Emesa Sugar (Free Zone) NV v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2001:279
CourtGeneral Court (European Union)
Date06 December 2001
Docket NumberT-43/98
Procedure TypeRecours en annulation - irrecevable
Celex Number61998TJ0043
EUR-Lex - 61998A0043 - FR 61998A0043

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 6 décembre 2001. - Emesa Sugar (Free Zone) NV contre Conseil de l'Union européenne. - Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Décision 97/803/CE - Importations de sucre - Recours en annulation - Recours en indemnité - Recevabilité - Irréversibilité des réalisations obtenues - Principe de proportionnalité - Sécurité juridique. - Affaire T-43/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page II-03519


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Décision du Conseil limitant l'application de la règle de cumul d'origine ACP/PTOM pour le sucre en provenance des PTOM - Recours d'une entreprise sucrière établie dans les PTOM - Irrecevabilité

[Traité CE, art. 173, alinéa 4 (devenu, après modification, art. 230, alinéa 4, CE); décision du Conseil 97/803]

2. Responsabilité non contractuelle - Conditions - Acte normatif impliquant des choix de politique économique - Violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers

[Traité CE, art. 215, alinéa 2 (devenu art. 288, alinéa 2, CE)]

3. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Limites - Modification de la réglementation relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer - Pouvoir d'appréciation des institutions - Obligation du Conseil de tenir compte de la situation d'entreprises déjà présentes sur le marché - Absence

[Traité CE, art. 132 (devenu art. 183 CE) et art. 136 (devenu, après modification, art. 187 CE); décision du Conseil 91/482, art. 240, § 3]

Sommaire

1. Est irrecevable le recours en annulation dirigé par une entreprise sucrière établie dans les pays et territoires d'outre-mer contre la décision 97/803, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), par laquelle le Conseil a limité l'application de la règle de cumul d'origine ACP/PTOM pour le sucre en provenance des PTOM.

En effet, pour qu'une personne physique ou morale puisse être considérée comme individuellement concernée par un acte de portée générale, il faut qu'elle soit atteinte par celui-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne. Or, premièrement, le fait que la décision 97/803 affecte l'activité économique de la requérante n'est pas de nature à l'individualiser au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE) par rapport à tout autre opérateur, dès lors qu'elle se trouve dans une situation objectivement déterminée, comparable à celle de tout autre opérateur établi ou qui viendrait à s'établir dans un PTOM et qui est ou serait actif sur le marché du sucre.

Deuxièmement, si le fait qu'une institution communautaire ait l'obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l'acte qu'elle envisage d'adopter sur la situation de certains particuliers est de nature à individualiser ces derniers, force est toutefois de constater que, au moment de l'adoption de la décision 97/803, qui ne saurait être considérée comme une mesure de sauvegarde tombant dans le champ d'application de l'article 109 de la décision 91/482, aucune disposition de droit communautaire n'imposait au Conseil de tenir compte de la situation particulière de la requérante.

Troisièmement, le fait que la requérante ait fait des investissements et ait conclu des contrats d'approvisionnement relève d'un choix économique qu'elle a opéré en fonction de ses propres intérêts commerciaux. Une telle situation, qui découle de l'activité normale de toute entreprise active dans la transformation du sucre, n'est pas de nature à individualiser la requérante au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

Quatrièmement, aucune disposition de droit communautaire n'imposait au Conseil, lors de la révision de la décision PTOM, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle la requérante aurait eu le droit d'être entendue. Enfin, le fait que la décision attaquée aurait été soustraite à tout contrôle démocratique ne permet pas d'écarter l'application des critères de recevabilité fixés à l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

( voir points 49-50, 52-56 )

2. En matière de responsabilité extracontractuelle de la Communauté un droit à réparation est reconnu dès lors que trois conditions cumulatives sont réunies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et, enfin, qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation qui incombe à la Communauté et le dommage subi par les personnes lésées. Une violation de l'article 190 du traité (devenu article 253 CE) n'est pas de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. En revanche, constituent des règles de droit conférant des droits aux particuliers le principe de proportionnalité et le principe de protection de la confiance légitime.

( voir points 59, 63-64 )

3. Le Conseil, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il opère des arbitrages entre les objectifs de l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et ceux de la politique agricole commune, est en droit de réduire, et même de supprimer, un avantage précédemment octroyé aux PTOM dès lors que l'application de celui-ci est susceptible d'entraîner d'importantes perturbations dans le fonctionnement d'une organisation commune de marché. Or, si le respect de la confiance légitime s'inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne peuvent légitimement placer leur confiance dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires.

Un opérateur économique diligent aurait donc dû prévoir que la décision 91/482, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer, pouvait être modifiée et qu'une modification pourrait, le cas échéant, porter sur la suppression ou la limitation d'avantages précédemment octroyés aux PTOM. Une telle analyse s'impose d'autant plus que les avantages concernés présentaient un caractère extraordinaire. En outre, aucune disposition de droit communautaire n'imposait au Conseil de tenir compte des intérêts des entreprises déjà présentes sur le marché. L'article 240, paragraphe 3, de la décision 91/482, qui prévoit que, avant l'expiration de la première période de cinq ans, le Conseil arrête, le cas échéant, les modifications éventuelles à apporter à l'association des PTOM à la Communauté, ne prive pas le Conseil de la compétence, qu'il tire directement du traité, de modifier les actes qu'il a adoptés au titre de l'article 136 de celui-ci (devenu, après modification, article 187 CE) aux fins de réaliser l'ensemble des objectifs énoncés à l'article 132 dudit traité (devenu article 183 CE).

( voir points 86-89 )

Parties

Dans l'affaire T-43/98,

Emesa Sugar (Free Zone) NV, établie à Oranjestad (Aruba), représentée par Me G. van der Wal, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J. Huber et G. Houttuin, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. Van Rijn, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

par

Royaume d'Espagne, représenté par Mmes M. López-Monís Gallego et R. Silva de Lapuerta, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482/CEE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 329, p. 50), ainsi qu'une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, K. Lenaerts et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Cadre juridique

1 En vertu de l'article 3, sous r), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous s), CE)], l'action de la Communauté comporte l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), «en vue d'accroître les échanges et de poursuivre en commun l'effort de développement économique et social».

2 Aruba fait partie des PTOM.

3 L'association de ces derniers à la Communauté est régie par la quatrième partie du traité CE.

4 Aux termes de l'article 131, deuxième et troisième alinéas, du traité CE (devenu, après modification, article 182, deuxième et troisième alinéas, CE):

«Le but de l'association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble.

Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l'association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent.»

5 À cet effet, l'article 132 du traité CE (devenu article 183 CE) énonce un certain nombre d'objectifs, parmi lesquels l'application par les États membres «à leurs échanges commerciaux avec les pays et territoires [du] régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du...

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