Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV v Tetsuji Shimizu.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62016CJ0684
ECLIECLI:EU:C:2018:874
Date06 November 2018
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-684/16
62016CJ0684

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 novembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Droit au congé annuel payé – Réglementation nationale prévoyant la perte des congés annuels payés non pris et de l’indemnité financière au titre desdits congés lorsqu’une demande de congé n’a pas été formulée par le travailleur avant la cessation de la relation de travail – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Obligation d’interprétation conforme du droit national – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Invocabilité dans le cadre d’un litige entre particuliers »

Dans l’affaire C‑684/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), par décision du 13 décembre 2016, parvenue à la Cour le 27 décembre 2016, dans la procédure

Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV

contre

Tetsuji Shimizu,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. J.‑C. Bonichot, Mme A. Prechal (rapporteure), MM. M. Vilaras, T. von Danwitz, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J. Malenovský, E. Levits, L. Bay Larsen et S. Rodin, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 janvier 2018,

considérant les observations présentées :

pour Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV, par Me J. Röckl, Rechtsanwalt,

pour M. Shimizu, par Me N. Zimmermann, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par Mme E. Sebestyén et M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et T. S. Bohr, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), ainsi que de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV (ci-après « Max-Planck ») à M. Tetsuji Shimizu, l’un de ses anciens employés, au sujet du refus de Max-Planck de lui verser une indemnité financière au titre de congés annuels payés non pris avant la fin de leur relation de travail.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le quatrième considérant de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 1993, L 307, p. 18), énonçait :

« considérant que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée par les chefs d’État ou de gouvernement de onze États membres lors de la réunion du Conseil européen tenue à Strasbourg, le 9 décembre 1989, déclare notamment à [...] son paragraphe 8 [...] :

“[...]

8.

Tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire et à un congé annuel payé dont les durées doivent être rapprochées dans le progrès, conformément aux pratiques nationales.

[...]” »

4

Ainsi qu’il ressort de son considérant 1, la directive 2003/88, qui a abrogé la directive 93/104, a opéré une codification des dispositions de cette dernière.

5

Aux termes des considérants 4 à 6 de la directive 2003/88 :

« (4)

L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique.

(5)

Tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes. La notion de repos doit être exprimée en unités de temps, c’est-à-dire en jours, heures et/ou fractions de jour ou d’heure. Les travailleurs de [l’Union] doivent bénéficier de périodes minimales de repos – journalier, hebdomadaire et annuel – et de périodes de pause adéquates. [...]

(6)

Il convient de tenir compte des principes de l’Organisation internationale du travail en matière d’aménagement du temps de travail, y compris ceux concernant le travail de nuit. »

6

L’article 7 de la directive 2003/88, qui reproduit en termes identiques l’article 7 de la directive 93/104, est libellé comme suit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

7

L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines de ses dispositions. Toutefois, aucune dérogation n’est admise en ce qui concerne l’article 7 de celle-ci.

Le droit allemand

8

L’article 7 du Bundesurlaubsgesetz (loi fédérale relative aux congés), du 8 janvier 1963 (BGBl. 1963, p. 2), dans sa version du 7 mai 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1529) (ci-après le « BUrlG »), prévoit :

« (1) Lors de la détermination des dates du congé, il y a lieu de tenir compte des souhaits du travailleur en la matière, à moins que cette prise en compte ne s’oppose aux intérêts impérieux de l’entreprise ou aux souhaits d’autres travailleurs qui, en raison de considérations sociales, méritent la priorité. Le congé doit être accordé lorsque le travailleur le demande à la suite d’une mesure de médecine préventive ou de réadaptation.

[...]

(3) Le congé doit être octroyé et pris dans l’année civile en cours. Un report du congé à l’année civile suivante est uniquement permis si des raisons impérieuses tenant à l’entreprise ou des raisons tenant à la personne du travailleur le justifient. [...]

(4) Si, en raison de la cessation de la relation de travail, le congé ne peut plus être octroyé en tout ou en partie, il y a lieu de l’indemniser. »

9

Le Tarifvertrag für den öffentlichen Dienst (convention collective applicable à la fonction publique) comporte un article 26, intitulé « Congé de repos », dont le paragraphe 1 dispose :

« [...] Le congé de repos doit être accordé pendant l’année civile en cours ; [...]

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

M. Shimizu a été employé par Max-Planck, en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée, du 1er août 2001 au 31 décembre 2013. La relation de travail entre les parties était régie par les dispositions du BUrlG et de la convention collective applicable à la fonction publique.

11

Par courrier du 23 octobre 2013, Max-Planck a invité M. Shimizu à prendre ses congés avant la fin de la relation de travail, sans pour autant l’avoir contraint à les prendre aux dates qu’elle aurait fixées. M. Shimizu a pris deux jours de congé, respectivement les 15 novembre et 2 décembre 2013.

12

Après avoir, par courrier du 23 décembre 2013, demandé, sans succès, à Max-Planck le paiement d’une indemnité de 11979 euros correspondant à 51 jours de congés annuels payés non pris dus au titre des années 2012 et 2013, M. Shimizu a introduit un recours aux fins d’obtenir la condamnation de Max-Planck audit paiement.

13

Ce recours ayant été accueilli tant en première instance qu’en appel, Max-Planck a saisi la juridiction de renvoi, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), d’un recours en Revision.

14

Cette juridiction expose que les droits aux congés annuels payés en cause au principal se sont éteints, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du BUrlG, faute d’avoir été pris au cours de l’année au titre de laquelle le congé a été accordé. En effet, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du BUrlG, le congé du travailleur qui n’a pas été pris au cours de l’année au titre de laquelle celui-ci a été accordé s’éteint, en principe, à la fin de ladite année, sauf si les conditions de report énoncées à cette disposition sont remplies. Ainsi, lorsque le travailleur était en mesure de prendre son congé au cours de l’année au titre de laquelle celui-ci a été accordé, il y a extinction des droits au congé annuel payé à la fin de ladite année. Du fait de l’extinction desdits droits, ceux-ci ne pourraient plus être transformés en un droit à une indemnité en vertu de l’article 7, paragraphe 4, du BUrlG. Il n’en irait autrement que si, malgré une demande de congés du travailleur effectuée en temps utile auprès de son employeur, ce dernier lui avait refusé lesdits congés. En revanche, l’article 7 du BUrlG ne pourrait pas être interprété en ce sens que l’employeur serait tenu de contraindre le travailleur à prendre ses congés annuels payés.

15

La juridiction de renvoi est d’avis que la jurisprudence de la Cour ne permet pas de déterminer si une réglementation nationale ayant les effets décrits au point précédent est ou non conforme à l’article 7 de la directive 2003/88 et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, la doctrine demeurant, pour sa part...

To continue reading

Request your trial
38 practice notes
  • Conclusions de l'avocat général M. J. Richard de la Tour, présentées le 5 mai 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 May 2022
    ...originale : le français. 2 JO 2003, L 299, p. 9. 3 Ci-après la « Charte ». 4 C‑619/16, ci-après l’« arrêt Kreuziger », EU:C:2018:872. 5 C‑684/16, ci-après l’« arrêt Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften », 6 BGBl, 1963, p. 2. 7 BGBl, 2002 I, p. 1592, ci‑après le « BUrlG »......
  • Commission européenne contre République de Pologne.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 June 2023
    ...2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, points 33 et 34, ainsi que du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C‑684/16, EU:C:2018:874, point 80 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la République de Pologne allègue......
  • Sindicatul Familia Constanţa and Others v Direcţia Generală de Asistenţă Socială şi Protecţia Copilului Constanţa.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 November 2018
    ...C‑569/16 and C‑570/16, EU:C:2018:871, paragraph 59, and of 6 November 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C‑684/16, EU:C:2018:874, paragraph 84 In the present case, as was noted in paragraph 79 above, Article 122(3)(c) of Law No 272/2004 requires that the contrac......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. G. Pitruzzella, presentadas el 3 de septiembre de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 September 2020
    ...40 Véase, entre otras muchas, la sentencia de 6 de noviembre de 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874), apartado 59. Como aclara el Tribunal de Justicia en el apartado 60, «la exigencia de interpretación conforme incluye la obligación de los......
  • Request a trial to view additional results
36 cases
  • Conclusiones del Abogado General Sr. J. Richard de la Tour, presentadas el 17 de marzo de 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 March 2022
    ...y C‑520/06, en lo sucesivo, «sentencia Schultz-Hoff y otros»,EU:C:2009:18. 5 C‑214/10, en lo sucesivo, «sentencia KHS», EU:C:2011:761. 6 C‑684/16, en lo sucesivo, «sentencia Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften», 7 BGBl, 1963, p. 2. 8 BGBl, 2002 I, p. 1592, en lo sucesiv......
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 23 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 March 2023
    ...noviembre de 2018, Kreuziger (C‑619/16, EU:C:2018:872); de 6 de noviembre de 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, en lo sucesivo, «sentencia Max-Planck-Gesellschaft», EU:C:2018:874); de 19 de noviembre de 2019, TSN y AKT (C‑609/17 y C‑610/17, EU:C:2019:9......
  • Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida SA v LP.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 April 2023
    ...conforme con el objetivo perseguido por esta (sentencia de 6 de noviembre de 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C‑684/16, EU:C:2018:874, apartado 59 y jurisprudencia 34 Habida cuenta de las consideraciones anteriores, procede responder a las cuestiones prejudici......
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 8 June 2023
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 8 June 2023
    ...V., in tal senso, sentenza KHS, cit., punto 39. 24 Sentenza del 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, punto 35; in prosieguo: la «sentenza Max-Planck-Gesellschaft»). Al riguardo, v., in precedenza, sentenza Schultz-Hoff, cit., pu......
  • Request a trial to view additional results
2 books & journal articles
  • The Charter of Fundamental Rights of the european union and its field of application to the member states: some considerations as regards Italy
    • European Union
    • La Carta de Derechos Fundamentales de la Unión Europea, veinte años después La aplicación de la Carta por los tribunales estatales. I. Derecho comparado
    • 1 January 2022
    ...27; Grand Chamber, judgment of 6 th November 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV v. Tetsuji Shimizu , case C-684/16, ECLI:EU:C:2018:874, in Reports, point 76; Grand Chamber, judgment of 6 th November 2018, Stadt Wuppertal Maria Elisabeth Bauer (C-569/16) , Volk......
  • Case-law of the court of justice in 2018
    • European Union
    • Annual report 2018. Judicial activity : synopsis of the judicial activity of the Court of Justice and the General Court Chapter I. The court of justice
    • 2 September 2019
    ...Chamber of the Court took a similar approach in its judgments in Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C-684/16, EU:C:2018:874 ) and Kreuziger (C-619/16, EU:C:2018:872 ), delivered on 6 November 2018. In both judgments, the Court held that national legislation under whic......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT