m2 ou, si l’un ou plusieurs d’entre eux dépassent ce seuil, dès lors que la base d’imposition ne dépasse pas 2000 m2, alors qu’elle frappe effectivement les commerçants ayant un seul établissement commercial dont la surface de vente ouverte au public dépasse ces seuils et au fait que

b)

cette taxe ne s’applique pas aux établissements commerciaux vendant exclusivement des machines, des véhicules, de l’outillage et des fournitures industrielles ; des matériaux de construction, d’assainissement et des portes et des fenêtres [aux] professionnels ; [du mobilier] dans des établissements individuels, traditionnels et spécialisés ; des véhicules automobiles [en salles d’exposition et en ateliers, mais aussi aux jardineries ainsi qu’aux stations-services], quelle que soit leur surface de vente ouverte au public ?

2)

L’article 107, paragraphe 1, TFUE doit-il être interprété en ce sens que constitue une aide d’État interdite, conformément à cette disposition, le fait de ne pas soumettre à l’IDMGAV les établissements commerciaux dont la surface de vente ouverte au public ne dépasse pas 500 m2 ou dépasse ce seuil mais dont la base d’imposition ne dépasse pas 2000 m2, et les établissements commerciaux vendant exclusivement des machines, des véhicules, de l’outillage et des fournitures industrielles ; des matériaux de construction, d’assainissement [et] des portes et des fenêtres [aux professionnels] ; [du mobilier] dans des établissements...

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