Gérard Fenoll v Centre d'aide par le travail "La Jouvene" and Association de parents et d'amis de personnes handicapées mentales (APEI) d'Avignon.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:200
Date26 March 2015
Celex Number62013CJ0316
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-316/13
62013CJ0316

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 mars 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 31, paragraphe 2 — Directive 2003/88/CE — Article 7 — Notion de ‘travailleur’ — Personne handicapée — Droit au congé annuel payé — Réglementation nationale contraire au droit de l’Union — Rôle du juge national»

Dans l’affaire C‑316/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 29 mai 2013, parvenue à la Cour le 10 juin 2013, dans la procédure

Gérard Fenoll

contre

Centre d’aide par le travail«La Jouvene»,

Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales (APEI) d’Avignon,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 mars 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Fenoll, par Mes G. Delvolvé et A. Delvolvé, avocats,

pour l’association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales (APEI) d’Avignon, par Me L. Cocquebert, avocat,

pour le gouvernement français, par Mme N. Rouam ainsi que par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et C. Schillemans, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. Van Hoof et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la notion de «travailleur» au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9) ainsi que de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Fenoll au centre d’aide par le travail «La Jouvene» (ci-après le «CAT ‘La Jouvene’») et à l’association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales (APEI) d’Avignon au sujet de la demande de l’intéressé visant à obtenir une indemnité financière au titre de congés annuels payés non pris.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er de la directive 2003/88, intitulé «Objet et champ d’application», prévoit:

«1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique:

a)

aux périodes minimales [...] de congé annuel [...]

[...]

3. La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE [du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1)], sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive.

[...]»

4

L’article 7 de cette directive, intitulé «Congé annuel», est libellé comme suit:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

5

L’article 17 de ladite directive prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de celle-ci. Toutefois, aucune dérogation n’est admise en ce qui concerne son article 7.

6

L’article 2 de la directive 89/391, intitulé «Champ d’application», se lit comme suit:

«1. La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).

2. La présente directive n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.

Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive.»

Le droit français

Le code du travail

7

L’article L. 223‑2, premier alinéa, du code du travail, dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, prévoit:

«Le travailleur qui, au cours de l’année de référence, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d’un mois de travail effectif, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée totale du congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables.»

8

Selon l’article L. 223‑4 de ce code:

«Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail. Les périodes de congé payé, les repos compensateurs [...], les périodes de repos des femmes en couches [...], les jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail et les périodes limitées à une durée ininterrompue d’un an pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sont considérées comme périodes de travail effectif [...]»

9

L’article L. 323‑10 dudit code dispose:

«Est considéré comme travailleur handicapé au sens de la présente section toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique.

La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission mentionnée à l’article L. 146‑9 du code de l’action sociale et des familles.

L’orientation dans un établissement ou service visé au a du 5° du 1 de l’article L. 312‑1 du même code vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.»

Le code de l’action sociale et des familles

10

L’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version en vigueur depuis le 6 septembre 2003, est libellé comme suit:

«Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après:

[...]

Les établissements ou services:

a)

D’aide par le travail, à l’exception des structures conventionnées pour les activités visées à l’article L. 322‑4‑16 du code du travail et des entreprises adaptées définies aux articles L. 323‑30 et suivants du même code;

[...]»

11

L’article L. 344‑2 de ce code, dans sa version en vigueur entre le 3 janvier 2002 et le 11 février 2005, disposait:

«Les centres d’aide par le travail, comportant ou non un foyer d’hébergement, accueillent les adolescents et adultes handicapés qui ne peuvent, momentanément ou durablement, travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte d’un centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle indépendante. Ils leur offrent des possibilités d’activités diverses à caractère professionnel, un soutien médico-social et éducatif et un milieu de vie favorisant leur épanouissement personnel et leur intégration sociale.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

M. Fenoll a été usager du CAT «La Jouvene» du 1er février 1996 jusqu’au 20 juin 2005. Initialement, il a régulièrement bénéficié de cinq semaines de congés annuels payés.

13

À partir du 16 octobre 2004 et ce jusqu’au moment où il a quitté ledit CAT, M. Fenoll était en arrêt maladie. Au moment où cette période d’incapacité a pris cours, il bénéficiait d’un solde de douze jours de congés annuels payés acquis et non pris, relatifs à la période de travail allant du 1er juin 2003 au 31 mai 2004. Par ailleurs, M. Fenoll n’a pu bénéficier de ses congés pour la période de référence allant du 1er juin 2004 au 31 mai 2005. Ces droits aux congés annuels acquis et non pris pour les deux périodes visées ci-avant donnaient, selon M. Fenoll, droit au paiement d’une indemnité financière d’un montant de 945 euros. Le CAT «La Jouvene» lui a refusé ce paiement.

14

Le tribunal d’instance d’Avignon (France) ayant rejeté, en dernier ressort, sa demande d’indemnisation, M. Fenoll s’est pourvu en cassation.

15

La juridiction de renvoi rappelle la jurisprudence de la Cour relative à l’article 7 de la directive 2003/88 ainsi que celle concernant la notion de «travailleur», au sens de l’article 45 TFUE. À cet égard, cette juridiction s’interroge sur la question de savoir si les personnes placées dans un centre d’aide par le travail (ci-après un «CAT») et qui n’y ont pas le statut de salarié relèvent de la notion de «travailleur», au sens du droit de l’Union.

16

La juridiction de renvoi rappelle les termes de...

To continue reading

Request your trial
11 practice notes
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 23 January 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 January 2020
    ...e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41). 36 Arrêts du 3 mai 2012, Neidel (C‑337/10, EU:C:2012:263, point 23), et du 26 mars 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, point 27). 37 Arrêts du 15 septembre 2011, Williams e.a. (C‑155/10, EU:C:2011:588, points 22 à 29), et du 22 mai 2014, Lock (C‑......
  • UX contra Governo della Repubblica italiana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 July 2020
    ...según los Derechos nacionales, sino que tiene un alcance autónomo propio del Derecho de la Unión (sentencias de 26 de marzo de 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, apartado 25, y de 20 de noviembre de 2018, Sindicatul Familia Constanţa y otros, C‑147/17, EU:C:2018:926, apartado 41 y juris......
  • Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 28 janvier 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 January 2021
    ...point 25 et jurisprudence citée). 46 Ce qui est le cas, par exemple, en droit français. 47 Voir, notamment, arrêt du 26 mars 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, point 31 et jurisprudence citée). 48 Ce qui s’explique vraisemblablement par le fait que la directive 89/391 est la « directive......
  • Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV v Tetsuji Shimizu.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 November 2018
    ...full effect of the right to paid annual leave and to set aside any contrary provision of national law (judgment of 26 March 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, paragraph 69 As regards, secondly, Article 31(2) of the Charter, a provision for which it was established, in paragraphs 49 to 5......
  • Request a trial to view additional results
8 cases
  • Stadt Wuppertal v Maria Elisabeth Bauer.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 November 2018
    ...full effect of the right to paid annual leave and to set aside any contrary provision of national law (judgment of 26 March 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, paragraph 79 In the light of the foregoing, it is necessary, secondly, to examine the scope of Article 31(2) of the Charter, in ......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. G. Pitruzzella, presentadas el 11 de noviembre de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 November 2020
    ...Familia Constanţa u. a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, Rn. 41 und die dort angeführte Rechtsprechung). 32 Vgl. Urteil vom 26. März 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, Rn. 29 und die dort angeführte 33 Vgl. Urteil vom 20. November 2018, Sindicatul Familia Constanţa u. a. (C‑147/17, EU:C:2018:9......
  • Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV v Tetsuji Shimizu.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 November 2018
    ...full effect of the right to paid annual leave and to set aside any contrary provision of national law (judgment of 26 March 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, paragraph 69 As regards, secondly, Article 31(2) of the Charter, a provision for which it was established, in paragraphs 49 to 5......
  • XT and Others v Keolis Agen SARL.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 November 2023
    ...en principio, para ser invocado en un litigio entre particulares (véase, en este sentido, la sentencia de 26 de marzo de 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, apartado 18 Sin embargo, según reiterada jurisprudencia, esta disposición refleja y concreta el derecho fundamental a un período an......
  • Request a trial to view additional results
1 books & journal articles
  • Fundamental Rights and Legal Wrongs: The Two Sides of the Same EU Coin
    • European Union
    • Wiley European Law Journal No. 22-1, January 2016
    • 1 January 2016
    ...and pluralism (the recognition of singularity as being of equalpolitical worth), Case C-163/10 Patriciello, EU:C:2011:543, para 31.121Case C-316/13 Fenoll, EU:C:2015:200.Fundamental Rights and Legal WrongsJanuary 2016© 2016 John Wiley & Sons them workers under EU law.122The right to annual ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT