Établissements Rimbaud SA v Directeur général des impôts and Directeur des services fiscaux d’Aix-en-Provence.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:645
Date28 October 2010
Celex Number62009CJ0072
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-72/09

Affaire C-72/09

Établissements Rimbaud SA

contre

Directeur général des impôts
et
Directeur des services fiscaux d’Aix-en-Provence

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France))

«Fiscalité directe — Libre circulation des capitaux — Personnes morales établies dans un État tiers membre de l’Espace économique européen — Possession d’immeubles situés dans un État membre — Taxe sur la valeur vénale de ces immeubles — Refus d’exonération — Lutte contre la fraude fiscale — Appréciation au regard de l’accord EEE»

Sommaire de l'arrêt

1. Accords internationaux — Accord créant l'Espace économique européen — Libre circulation des capitaux — Portée juridique identique à celle des dispositions communautaires

(Art. 63 TFUE; accord EEE, art. 40 et annexe XII)

2. Accords internationaux — Accord créant l'Espace économique européen — Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés par des personnes morales

(Accord EEE, art. 40)

1. L’un des principaux objectifs de l’accord créant l'Espace économique européen (EEE) est de réaliser de la manière la plus complète possible la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux dans l’ensemble de l’EEE, de sorte que le marché intérieur réalisé sur le territoire de l’Union soit étendu aux États de l'Association européenne de libre-échange (AELE). Dans cette perspective, plusieurs stipulations dudit accord visent à garantir une interprétation aussi uniforme que possible de celui-ci sur l’ensemble de l’EEE. Il appartient à la Cour, dans ce cadre, de veiller à ce que les règles de l’accord EEE identiques en substance à celles du traité FUE soient interprétées de manière uniforme à l’intérieur des États membres.

Il ressort des dispositions de l’article 40 de l’accord EEE que les règles interdisant les restrictions aux mouvements de capitaux et la discrimination qu’elles énoncent sont, s’agissant des relations entre les États parties à l’accord EEE, qu’ils soient membres de l’Union ou de l’AELE, identiques à celles que le droit de l’Union impose dans les relations entre les États membres.

Il s’ensuit que, si des restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants d’États parties à l’accord EEE doivent être appréciées au regard de l’article 40 et de l’annexe XII de cet accord, ces stipulations revêtent la même portée juridique que celle des dispositions de l’article 63 TFUE.

(cf. points 20-22)

2. L’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui exonère d’une taxe sur la valeur vénale des immeubles situés sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne les sociétés qui ont leur siège social sur le territoire de cet État et qui subordonne cette exonération, pour une société dont le siège social se trouve sur le territoire d’un État tiers membre de l’EEE, à l’existence d’une convention d’assistance administrative conclue entre ledit État membre et cet État tiers en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ou à la circonstance que, par application d’un traité comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces personnes morales ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle sont assujetties les sociétés établies sur le territoire d’un État membre.

En effet, si une telle réglementation constitue pour les personnes morales une restriction au principe de libre circulation des capitaux, laquelle est, en principe, interdite par l’article 40 de l’accord EEE de la même façon qu’elle est prohibée par l’article 63 TFUE, la justification tirée de la lutte contre la fraude fiscale et la nécessité de préserver l'efficacité des contrôles fiscaux sont appréciées différemment dès lors que le cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres établi par la directive 77/799, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, n’existe pas entre celles-ci et les autorités compétentes d’un État tiers lorsque ce dernier n’a pris aucun engagement d’assistance mutuelle. Dans ces conditions, il est en principe légitime pour un État membre de refuser l’octroi d'un tel avantage si, notamment en raison de l’absence d’une obligation conventionnelle de cet État tiers de fournir des informations, il s’avère impossible d’obtenir ces renseignements de ce dernier.

(cf. points 29, 41, 44, 52 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 octobre 2010 (*)

«Fiscalité directe – Libre circulation des capitaux – Personnes morales établies dans un État tiers membre de l’Espace économique européen – Possession d’immeubles situés dans un État membre – Taxe sur la valeur vénale de ces immeubles – Refus d’exonération – Lutte contre la fraude fiscale – Appréciation au regard de l’accord EEE»

Dans l’affaire C‑72/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 10 février 2009, parvenue à la Cour le 18 février 2009, dans la procédure

Établissements Rimbaud SA

contre

Directeur général des impôts,

Directeur des services fiscaux d’Aix-en-Provence,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. D. Šváby, E. Juhász, G. Arestis (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Établissements Rimbaud SA, par Me J.‑P. Chevallier, avocat,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.‑S. Pilczer, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement estonien, par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement grec, par M. S. Spyropoulos et Mmes Z. Chatzipavlou et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et M. de Mol, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk et M. A. Engman, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme I. Rao et M. I. Hutton, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J.‑P. Keppenne, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par Mmes L. Armati et I. Hauger, ainsi que par MM. B. Alterskjæn et X. Lewis, en qualité d’agents,

– pour la Principauté de Liechtenstein, par Mme S. Monauni‑Tömördy, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Établissements Rimbaud SA (ci‑après «Rimbaud») au directeur général des impôts et au directeur des services fiscaux d’Aix‑en‑Provence (ci-après l’«administration fiscale française»), au sujet de l’assujettissement de cette société à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales (ci‑après la «taxe litigieuse»).

Le cadre juridique

L’accord EEE

3 L’article 40 de l’accord EEE dispose:

«Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la CE ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

4 L’annexe XII de l’accord EEE, intitulé «Libre circulation des capitaux», fait référence à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I de ladite directive.

La réglementation nationale

5 Les articles 990 D et suivants du code général des impôts français (ci‑après le «CGI») font partie de mesures adoptées par le législateur français en vue de lutter contre une certaine forme d’évasion fiscale.

6 L’article 990 D du CGI prévoit:

«Les personnes morales qui, directement ou par personne interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés...

To continue reading

Request your trial
8 practice notes
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 1 March 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • March 1, 2018
    ...27); of 9 November 2006, Commission v Belgium (C‑433/04, EU:C:2006:702, paragraph 35); of 28 October 2010, Établissements Rimbaud (C‑72/09, EU:C:2010:645, paragraph 34); and of 5 July 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, paragraph 38 and the case-law 32 Judgments of 7 September 2017, Eqiom ......
  • Council of the European Union v Front Polisario
    • European Union
    • Court of Justice of the European Union
    • December 21, 2016
    ...paragraph 27); 10 January 2006, IATA and ELFAA (C-344/04, EU:C:2006:10, paragraph 36), and 28 October 2010, Établissements Rimbaud (C-72/09, EU:C:2010:645, paragraph 72 OJ 2012 L 247, p. 7. 73 Judgment of 13 February 2014, Hungary v. Commission (C-31/13 P, EU:C:2014:70, paragraph 54 and the......
  • X-GmbH v Finanzamt Stuttgart - Körperschaften.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • February 26, 2019
    ...since such movements take place in a different legal context (see, inter alia, judgment of 28 October 2010, Établissements Rimbaud, C‑72/09, EU:C:2010:645, paragraph 40 and the case-law 91 Regarding, in particular, a Member State’s obligation to give a taxable person the opportunity to prod......
  • X GmbH contra Finanzamt Stuttgart - Körperschaften.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 5, 2018
    ...de 19 de noviembre de 2009, Comisión/Italia (C‑540/07, EU:C:2009:717), apartado 54, de 28 de octubre de 2010, Établissements Rimbaud (C‑72/09, EU:C:2010:645), apartado 34, y de 24 de noviembre de 2016, SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:896), apartado 59. Véanse, en cuanto a su vinculación con la p......
  • Request a trial to view additional results
17 cases
  • European Commission v Kingdom of Belgium.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 1, 2011
    ...56 CE (voir arrêts du 11 juin 2009, Commission/Pays-Bas, C‑521/07, Rec. p. I‑4873, point 33, et du 28 octobre 2010, Établissements Rimbaud, C‑72/09, non encore publié au Recueil, point 22), l’ensemble des considérations qui précèdent est, dans des circonstances telles que celles du présent ......
  • X-GmbH v Finanzamt Stuttgart - Körperschaften.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • February 26, 2019
    ...since such movements take place in a different legal context (see, inter alia, judgment of 28 October 2010, Établissements Rimbaud, C‑72/09, EU:C:2010:645, paragraph 40 and the case-law 91 Regarding, in particular, a Member State’s obligation to give a taxable person the opportunity to prod......
  • Prunus SARL and Polonium SA v Directeur des services fiscaux.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 9, 2010
    ...inmobiliarios.» 1 – Lengua original: español. 2 – Sentencias de 11 de octubre de 2007 (C-451/05, Rec. p. I-8251) y de 28 de octubre de 2010 (C-72/09, Rec. p. I-0000). 3 – DO L 263, p. 1. 4 – DO L 314, p. 1. 5 – Véase Hinojosa Martínez, L.M., La regulación de los movimientos de capital desde......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 26 April 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • April 26, 2018
    ...effect, judgments of 4 March 2004, Commission v France (C‑334/02, EU:C:2004:129, paragraph 27); of 28 October 2010, Établissements Rimbaud (C‑72/09, EU:C:2010:645, paragraph 34); and of 25 October 2017, Polbud — Wykonawstwo (C‑106/16, EU:C:2017:804, paragraph 33 See, with regard to directiv......
  • Request a trial to view additional results
2 books & journal articles
  • La delimitación del ámbito de aplicación objetivo de la directiva 2009/133/CE
    • European Union
    • Fiscalidad de las reorganizaciones empresariales en la Unión Europea. Estudio de la Directiva Fiscal de Fusiones
    • January 1, 2021
    ...las SSTJUE de 19 de julio de 2012, asunto C-48/11, A Oy v. Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö , ap. 15; de 28 de octubre de 2010, asunto C-72/09, Établissements Rimbaud SA v. Directeur général des impôts y Directeur des services f‌iscaux d’Aix-en-Provence , ap. 20, o de 11 de junio de 200......
  • The Right of Defence and the exchange of tax information ruled by EU law
    • European Union
    • European Tax Studies No. 1/2018, January 2018
    • January 1, 2018
    ...General Kokott , 15 July 2010, Rāpertoire Culinaire Ltd . C-163/90, paragraph 90. 154. ECJ Judgment 20 October 2010, Ātablissement Rimbaud , C-72/09, paragraph 48. 155. ECJ Judgments, 26 April 2018, Donnellan , C-34/17, paragraph 41, 14 March 2019, Meritato , C-695/17, paragraph 42. 156. Op......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT